Un «baby-bump» frappe les maternelles de plein fouet. En septembre, des centaines d'enfants n'auront pas de place dans leur école de quartier et devront commencer le primaire loin de chez eux. Pendant que les commissions scolaires tentent désespérément de trouver de la place pour tous ces nouveaux élèves, la grogne monte chez les parents.

Marie-Lou, 5 ans, parle de la maternelle depuis des mois. Chaque fois qu'elle passe devant l'école des Saints-Anges, à quelques rues de la maison de ses parents, à Saint-Lambert, elle répète à qui veut l'entendre: «Ça, c'est mon école.»

Pourtant, ce n'est pas dans cet établissement situé à moins d'un kilomètre de chez elle que Marie-Lou commencera la maternelle, en septembre. Faute de place dans les trois écoles primaires de cette ville de banlieue de 22 000 habitants, elle et 41 autres enfants seront transportés matin et soir vers une école de Brossard, à plus de 5 kilomètres de leur domicile.

Ainsi, fait extrêmement rare, une dizaine de bambins n'iront ainsi pas à la même école que leurs frères et soeurs.

«On a choisi le quartier en grande partie parce qu'il y a de bonnes écoles; pour que nos enfants puissent y aller à pied. Le plan, c'était que ma fille aille dîner chez ses grands-parents chaque midi. Maintenant, c'est impossible», fulmine Julie Domenjoz, mère de la fillette, qui accueillait hier une quinzaine de parents dans la même situation pour une réunion au sommet. Tous y allaient de la même réflexion: «Il y a sûrement une autre solution.»

«L'école anglophone en face de chez moi a de la place. Elle pourrait accueillir une classe. Ou on pourrait installer des roulottes dans la cour», suggère un papa, Max Dubois. «Tout ce qu'on veut, c'est un local quelque part dans la ville.»

«C'est un gros problème d'organisation de les envoyer ailleurs. Ça fait loin pour aller les chercher, et avec le transport et le service de garde, les jeunes vont avoir des journées extrêmement longues», ajoute une autre maman. «Déjà, indique-t-elle, que la maternelle, c'est un gros cap.»

Le cas de Saint-Lambert n'est pas unique. En tout, les maternelles de la province accueilleront 3144 élèves supplémentaires à la rentrée 2013. Résultat: des centaines d'enfants d'âge préscolaire de plusieurs régions devront être relogés temporairement, faute de place dans l'école de leur quartier.

«La vague des naissances qui est passée dans les hôpitaux et dans les garderies arrive maintenant à la maternelle. C'est sûr que ça étire les structures», note Chantal Girard, démographe à l'Institut de la statistique du Québec.

À Laval, par exemple, quelque 80 enfants commenceront la maternelle dans un autre quartier que le leur, malgré l'ouverture prévue de deux nouvelles écoles primaires en septembre, en plus de deux agrandissements d'école existante. «On est vraiment en croissance. Les besoins [d'espace] sont là», convient Jean-Pierre Archambault, secrétaire général de la commission scolaire.

Sur la Rive-Sud, la commission scolaire Marie-Victorin prévoit déplacer 224 enfants, notamment à Saint-Lambert, Brossard et Longueuil.

«C'est la première fois qu'on doit déplacer des élèves dans une autre ville que celle où ils vivent, dit Pierre Vocino, directeur de l'organisation scolaire et du transport.

Le ministère de l'Éducation vient de donner le feu vert pour la construction d'une école primaire de 650 places et de quatre classes de préscolaire à Brossard. La commission scolaire entend demander deux autres écoles, à Longueuil et à Saint-Hubert, en plus d'un agrandissement à Saint-Lambert, où «la ville s'est renouvelée plus vite que les démographes l'avaient prévu», dit M. Vocino. Si elles sont approuvées par Québec, les constructions ne se feront toutefois pas avant septembre 2015.

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Qu'est-ce que le «baby-bump» ?

De 2005 à 2006, le nombre de naissances a bondi de 5000 au Québec. Ce «baby-bump», comme le surnomment les anglophones, s'étire sur quelques années, puis se stabilise vers 2009; le nombre de nouveaux bébés a alors atteint 88 900, par rapport à 76 000 en 2005.

Quelle en est la cause? «On voit deux choses», répond Chantal Girard, démographe à l'Institut de la statistique du Québec.

D'abord, au cours des dernières années, les mères se sont mises à avoir leurs enfants plus tard, ce qui pourrait avoir causé un certain effet de rattrapage à partir de 2005. Les femmes, qui voyaient le temps passer, se seraient alors mises à faire des enfants coup sur coup.

Mais, surtout, il y a l'effet du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), qui verse depuis le 1er janvier 2006 des prestations de maternité et de paternité aux nouveaux parents. Même si le lien n'est pas scientifiquement documenté, plusieurs experts soupçonnent qu'il a joué un rôle dans la hausse du nombre de naissances.

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Variation du nombre de naissances au Québec

1996 : 85 130

1997 : 79 724

1998 : 75 865

1999 : 73 599

2000 : 72 010

2001 : 73 699

2002 : 72 478

2003 : 73 916

2004 : 74 068

2005 : 76 341

2006 : 81 962

2007 : 84 453

2008 : 87 865

2009 : 88 891

2010 : 88 436

2011 : 88 500

2012 : 88 700

Source : Institut de la statistique du Québec