Environ le tiers des enseignants du primaire et du secondaire ont débrayé, mercredi, touchant ainsi quelque 300 000 élèves dans plusieurs régions du Québec. Et des milliers d'enseignants ont d'ailleurs manifesté au centre-ville de Montréal.

Ce sont 34 000 enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle, syndiqués à la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) - un regroupement indépendant de syndicats - qui ont tenu leur première journée de grève. Celle-ci a lieu dans le cadre d'une négociation difficile en vue de renouveler les conventions collectives du secteur public et dans un contexte de compressions budgétaires.

Ce regroupement de huit syndicats d'enseignants doit tenir une autre journée de grève durant la dernière moitié du mois d'octobre, a indiqué Sylvain Mallette, président de la FAE, au cours d'un point de presse mercredi midi. Une troisième journée est également prévue.

M. Mallette a expliqué que pour ses membres enseignants, la situation ne pouvait plus durer, d'autant plus que le réseau a subi de nombreuses vagues de compressions budgétaires depuis des années, affectant les conditions dans lesquelles ils travaillent.

Plus de 70 rencontres de négociation ont déjà été tenues entre les négociateurs gouvernementaux et ceux de la FAE, sans trop de progrès, rapporte M. Mallette. D'autres rencontres sont d'ailleurs prévues.

Le gouvernement offre à l'ensemble des employés de l'État deux années de gel salarial, suivies de trois années avec des augmentations de 1 pour cent. Le front commun des secteurs public et parapublic réclame 4,5 pour cent d'augmentation par année pendant trois ans. Un gouffre sépare donc les parties, sans compter que des concessions sont demandées au chapitre du régime de retraite.

«On considère que les augmentations salariales qu'on demande reflètent le travail qu'on nous demande d'accomplir auprès des élèves, a dit M. Mallette. Maintenant, c'est une négociation. Il y a, oui, le salaire - et on pense qu'on vaut ce qu'on demande - mais il y a aussi toutes les conditions de travail dans lesquelles on veut nous faire travailler auprès des élèves. Et ça, c'est inacceptable. Ce n'est pas vrai qu'on va accepter de voir le nombre d'élèves augmenter. Ce n'est pas vrai qu'on va accepter que notre tâche s'alourdisse. Une négociation, c'est de construire un pont et de finir par se retrouver au milieu. On fait notre bout de chemin; que le gouvernement fasse le sien.»

Le ministre de l'Éducation, François Blais, a quant à lui répliqué que le fait de revendiquer une augmentation de 13,5 pour cent sur trois ans était irréaliste dans le contexte actuel. «C'est impossible pour les contribuables de payer ça», a-t-il dit.

Il a par ailleurs nié vouloir augmenter la charge de travail des enseignants. «Ils sont rémunérés sur une base de 40 heures par semaine», a-t-il affirmé - ce que M. Mallette nie, évoquant plutôt une semaine régulière de travail de 32 heures, prévue dans la convention collective.

Le ministre Blais a aussi nié vouloir mettre fin aux classes spéciales d'élèves.

Fait à noter, des infirmières, membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), ont accompagné les enseignants durant leur manifestation. La présidente de la FIQ, Régine Laurent, était d'ailleurs présente. Des parents étaient également présents pour soutenir la cause de ces enseignants.

Le ministre Blais, de son côté, a déploré la tenue de cette première journée de grève - bien qu'elle soit légale - affirmant que ce sont les élèves et les parents qui sont pénalisés.

M. Mallette a critiqué le «culot» du ministre de tenir de tels propos. «Les élèves qui fréquentent l'école publique souffrent depuis dix ans, parce qu'on impose des compressions aux écoles publiques, qui totalisent plus d'un milliard de dollars», a répliqué le dirigeant syndical.

«Malheureusement, on n'est pas des députés libéraux, parce qu'on le sait, quand on est député libéral et qu'on part, on part les poches pleines. On est des enseignantes et des enseignants que le gouvernement a décidé de mépriser», a-t-il lancé. Il faisait ainsi référence aux primes de départ touchées par des députés et ministres libéraux qui ont quitté avant la fin de leur mandat.

À Québec, le chef de l'opposition officielle, Pierre Karl Péladeau, a dit estimer que la raison de ce conflit avec les enseignants était «le régime d'austérité du gouvernement libéral». Selon lui, «il y a consensus pour protéger l'éducation» des compressions budgétaires. Il a aussi annoncé qu'il participerait à une «chaîne humaine» qu'il doit y avoir, jeudi, pour encercler et protéger symboliquement les écoles. Il affirme le faire «comme parent et comme citoyen».

Le chef caquiste François Legault, quant à lui, a trouvé la situation «malheureuse» pour les enfants et les parents, ajoutant: «je ne pense pas que les enseignants se rendent service» en débrayant ainsi.

La majorité des enseignants de ces niveaux scolaires sont syndiqués à la Centrale des syndicats du Québec. La CSQ fait partie du front commun, qui consulte présentement ses membres sur la tenue de six journées de grève à être tenues au moment jugé opportun. La CSQ doit dévoiler les résultats de cette consultation au cours des prochains jours.