La Commission scolaire des Laurentides entend augmenter de 150% en trois ans les frais de transport scolaire que doivent payer les parents. Les coûts varient d'ailleurs considérablement d'une commission scolaire à une autre, une situation inéquitable que déplore le Vérificateur général dans son dernier rapport. Il invite le ministère de l'Éducation à revoir ses règles de financement.

D'ici trois ans, sur le territoire de la Commission scolaire des Laurentides, les parents qui ont un enfant inscrit dans une concentration à une école qui n'est pas celle de son secteur verront les frais de transport scolaire passer de 250$ à 625$.

Cette décision, entérinée par le conseil des commissaires, est loin de faire l'unanimité. La dernière réunion, au cours de laquelle des dizaines de parents et d'enseignants ont voulu poser des questions, a d'ailleurs été passablement houleuse.

Danièle Savoie, présidente du comité de parents et représentante des parents au conseil des commissaires, estime que cette mesure n'est pas équitable, surtout dans un contexte où plusieurs de ces écoles se trouvent dans un secteur défavorisé.

«Il s'agit d'une grosse augmentation, et elle réduit les chances d'accès à ces concentrations. Pour des parents qui seraient «sur la ligne», c'est un pensez-y-bien. Nous sommes persuadés qu'on enlève à certains enfants la chance de s'inscrire dans les concentrations», déclare Mme Savoie.

Plusieurs parents qui ont joint La Presse croient que cette augmentation des frais de transport met en péril la survie des programmes spéciaux régionaux (concentrations). Elle risque aussi de nuire à la motivation des élèves.

Une lettre a été adressée au commissaire aux plaintes du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Des parents ont aussi rencontré leur député.

Réduire le déficit

La Commission scolaire des Laurentides compte quelque 8000 élèves, répartis sur un vaste territoire qui regroupe 29 municipalités au nord de Montréal. Elle vit un important problème de décroissance.

Au total, 360 élèves sont touchés par la mesure, explique la secrétaire générale de la commission scolaire, Marie-Josée Lorion, qui demande aux parents «un geste de collaboration».

La commission scolaire est aux prises avec un déficit récurrent depuis plusieurs années. Il est évalué cette année à 170 000$ sur un budget d'un peu plus de 9 millions de dollars.

La hausse annoncée ne permettra pas d'absorber complètement les coûts de transport, qui sont de 1969$ par année pour un élève hors secteur inscrit dans une concentration, précise la secrétaire générale.

«Le territoire est très vaste, très étendu. Il est certain que lorsqu'un élève du secteur Sud souhaite s'inscrire dans la concentration musique dans le secteur Nord, ça implique beaucoup de frais supplémentaires», explique Mme Lorion.

En plus de réduire en partie le déficit, l'objectif de cette mesure est aussi de dégager des ressources financières pour un autre problème: le transport des élèves les plus éloignés.

Certains font jusqu'à 90 minutes de transport matin et soir pour se rendre à l'école de leur secteur, fait valoir Mme Lorion. La commission scolaire souhaite limiter le temps de transport à 60 ou 75 minutes.

Des parents ont proposé à la commission scolaire de créer une table de concertation et de discuter des solutions envisageables. L'idée a été rejetée.

«Nous ne sommes pas contre une augmentation. L'inquiétude vient du fait que, si on élimine tous les jeunes qui viennent de l'extérieur, on risque de mettre en péril les options parce que la commission vit une baisse de fréquentation importante», souligne Bernard Bouclin, parent d'un élève inscrit en musique à Curé-Mercure, mais qui ne paie pas de frais de transport puisqu'il s'agit de l'école de son secteur.

Beaucoup d'élèves inscrits dans les concentrations proviennent d'un secteur qui n'est pas celui de l'école.

Les données de la commission scolaire révèlent que, à la polyvalente des Monts, 52% des élèves inscrits à l'option des Amériques (programme international) proviennent de l'extérieur du territoire.

À l'école secondaire Curé-Mercure, la moitié des élèves inscrits en musique sont considérés comme hors secteur. À l'école primaire Fleur-des-Neiges, les deux tiers des élèves de l'option arts résident à l'extérieur du bassin de l'école.

S'ajoute à cela un total de 52 dérogations pour des élèves qui fréquentent une école hors de leur secteur, mais qui ne sont pas inscrits dans les concentrations.

Sous le couvert de l'anonymat, plusieurs parents et enseignants ont par ailleurs dénoncé le manque de démocratie et d'écoute à la commission scolaire. Il est très difficile d'avoir les renseignements exacts, ont-ils confié.

Des variations d'une commission scolaire à l'autre

À la Fédération des commissions scolaires du Québec, la présidente Josée Bouchard rappelle que chaque commission scolaire est libre d'établir ses règles en fonction de son budget. Cela doit se faire «en consultation avec les comités de parents», précise Mme Bouchard.

«Il y a des choix qui s'opèrent selon les disponibilités, selon le budget qu'on a. Cela dépend de la marge de manoeuvre de chacun. Il y en a qui vont décider de ne pas faire payer les parents et d'autres qui vont dire qu'elles sont obligées d'augmenter les frais.»

Dave Leclerc, attaché de presse de la ministre de l'Éducation, rappelle que les commissions scolaires sont dans leurs droits: «La règle est claire. La commission scolaire a l'obligation de fournir le transport scolaire gratuitement le matin et le soir pour quelqu'un qui vit dans son école-bassin. Quand il est hors secteur, les commissions scolaires ne sont pas obligées de fournir le transport scolaire.»

Ni le Ministère ni la Fédération des commissions scolaires du Québec ne disposent d'un portrait d'ensemble des frais de transport qui sont facturés aux parents dans les différentes commissions scolaires de la province. Il n'existe également aucune balise à ce sujet.

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Le transport scolaire en chiffres

572,4 millions

Somme payée par les commissions scolaires en 2008-2009 pour le transport scolaire.

2,19$ à 5,93$

Variation, selon la commission scolaire, du coût du transport au kilomètre.

572 455

Nombre d'élèves transportés chaque jour en autobus.

988 252

Nombre de kilomètres parcourus chaque jour par les autobus scolaires.

Source: Rapport du Vérificateur général, mai 2011.