Une notaire qui a enseigné à l'Université de Sherbrooke pendant plusieurs années s'est vu imposer une radiation de trois ans par le conseil de discipline de la Chambre des notaires, le mois dernier, pour avoir bâclé, et même altéré, des documents notariés, dont les testaments d'une cinquantaine de religieuses. Le conseil a déploré l'«insouciance» et le «laxisme» de Danielle Létourneau dans sa décision.

En janvier 2015, Danielle Létourneau est retournée à la pratique du notariat. Membre de l'ordre professionnel depuis 30 ans, elle avait principalement occupé des postes de direction, avant d'être chargée de cours à l'Université de Sherbrooke de 2010 à 2014. Selon sa page LinkedIn, elle donnait un cours de maîtrise destiné aux comptables sur les obligations des dirigeants d'entreprises publiques en matière de gouvernance.

La juriste spécialisée en droit d'auteur a ainsi été engagée par la Congrégation des soeurs missionnaires de l'Immaculée-Conception pour préparer les testaments des 250 soeurs. Or, Danielle Létourneau n'avait pas rédigé un seul acte authentique depuis plus de 20 ans. Selon le conseil de discipline, elle n'a pris aucune mesure pour « s'assurer que ses connaissances » étaient à jour.

Résultat: ses 33 premiers testaments comportaient des erreurs. Au total, 46 actes notariés entre septembre 2014 et mars 2015 ne respectaient pas les formalités de la loi. « Les erreurs commises par l'intimée ont eu de sérieuses conséquences, car ces actes ont dû être ou auront à être refaits », souligne le conseil dans sa décision du 13 avril dernier.

Dans deux cas, l'ex-notaire a modifié un testament et un mandat de protection en cas d'inaptitude après la réception des signatures requises. Dans d'autres cas, le testament n'avait pas été signé devant un témoin, ou aucune preuve de vérification d'identité n'avait été conservée. «Les infractions se situent donc au coeur même de la profession de notaire», conclut le conseil.

Coupable de neuf infractions déontologiques

Pour 28 actes notariés, Danielle Létourneau a déclaré de fausses dates de réception au Registre des dispositions testamentaires ou a carrément omis de transmettre des rapports. «L'intimée [a] affect[é] la fiabilité et l'exactitude des Registres puisque la Registraire ne peut alors transmettre au public des informations exactes. Il en est de même lorsque l'intimée déclare de fausses dates de réception de testaments.»

L'ex-notaire a été reconnue coupable de neuf infractions déontologiques, toutes des «manquements graves» à sa profession, pour lesquels le conseil de discipline lui a imposé des périodes de radiation temporaire d'un mois à trois ans, purgées simultanément. Danielle Létourneau n'est plus inscrite au tableau de l'ordre depuis quelques mois.

En août 2015, le conseil de discipline de la Chambre des notaires avait imposé une radiation temporaire à Danielle Létourneau jusqu'à la récente décision. Au cours de cette audience, la notaire a reconnu certains torts. «J'aurais dû revoir avant la Loi sur le notariat, je ne l'ai pas fait», a-t-elle déclaré. Elle a toutefois blâmé son adjointe administrative pour de nombreuses erreurs importantes, une thèse rejetée par le conseil.

«L'intimée tout au long de son témoignage minimise sa responsabilité, l'attribue à un tiers ou met cela sur le fait d'une simple erreur de ne pas avoir pris la précaution de relire la Loi sur le notariat, ce qu'elle aurait fait depuis. Elle considère ne pas avoir besoin de se "ressourcer en lisant la loi sur les testaments"», peut-on lire dans la décision du 11 août 2015.