Pour s'attaquer au décrochage scolaire, l'homme d'affaires Mitch Garber propose une idée originale. Il suggère au ministère de l'Éducation de payer 1000 $ aux diplômés des écoles publiques secondaires. Et il a, lui-même, mis l'épaule à la roue. Voici comment.

Un rôle primordial

Le décrochage scolaire coûte plus de 1,9 milliard par année au Québec, selon les participants réunis aux Journées de la persévérance scolaire, l'an dernier. Et il entraîne de graves répercussions : délinquance, aide sociale, chômage, etc. « Les coûts du décrochage sont élevés pour la société, dit Mitch Garber. On veut tous voir nos enfants réussir leurs études. Dans le marché global et compétitif d'aujourd'hui, le rôle de l'éducation est primordial. Cet enjeu m'interpelle. »

Mont-de-LaSalle

Pour l'anniversaire de sa femme, il vient d'ailleurs de créer la bourse Anne-Marie Boucher. Il versera 50 000 $ à l'école Mont-de-LaSalle, de Laval. « C'est son école secondaire, dit-il. Et son taux de décrochage est élevé. » Une somme de 5000 $ sera distribuée chaque année pendant 10 ans. Neuf lauréats seront choisis selon les progrès réalisés pendant l'année scolaire. Fondatrice de la firme BCF, Mme Boucher est avocate et fiscaliste. Samedi dernier, elle a fêté, avec son mari, les 100 ans de l'école.

Payer les élèves

M. Garber souhaite que cette façon de faire soit appliquée à plus large échelle par le ministère de l'Éducation. À son avis, il s'agit d'une « approche positive » pour encourager les élèves des écoles publiques secondaires à obtenir leur diplôme. « Certains peuvent penser que payer les élèves n'est pas la bonne façon, dit-il. Moi, je prends la position inverse. Je pense que l'argent est une réalité pour tout le monde. C'est une compensation pour l'effort et pour les résultats obtenus. »

Obtenir un diplôme

Mitch Garber estime qu'une somme de 1000 $ sans impôt par diplômé inciterait les jeunes à terminer leur cinquième secondaire. « Un tel montant est important dans la vie d'un jeune, dit-il. Je ne vois pas comment ça pourrait avoir un effet négatif. » De plus, ajoute-t-il, ça encouragerait ceux qui sont « sur le bord de couler ou de décrocher ». Tous les finissants du secteur public seraient admissibles, peu importent leur niveau, leur âge, leurs notes. « Chacun doit se sentir impliqué », précise-t-il.

0,3 % du budget

En considérant qu'il y a 60 000 finissants par année, M. Garber rappelle que la mesure coûterait 60 millions par an. « On parle de 0,3 % du budget annuel de 18 milliards du ministère de l'Éducation du Québec », calcule-t-il. Son idée ne s'applique pas au secteur privé, car les taux de diplomation y sont plus élevés. « C'est clair qu'on a un système d'éducation à deux vitesses, dit-il. Le privé a moins besoin de ce niveau d'encouragement. Ces efforts contre le décrochage scolaire doivent aller davantage vers le public. »

Discussions avec le ministre

M. Garber a déjà glissé un mot de son idée au ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx. Il a l'intention de le rencontrer d'ici la fin de l'année pour en discuter plus à fond. « Le gouvernement prend au sérieux la question du décrochage, dit-il. Et on voit une amélioration depuis quelques années. » Le taux de diplomation est de 77,7 % au Québec. On vise 80 % d'ici 2020. « On sait tous qu'il y a encore du travail à faire, ajoute-t-il. Et ce que je dis est complémentaire à ce que fait Québec. »

Programme au Danemark

Pendant ses recherches, M. Garber a remarqué un programme mis en place au Danemark. Dans ce cas, on paye plutôt les jeunes de 18 à 20 ans, de 450 à 1000 $ par mois, pour retourner aux études. « J'opte aussi pour une vision à long terme, dit-il. Plus les jeunes seront instruits, plus les gains de l'économie compenseront les coûts des bourses. » Au Québec, le Fonds 1804 offre des bourses de 250 à 500 $ pour encourager la persévérance scolaire des jeunes au secondaire.

En tête de classement

L'an dernier, Mitch Garber a encaissé plus de 275 millions CAN après la vente de l'entreprise Playtika. Du coup, il a versé plus de 100 millions en impôts aux fiscs québécois, canadien et américain. Bloomberg l'a classé parmi les dirigeants de sociétés américaines les mieux rémunérés, avec 91,1 millions US. Il est arrivé tout juste derrière Tim Cook, Sundar Pichai et Elon Musk, les patrons d'Apple, de Google et de Tesla. « Je veux profiter de ma situation pour aider des causes importantes », dit-il.

OEuvres philanthropiques

L'an dernier, M. Garber a été coprésident de la campagne de Centraide du Grand Montréal. Cette collecte de fonds a permis de recueillir 55 millions de dollars. Il appuie aussi les initiatives pour combattre la stigmatisation de la santé mentale. « Je n'ai pas assez d'argent pour changer le monde, mais je veux utiliser ma voix pour choisir des causes claires et non controversées, dit-il. Les questions du décrochage scolaire et de l'enseignement de l'économie pour nos jeunes étudiants en font partie. »