Où se situe l'école de notre enfant par rapport à des écoles semblables ? La Presse a compilé les moyennes aux examens du Ministère de quelque 400 écoles de six commissions scolaires de la région de Montréal. Voici le résultat.

>>> Palmares des écoles primaires publiques: les résultats complets

Les écoles en tête de liste

Les écoles internationales ou celles qui offrent un programme particulier (anglais intensif, musique, etc.) dominent nos classements. Cela n'est pas une surprise dans la mesure où il y a sélection des meilleurs élèves pour ces programmes.

Par ailleurs, les meilleures écoles de milieux défavorisés obtiennent des moyennes assez comparables aux 20 meilleures écoles de milieux favorisés (seulement cinq points de pourcentage d'écart entre la 50e école du tableau des écoles défavorisées et la 50e école du tableau des écoles favorisées, par exemple).

Cela étonne dans la mesure où, en juillet, une étude du Journal of the American Medical Association chiffrait à 20 % l'écart habituel de notes entre les élèves riches et les élèves pauvres à des examens normalisés.

Utiles, ces classements ?

« Est-ce que je peux consulter le classement des écoles de la CSDM ? » est l'une des questions les plus demandées par les parents, puisqu'elle figure dans la section questions-réponses des sites internet de plusieurs écoles de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

La réponse ? « La CSDM, de concert avec les autres commissions scolaires de l'île de Montréal, n'endosse pas ce genre d'information. »

Les syndicats décrient aussi les palmarès des écoles secondaires qui comparent les écoles entre elles. Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l'enseignement, signale qu'il est « favorable aux diagnostics » et très prompt à dénoncer par exemple la pédagogie dépassée en français en 1re et 2e année, mais très opposé à de tels palmarès qui, à son avis, « ne font que traduire une logique marchande ».

Les écoles en queue de peloton

Les écoles qui arrivent en queue de peloton ne sont pas nécessairement celles où l'enseignement est le plus faible. En fait, cela peut parfaitement être le contraire : le défi d'enseigner à des élèves de milieux défavorisés ou multiethniques est nettement plus élevé.

Détail intéressant, rares sont les écoles dont les moyennes des quatre épreuves (deux en français, deux en mathématiques) sont sous la barre des 60 %. Aucune des écoles favorisées n'est dans ce cas ; seulement une école de milieu économique moyen et quatre en milieu défavorisé le sont.

En général, les examens de mathématiques ont donné légèrement plus de mal aux élèves que les deux épreuves de français.

Les grands absents

La commission scolaire Marie-Victorin a refusé d'associer des notes à ses écoles. En réponse à notre demande d'accès à l'information, cette commission scolaire nous a envoyé des numéros d'école (école numéro 1, école numéro 2, etc.) sans plus de détail. Pour sa part, la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île a été la seule dans la grande région de Montréal à nous répondre qu'elle n'avait pas en sa possession la moyenne aux examens du Ministère, mais seulement les taux de réussite. Notons que les demandes d'accès ont été envoyées plusieurs mois avant les sorties publiques de syndicats des commissions scolaires de la Pointe-de-l'Île et de Laval qui, en juin, ont dénoncé les pressions faites sur les enseignants pour qu'ils gonflent artificiellement les notes - une pratique qui a été décrite dans le débat public qui s'en est suivi comme très répandue au Québec.

La réalité en milieu défavorisé

Derrière les notes, des réalités sociales. Comment fait-on dans ces écoles où les enfants accusent souvent déjà des retards en posant le pied à la maternelle ? Portrait de deux écoles en milieu défavorisé.

L'art de s'en tirer avec les ressources existantes

L'école Paul-Jarry, dans l'arrondissement de Lachine, compte parmi les plus défavorisées du Québec. N'empêche, côté notes, elle réussit mieux que bien d'autres. Sa directrice, Christine Jost, a des idées bien précises sur ce qui fonctionne et sur ce qui ne fonctionne pas dans son école.

« Si j'écoutais les enseignants, il nous faudrait deux, trois ou même quatre orthopédagogues [...] qui prendraient en charge tous ceux qui échouent, mais aussi tous ceux qui ont entre 60 et 69 % », dit-elle.

Mme Jost n'est pas de cet avis.

