Le Québec est « dans un vide législatif » concernant les congés religieux dans les écoles, déplore la présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Catherine Harel Bourdon. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, entend le combler et met en garde les gestionnaires : un employé ne devrait pas pouvoir bénéficier d'un congé payé supplémentaire pour des motifs religieux sans contrepartie.

Les heures non travaillées mais rémunérées devraient être reprises d'une façon ou d'une autre pour des raisons d'équité, selon elle.

Le traitement équitable des employés est d'ailleurs une source de préoccupation dans les écoles, selon Catherine Harel Bourdon. « Moi, ce qui m'inquiète beaucoup, c'est la question d'iniquité entre nos employés sur les journées supplémentaires de congé pour des motifs religieux, a-t-elle dit lors d'un entretien avec La Presse. Pour cette raison, notre commission scolaire demande depuis des années que le gouvernement légifère. Nous sommes dans un vide législatif en ce moment. Et l'un des points qu'on a déjà abordés, en 2007, lors de la commission Bouchard-Taylor, c'est l'obligation de réciprocité, à savoir l'accomplissement de la même prestation de temps de travail pour tous. » Elle affirme que les congés religieux devraient être inclus dans la banque des enseignants et du personnel scolaire.

Sans réagir directement aux propos de la ministre, Mme Harel Bourdon rappelle que la question d'un congé pour motif religieux à la Commission scolaire de Chambly s'est déjà rendue jusqu'en Cour suprême. 

« Avec ce jugement, nous sommes tenus d'accorder ce congé à l'extérieur de la banque comme un congé supplémentaire. » - Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM

Quant à la ministre Vallée, elle n'a pas voulu commenter directement le cas de la journée pédagogique décrétée à quelques jours d'avis dans deux écoles de Montréal afin de coïncider avec la fête du Mouton, la plus grande célébration de la religion musulmane. Mais elle a précisé qu'il est inéquitable que certains employés profitent d'un congé rémunéré pour des motifs religieux en plus de leurs jours fériés. Leurs collègues n'ont pas droit à ces congés supplémentaires.

REPRENDRE LES HEURES

Si une personne obtient un accommodement afin de s'absenter du bureau pour des motifs religieux, et que ce congé est payé, elle devrait reprendre les heures non travaillées selon une formule dont il faudrait convenir avec l'organisme touché, selon la ministre.

« Que quelqu'un puisse avoir accès à un congé X pour une raison religieuse, c'est une chose, mais est-ce qu'il n'y a pas un balancier à respecter ? Il ne faudrait pas créer, par le biais d'un accommodement, une iniquité envers les autres membres de l'équipe », a affirmé Mme Vallée lors d'un bref entretien avec La Presse.

Elle a ajouté que le « principe de réciprocité » se retrouve dans un projet de loi visant à encadrer les accommodements religieux qu'elle a déposé en juin 2015 et qui sera finalement étudié à l'Assemblée nationale cet automne. Il y a « un effort ou un bout de chemin » à faire de la part du demandeur d'accommodement, selon elle.

« L'objectif de 62, c'est d'avoir des balises claires. Parce qu'actuellement, on y va à tâtons. Il y a la jurisprudence qui nous guide. Mais l'interprétation jurisprudentielle, parfois, ça amène les gestionnaires à accorder ou à ne pas accorder une demande d'accommodement en fonction de leur propre interprétation de la jurisprudence », a soutenu Mme Vallée. Elle veut en arriver à un « équilibre entre le respect des droits et l'équité entre les différents intervenants ».

Québec a tenté à quelques reprises de faire adopter une loi pour encadrer les accommodements religieux depuis la commission Bouchard-Taylor, mais sans succès. Les partis politiques se livrent une rude bataille sur cet enjeu. Les différentes propositions du gouvernement Charest avaient été jugées insuffisantes par l'opposition ; celles du gouvernement minoritaire de Pauline Marois, enchâssées dans le projet de charte des valeurs, avaient provoqué la controverse. Le gouvernement Couillard revient à la charge avec son propre projet de loi.

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CE QUE DIT LE PROJET DE LOI 62

« Lorsqu'une demande d'accommodement pour un motif religieux par un membre du personnel implique une absence du travail, doivent être plus spécifiquement considérées : 

• La fréquence et la durée des absences pour un tel motif ;

• La taille de l'unité administrative à laquelle appartient la personne qui fait la demande et la capacité d'adaptation de cette unité ainsi que l'interchangeabilité des effectifs de l'organisme ;

• Les conséquences des absences sur l'exécution du travail de la personne faisant la demande et sur celle des autres membres du personnel de même que sur l'organisation des services ;

• La contrepartie possible par la personne qui fait la demande, notamment la modification de son horaire de travail, l'accumulation ou l'utilisation de sa banque d'heures ou de jours de congé ou son engagement à reprendre les heures non travaillées ;

• L'équité au regard des conditions de travail des autres membres du personnel, notamment en ce qui a trait au nombre de congés payés et l'établissement des horaires de travail. »