Le cours d'éthique et de culture religieuse du Québec ne porte pas atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés, a tranché la Cour suprême du Canada, vendredi. Deux juges ont néanmoins exprimé certaines réserves.

À l'unanimité, les neuf juges ont rejeté l'appel de deux parents catholiques de Drummondville qui cherchaient à faire invalider un jugement de la Cour supérieure du Québec. Dans la cause les opposant à la commission scolaire des Chênes, le juge Jean-Guy Dubois avait conclu que le caractère obligatoire de la formation ne contrevenait pas à leur liberté de conscience et de religion ni à celle de leurs enfants. La Cour d'appel du Québec avait maintenu cette décision.

Nombreuses critiques

Le cours d'éthique et de culture religieuse (ECR) a été instauré en 2008 pour remplacer les cours d'enseignement moral et religieux catholique et protestant. Il vise à exposer les élèves à diverses croyances. Avant même sa création, le cours d'ECR s'est attiré de nombreuses critiques: de nombreux parents auraient fait des demandes d'exemption. Le collège privé montréalais Loyola s'est aussi opposé à certaines obligations imposées par le Ministère. Le dossier est toujours devant la Cour d'appel du Québec.

Les parents de Drummondville ont deux enfants. En première instance, en 2009, l'un était au primaire et l'autre, au secondaire. L'identité des parents fait l'objet d'une ordonnance de non-divulgation. Aux fins du procès, ils étaient seulement identifiés comme S.L. et D.J.

Les appelants faisaient valoir que «le relativisme auquel seraient exposés les élèves qui suivent le cours ECR entraverait leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants», a noté la juge Marie Deschamps, dans ses motifs auxquels ont souscrit six de ses collègues. Ils craignaient que d'exposer les enfants à divers faits religieux ne crée de la confusion dans leur esprit.

La juge Deschamps n'est pas de cet avis. «Le but formel du Ministère ne paraît [...] pas avoir été de transmettre une philosophie fondée sur le relativisme ou d'influencer les croyances particulières des jeunes», a-t-elle écrit.

Elle a confirmé que le choix du programme d'éducation relevait des responsabilités légitimes de l'État. Le fait d'exposer des enfants à une présentation de diverses religions, sans les obliger à y adhérer, ne constitue pas un endoctrinement contraire à la liberté de religion ni une forme de favoritisme à l'égard d'une religion ou une autre, a-t-elle ajouté.

«Suggérer que le fait même d'exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l'État québécois en matière d'éducation publique», a tranché la juge.

D'un commun accord, les juges ont noté que S.L. et D.J. n'avaient pas fait la preuve concrète d'une atteinte à leur liberté de religion.

Des réserves

Dans des motifs distincts, les juges Louis Lebel et Morris Fish ont néanmoins exprimé certaines réserves. «Par ailleurs, l'état de la preuve ne permet pas non plus de conclure que le programme et sa mise en application ne pourront éventuellement porter atteinte aux droits accordés aux appelants et à des personnes placées dans la même situation», a écrit le juge Lebel. Son collègue et lui ont néanmoins rejeté le pourvoi.

***

Deux causes similaires

Granby > En mars 2009, une juge de la Cour supérieure du Québec a ordonné qu'aucune sanction disciplinaire ne soit prise contre les enfants de quatre couples qui ne se présentaient pas au cours d'éthique et culture religieuse.

Montréal > En juin 2010, la Cour supérieure du Québec a exempté le Loyola High School du cours d'éthique et culture religieuse. L'école anglophone privée pour garçons de Notre-Dame-de-Grâce a adapté le cours à son programme qui offre un enseignement jésuite.