« Normalement, l'enseignement devrait répondre aux besoins de 80 % des élèves ; 10 % des élèves ont besoin d'un peu plus d'aide et seulement 10 % devraient avoir besoin de spécialistes. »

Mme Jost croit beaucoup en une formule qui a fait ses preuves à son école : le recours à l'enseignante-ressource, qui vient appuyer la titulaire quand une classe en arrache un peu trop dans une matière en particulier.

« Une enseignante est libérée la moitié de l'année pour mettre en place des programmes comme des protocoles de mathématiques ou des ateliers de lecture et d'écriture, explique Mme Jost. Cette enseignante prend ces ateliers en charge, et le groupe qui éprouve une difficulté particulière a alors deux enseignants dans la classe. [...] Depuis que nous procédons ainsi, les notes se sont beaucoup améliorées. »

Par ailleurs, en apprentissage de la lecture, à l'école Paul-Jarry, on n'utilise pas la technique des mots-étiquettes (ces mots que les élèves apprennent à reconnaître d'un coup, par coeur, en quelque sorte). « Cette méthode n'a pas fait ses preuves, tranche Mme Jost. Les élèves ont plutôt besoin de savoir le son que font "m", "ma", etc. »

Mme Jost croit aussi qu'il faut écouter les enseignants et se rappeler qu'ils sont des généralistes, pas des experts. En enseignement des sciences, par exemple, certains enseignants admettent ne pas se sentir parfaitement outillés. Pour les aider, l'école a travaillé avec l'École Polytechnique à la mise en place d'un programme particulier.

L'entraide entre enseignants est aussi très encouragée : ceux qui maîtrisent mieux une matière sont ainsi invités à faire part de leurs trucs.

Mme Jost en est à sa septième année comme directrice de l'école Paul-Jarry, et elle croit que cette stabilité aide aussi.

« S'il y a des changements trop fréquents dans une école donnée, il est plus difficile de demander à des enseignants de s'impliquer à fond. »

Plus qu'une école, une oeuvre sociale

« Qu'est-ce qui fait qu'en 6e année, un élève va encore écrire "des chevals" alors qu'on lui parle de "chevaux" depuis la 1re année ? On n'arrive pas à trouver la réponse à cette question et ça, ça nous préoccupe. »

Julie Simard, directrice de l'école Champlain, dans le Centre-Sud, est le contraire de la langue de bois. Certains de ses élèves repartent de l'école en disant encore « des chevals » ? Elle le dit tout haut, tout comme elle dira sans détour qu'« en résolution de problèmes [en mathématiques], quelque chose ne marche pas. On enseigne toutes les notions, mais les enfants ont du mal à les mettre en application ».

On l'aura compris, Julie Simard n'est pas du genre à se mettre la tête dans le sable. On ne lui apprend rien. Son école affiche les plus faibles résultats aux examens du ministère de l'Éducation. C'est aussi l'une des plus pauvres du Québec et l'une des plus multiethniques. À la maison, ses élèves ne parlent pas le français, mais très souvent le bengali. Les élèves accusent souvent d'importants retards avant même de poser le petit orteil à l'école.

« Quand ils nous arrivent, certains des enfants ne se sont jamais fait raconter une histoire », évoque Mme Simard. « Nous sommes fiers de nos élèves, ajoute-t-elle. Tous ne réussissent pas, mais ce n'est ni parce qu'ils ne travaillent pas ni parce que nous ne travaillons pas fort avec eux. »

« Les enfants arrivent avec leur propre bagage, et c'est à nous de veiller à ce qu'ils aillent le plus loin possible. »

La tâche est lourde, mais l'école Champlain n'est pas seule. En fait, elle fait presque office d'école-laboratoire. Elle a été « adoptée » par l'Université du Québec à Montréal, qui surveille de près, notamment, l'implantation de la maternelle à temps plein pour les petits de 4 ans. Grâce à une fondation, l'Université McGill offre des cours individuels de piano à 30 enfants. L'école Champlain a également été choisie par l'Université d'Ottawa dans le cadre d'un programme de prévention des difficultés de lecture et d'écriture. Aussi dans le coup, le Centre du Père Sablon aide l'école à faire bouger les enfants. À cela s'ajoutent le Club des petits déjeuners, des lunchs offerts pour trois fois rien, une aide aux devoirs, une ligue de soccer, des cours de karaté. Bref, l'école dépasse de loin sa mission principale et elle fait oeuvre sociale.

