Intimidation. Discrimination. Harcèlement. Les étudiants de la faculté de médecine de l'Université de Montréal travaillent dans un milieu hostile, révèle un rapport interne dévastateur obtenu par La Presse. Le document, rédigé par l'ombudsman de l'Université de Montréal, lève le voile sur les problèmes subis par les résidents en médecine.

Dans son rapport, l'ombudsman Pascale Descary demande à la faculté de médecine d'agir pour «que cessent les pratiques ou attitudes inappropriées de harcèlement ou d'intimidation se manifestant, parfois de manière récurrente et bien enracinée, chez certains membres de sa communauté et dans certains milieux».

L'enquête de l'ombudsman fait suite au suicide d'une résidente en médecine de l'Université de Montréal en 2011. À l'été 2013, la famille de cette étudiante a demandé à l'ombudsman d'intervenir, estimant que «les responsables facultaires ont contribué, par leurs approches et leurs lacunes en termes d'accompagnement et de soutien», à la mort de la jeune femme. L'hiver dernier, une deuxième étudiante en médecine de l'Université de Montréal a mis fin à ses jours.

À la même époque, La Presse révélait que six des neuf programmes de chirurgie de l'établissement avaient été mis en sursis par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, notamment pour des problèmes de harcèlement.

Discrimination et manque de respect

En entrevue, Mme Descary tient à préciser que «beaucoup de choses» sont faites à la faculté de médecine et à l'Université pour soutenir les résidents. «Il y a de bonnes pratiques. Mais il reste des choses à améliorer», dit-elle, tout en soulignant que l'Université a collaboré de façon exemplaire à son enquête.

Certains résidents rapportent encore «trop souvent» que leur évaluation «se déroule dans un climat de tensions et de manque de respect».

Les étudiants étrangers semblent les plus touchés par les difficultés. Sur 39 demandes d'assistance adressées à l'ombudsman par des résidents en détresse au cours des 10 dernières années, plus de 67% proviennent de médecins diplômés hors du Canada ou des États-Unis, apprend-on dans le rapport.

Ces résidents «semblent vivre proportionnellement davantage de difficultés que les autres, certains expriment le sentiment d'être la cible de commentaires désobligeants, voire discriminatoires, de la part de leurs évaluateurs et sentent qu'ils sont évalués plus sévèrement».

Une source bien au fait du dossier n'hésite pas à dire qu'il y a carrément «du racisme» à la faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Des étudiants «pas à leur place»

La faculté de médecine de l'Université de Montréal a mis sur pied une procédure interne de traitement des cas de harcèlement. Or, certains directeurs ayant un rôle d'écoute et de soutien auprès des résidents sont appelés à évaluer ces mêmes résidents par la suite, créant une situation de conflit d'intérêts, note-t-on dans le rapport.

Pour le vice-décanat de la faculté de médecine, «les difficultés rencontrées par un certain nombre de résidents peuvent s'expliquer en partie par le fait qu'ils n'ont peut-être pas fait le choix de formation et de carrière le plus approprié par rapport à leurs réels intérêts et aptitudes», est-il écrit.

Dans son rapport, l'ombudsman propose différentes pistes de solutions pour améliorer la situation des résidents, notamment leur offrir de changer de milieu de stage quand la situation s'envenime. Une option qui n'est pas permise actuellement. Plus de formation devrait également être offerte aux patrons, notamment sur les notions de harcèlement.

La vice-doyenne démissionne

La semaine dernière, la vice-doyenne de médecine, la Dre Josée Dubois, a quitté ses fonctions. Le porte-parole de l'Université de Montréal, Mathieu Fillion, assure que ce départ n'est pas lié aux faits rapportés par l'ombudsman, mais tout simplement à la fin de son mandat.

M. Fillion affirme que le rapport, déposé en mars, a été bien accueilli et qu'un plan d'action a été adopté. Depuis le début de l'été, les résidents qui reviennent d'une absence de maladie peuvent par exemple se prévaloir d'un retour progressif au travail. «Ils peuvent effectuer un stage rémunéré, mais non évalué, de trois mois, à temps partiel», explique M. Fillion. Permettre le cheminement à temps partiel était l'une des recommandations de l'ombudsman.

Un projet «bien-être» sera également déployé d'ici peu et permettra aux médecins résidents de se confier 12 fois par année à un médecin qui ne sera jamais appelé à les évaluer par la suite.

Depuis lundi, c'est la Dre Marie-Josée Dupuis qui occupe le poste de vice-doyenne de médecine de l'Université de Montréal. Depuis huit ans, celle-ci occupait le poste de directrice de l'enseignement et de l'Académie au CHUM.