Claire Renucci se souvient avec un pincement au coeur des difficultés scolaires passées de son fils, Jules, qui lui a annoncé, à l'âge de 6 ans, sa volonté de ne plus aller à l'école.

«Il avait l'impression de ne pas être respecté par ses compagnons... On s'est rendu compte qu'il était de plus en plus seul», relate-t-elle.

Loin d'être dépassé par les exigences académiques de l'établissement, le garçon, aujourd'hui âgé de 15 ans, était en fait beaucoup trop fort pour son niveau. L'écart se manifestait notamment dans sa maîtrise de la langue, qui compliquait ses relations avec les autres.

«Un jour, l'institutrice a demandé un équivalent de "banc de poissons". Mon fils a répondu "gent aquatique". Comme parents, on pouvait se réjouir d'un tel vocabulaire. Mais ses camarades de classe se demandaient d'où sortait cet ostrogoth», relève Mme Renucci.

L'enseignante, démunie face à la situation, a recommandé de le faire passer rapidement au niveau suivant. Ce qui fut fait après qu'une psychologue spécialisée eut évalué les capacités intellectuelles du petit et conclu qu'il était précoce.

«J'étais vraiment secouée lorsque j'ai appris le résultat de l'analyse. C'est troublant d'apprendre que son enfant est hors norme. D'autant plus qu'il n'est pas possible de s'en plaindre puisque la précocité n'est pas considérée socialement comme un handicap mais comme un avantage», souligne Mme Renucci.

Les parents du garçon ont fini par trouver un environnement scolaire adéquat dans une école privée de la capitale, Guerson, qui offre une voie enrichie pour les enfants précoces. Le programme collégial, normalement suivi en quatre ans, est concentré sur trois ans.

Le système public est totalement sous-équipé pour faire face aux «cas différents», souligne la mère, qui a relaté son expérience dans un livre intitulé Enfants surdoués.

Arrêtons le gâchis!

Vlinka Antelme, qui préside l'Association française pour les enfants précoces (AFEP), confirme qu'une fraction importante de ces élèves finissent par se retrouver en risque de décrochage scolaire parce que leur comportement est mal compris.

Même lorsque la capacité intellectuelle supérieure de l'enfant est décelée, le réseau scolaire tarde souvent à réagir. «On se dit qu'il n'est pas nécessaire de s'en occuper parce qu'il est intelligent. Qu'il va s'en sortir. Et que s'il y a un problème, c'est que c'est un fainéant», déplore Mme Antelme.

Le système d'éducation national a été lent à réagir à ce problème, souligne la présidente de l'AFEP. En 2005, la question a été inscrite dans la loi d'orientation de l'école, qui souligne que des «aménagements appropriés» doivent être prévus pour les enfants doués de manière à leur permettre «de développer pleinement leurs potentialités». Mais on n'a pas pour autant prévu de moyens additionnels.

Une circulaire émise en 2007 revenait sur le sujet et insistait sur la nécessité de mieux former les enseignants et le personnel scolaire pour leur permettre de déceler rapidement et de soutenir les élèves concernés. Aujourd'hui, plusieurs dizaines d'établissements comptent des services adaptés, y compris parfois des classes particulières, note Mme Antelme.

Malgré ces progrès, beaucoup reste à faire, relève la présidente de l'AFEP. «Si seulement ces élèves rencontraient systématiquement un regard bienveillant dans le système scolaire... Si on reconnaissait leur différence et leur souffrance, ce serait un grand pas de fait.»