Dans une lettre qu'elle a fait parvenir à La Presse, la femme qui a pris la photo de deux éducatrices en niqab à Verdun s'excuse auprès des deux femmes du préjudice qu'elle a pu leur causer en publiant le cliché sur Facebook.

«Si j'avais pu imaginer que cette photo puisse devenir virale, j'aurais brouillé les visages des enfants. En aucun cas, je n'ai voulu vous causer préjudice. Veuillez m'excuser si c'est le cas», écrit Élisabeth, qui veut taire son nom de famille.

«En aucun cas, je n'ai voulu remettre en question vos compétences et votre jugement», poursuit-elle. 

De passage à Verdun, vendredi dernier, Élisabeth a croqué la photo des éducatrices et des six enfants qui traversaient la rue. Son conjoint a publié la photo sur Facebook. Le cliché a été partagé 9000 fois en 48 heures. Certains commentaires publiés sur Facebook étaient très agressifs. D'autres se portaient plutôt à la défense des éducatrices et des choix des parents.

La photo a choqué beaucoup de partisans de la laïcité et de gens soucieux de l'égalité hommes-femmes, fait valoir Élisabeth. «Mon intention était de mettre en image la soumission des femmes qui se croient obligées d'obtempérer au désir, consigne ou pression sociale de leurs proches, dit-elle. Vous me direz que de votre part c'est un choix personnel, mais je doute que ce soit celui de la plupart des femmes voilées.»

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Inspection du ministère de la Famille

En milieu de matinée, la garderie de Verdun a fait l'objet d'une inspection du ministère de la Famille. La Presse était sur place au moment du passage des deux inspecteurs. 

«Ils voulaient s'assurer du nombre d'enfants sur place», a indiqué le propriétaire de la garderie, qui préfère ne pas s'identifier. Il plaide que sa garderie entre totalement dans les limites de la légalité, puisqu'elle accueille 12 enfants répartis dans deux logements distincts.

Les parents dont les enfants fréquentent la garderie de Verdun ont d'ailleurs défendu leur service ce garde dans une longue lettre envoyée à La Presse.

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«Dès le premier appel, une fois notre tonne de questions assez cartésiennes répondues, la propriétaire de la garderie nous annonce d'emblée qu'elle porte le niqab. Qu'elle comprendrait si cela nous amenait à rejeter sur le champ sa garderie», écrivent les parents, dont la plupart portent des noms à consonance francophone ou anglophone.

«Surgissent alors une tonne d'autres questions. (...) Et une voix qui résonne au fin fond de notre être : jamais au grand jamais, nos enfants ne fréquenteront une telle garderie.»

Les parents racontent ensuite qu'ils sont tout de même allés visiter le service de garde de Verdun. «Nous avons pu poser toutes les questions, y compris les plus embarrassantes. Nous avons eu accès à la philosophie de la garderie, à leur vision de l'éducation des enfants, à leur douceur, leur gentillesse. Les mamans et les enfants ont eu droit aux visages des éducatrices. Les papas ont dû faire un effort supplémentaire pour passer outre cette barrière physique. Mais la confiance s'est installée. Et tout cela a soufflé doucement sur nos appréhensions, nos peurs, nos doutes.»

Les parents craignent pour leurs enfants

Les parents indiquent d'emblée qu'ils ont été effrayés par la nature de certains commentaires sur les réseaux sociaux. «Deux balles : profitons-en c'est la saison de la chasse», aurait notamment écrit un internaute en commentant la photo des deux éducatrices et de six enfants de la garderie. 

«Notre peur ne provient pas du milieu de garde que fréquentent nos enfants. Sa source est extérieure, dans notre quartier, et cible nos enfants. Elle provient de scènes horribles où des personnes jettent leur tasse au visage des éducatrices; les insultent dans le parc en présence de nos enfants, écrivent-ils. Notre coeur nous dit que nos enfants sont en danger.»

Les parents se portent à la défense des deux éducatrices portant le niqab. «Après deux ans à les côtoyer, nous savons que les éducatrices sont nées ou ont grandi au Québec. Nous savons maintenant que leurs maris les soutiennent coûte que coûte dans le choix de se voiler ou non. Elles sont éduquées, universitaires, elles parlent français et anglais.»

«À nos yeux, poursuivent-ils, c'est une décision qui leur appartient. Quelles qu'en soient les raisons. L'important, pour nous et nos enfants, c'est la personne qu'elle est.»