« Dans certains cas, on paie même les frais dentaires, dit Mme Simard. Une hygiéniste dentaire fait aussi du dépistage et, au besoin, elle appelle elle-même le dentiste pour la prise de rendez-vous. » « Les parents n'aiment pas trop cela quand je dis que notre école est l'une des plus défavorisées, conclut Mme Simard. Moi, je leur dis que c'est presque une chance, que ça nous donne plus de services. »

La stabilité, la clé du succès ?

Les élèves de l'école Saint-Pierre-Claver, située dans le Plateau Mont-Royal, se classent parmi les meilleurs de la région de Montréal en français et en mathématiques. Dans leur catégorie, ces jeunes talonnent ceux des écoles qui offrent le programme international et qui, le plus souvent, sélectionnent les élèves. Cette école a-t-elle trouvé la recette miracle ?

Quel est le secret du succès de l'école Saint-Pierre-Claver ? Si l'on résume les propos de la directrice Lucie Perelman, cela tient essentiellement à deux choses : des parents extrêmement impliqués dans la vie scolaire et la priorité donnée par l'école à la stabilité.

Les élèves de cette école changent d'enseignante non pas tous les ans, mais tous les deux ans. Les enfants ont donc la même enseignante en 1re et en 2e année, une autre en 3e et en 4e année et une troisième en 5e et 6e année.

« L'élève n'a pas à s'adapter à une nouvelle enseignante chaque année et à la deuxième rentrée, l'enseignante connaît d'emblée les forces et les faiblesses de son élève. », explique Lucie Perelman, directrice de l'école Saint-Pierre-Claver depuis huit ans.

« Cette continuité fait en sorte qu'une routine s'installe et que des liens beaucoup plus étroits se tissent avec les parents », dit Isabelle Talbot, qui enseigne en 1re et 2e année et qui croit beaucoup en cette idée, comme bien d'autres enseignants rencontrés dans l'école.

Mais si l'enfant tombe sur un prof pénible, c'est long longtemps, non ? « Des enseignants pénibles, on n'en a pas !, lance en riant Mme Perelman. Je dirais que nous avons des enseignants avec des personnalités fortes qui prennent en main leur classe. »

Il y a aussi stabilité dans les méthodes d'enseignement. Le niveau de difficulté augmente certes d'une année à l'autre, la matière se complexifie, mais de la 1re à la 6e année, aussi bien en mathématiques qu'en français, la méthode d'enseignement est constante, poursuit Mme Perelman.

Cette méthode, en gros, consiste à demander aux élèves de justifier tout ce qu'ils font tant en résolution de problèmes qu'en français.

Ceci dit, fait observer Daniel Sansoucy - le seul homme à enseigner à l'école et qui a la réputation d'être très calé en maths -, « on ne réinvente pas la roue ».

« Et c'est tant mieux, enchaîne Mme Perelman. On perd souvent bien du temps en réinventant la roue. »

Le fait que l'école compte sur une équipe stable d'enseignants aide aussi beaucoup, selon Mme Perelman, de même que le fait d'accueillir des enfants dysphasiques. « Ça aussi, ça nous aide, dit Mme Perelman. Les profs de ces enfants côtoient les profs du régulier et ils peuvent leur faire part de quelques trucs. »

Des parents impliqués

Tant la directrice que les enseignants insistent par ailleurs sur le fait que leur école repose sur un socle solide, sur des parents pour qui l'éducation est une priorité. Les élèves de l'école Saint-Pierre Claver ont été très stimulés avant leur entrée à l'école et leurs progrès sont suivis de près à la maison.

« Dès qu'un enfant éprouve une difficulté, ses parents ont tôt fait de demander de la récupération, poursuit Mme Perelman. Et si on fait une fête - notre kermesse annuelle, par exemple -, on a des dizaines de bénévoles et les parents font à manger. Les parents s'entraident beaucoup, aussi. À la sortie de l'école, on entend fréquemment un parent dire à un autre qu'il prendra son enfant pour que les petits jouent ensemble, dans la ruelle. »

Les élèves de cette école sont nés ici pour la plupart. Pas de choc de l'immigration : la langue de l'école, c'est la langue parlée à la maison, dans la plupart des cas.

Et les devoirs ? Alors que certaines écoles les abandonnent, Saint-Pierre-Claver y croit encore. Les plus petits ont de 20 à 30 minutes de devoirs et de leçons par soir et les plus grands, de 30 à 45 minutes.

Cela dit, contrairement à bien d'autres écoles multiethniques de Montréal, les parents sont ici plus en mesure d'aider leurs enfants dans leurs travaux, le soir.