Les enseignants ont protesté. Ils ont réclamé des consultations avec la direction, ont déposé une pétition, ont obtenu l'appui de confrères d'écoles primaires, mais en vain. La fin de l'année scolaire dans les écoles situées au nord de Laval marquera aussi la fin des classes ressources pour les élèves en difficulté, voués à l'échec, qui font leur entrée au secondaire.

Il ne restait que deux classes du genre pour desservir tout le territoire de la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI), une classe à l'école secondaire d'Oka, à Deux-Montagnes, et l'autre à l'école secondaire des Patriotes, à Saint-Eustache. Jean Dalpé, enseignement de la classe ressource d'Oka, a décidé de devancer son départ à la retraite tellement il est choqué par la décision de la commission scolaire. La semaine prochaine, il fera ses boîtes.

« J'ai une vraie pharmacie à gérer dans mon bureau avec l'accord des parents, raconte-t-il. Sur une vingtaine d'élèves, plus de la moitié sont médicamentés. Il y a l'hyperactivité, mais aussi des troubles de l'anxiété, du stress. Des crises de panique. Pour vous donner une idée, il n'est pas rare que je sorte des jeunes de la classe pour faire des exercices de respiration, de la relaxation. »

Au-delà des troubles de comportement, il explique que plusieurs élèves arrivent au secondaire sans même posséder les acquis de la 6e année. L'enseignant fait donc un suivi serré, quotidien, avec les parents et avec les autres enseignants : anglais, sciences, orthopédagogue, etc.

Les enseignants du comité EHDAA (élève handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage) de l'école s'insurgent contre la décision, d'autant plus que le gouvernement s'est engagé, ce printemps, à consacrer davantage d'argent à cette clientèle. Les membres du comité ont réclamé non seulement le maintien de la classe, mais aussi davantage de temps dans les tâches liées à cette classe, dans une résolution qu'ils ont fait parvenir à la commission scolaire.

Du tutorat

À la direction de la CSSMI, on explique qu'il est trop tard, la décision est prise.

« On fait des analyses du profil de réussite de nos élèves chaque printemps, et elles ont démontré qu'il y a autre chose à faire. Les élèves seront intégrés dans les classes ordinaires », explique Anik Gagnon, directrice adjointe aux affaires corporatives.

La solution, a-t-elle expliqué, passera par du tutorat, par l'ajout d'une technicienne en éducation. Il y aura deux enseignants dans les classes où c'est nécessaire, particulièrement en français et en mathématiques.

« Le but, ce n'est pas d'économiser de l'argent, c'est une cible de réussite, assure Mme Gagnon. Notre objectif, c'est que ça marche pour nos élèves. Il y a actuellement tout un mouvement vers le tutorat en éducation, et on fait face à une résistance au changement chez le personnel. »

La solution est loin de convaincre Véronique Lapointe, une enseignante du primaire de la CSSMI, qui a déjà enseigné au primaire, et qui aurait confié au moins deux élèves en classe ressource. « Je l'ai vu dans le passé, ces classes peuvent faire la différence entre un décrocheur et un élève qui décrochera son diplôme. La décision de la commission scolaire sera lourde de conséquences pour les enfants », se désole-t-elle.