La gare de triage de Drancy-Le Bourget, en banlieue de Paris, est l'une des trois plus importantes en France. Chaque année, plus de 200 000 wagons de marchandises y transitent ou s'y stationnent, dont 20 800 sont bourrés de matières dangereuses.

Déjà inquiets, les citoyens des villes riveraines ont commencé à se mobiliser le printemps dernier pour demander l'interdiction de ces trains, à grand renfort de manifestations et de pétitions. La tragédie de Lac-Mégantic les a galvanisés depuis trois jours.

« L'accident qui s'est produit au Québec est exceptionnel, mais il justifie totalement les prises de positions que nous avons adoptées pour empêcher le stationnement et le triage de matières dangereuses dans les zones urbaines denses", a lancé hier à La Presse Alain Ramos, fondateur du collectif Folio du Blanc-Mesnil, qui regroupe environ 300 citoyens de la région.

Dès l'annonce de la tragédie québécoise, M. Ramos et plusieurs membres de son groupe ont organisé une réunion d'urgence. Ils ont préparé un communiqué de solidarité pour les résidants de Lac-Mégantic, en plus de planifier leurs prochains coups d'éclat.

« Les citoyens sont inquiets: ce qui s'est passé au Québec prouve que le risque est bien réel", a souligné Julie Elorri, collaboratrice du maire de Blanc-Mesnil, où se situe la gare controversée.

Ailleurs en France

Les dizaines de milliers de personnes qui habitent dans les environs de Drancy-Le Bourget sont loin d'être les seules à craindre une catastrophe. Les riverains d'au moins deux autres gares de triage françaises - Woippy, dans l'est du pays, et Sibelin, dans le Rhône - demandent eux aussi un resserrement des contrôles de sécurité.

« De plus en plus, les riverains s'opposent à ce transport, ils disent ne pas vouloir vivre à côté d'une bombe roulante", a observé Dominique Berthet, consultant en transport à la firme parisienne Catram.

En Lorraine, par exemple, quelque 45 000 wagons contenant des matières dangereuses comme du chlore et des carburants transitent chaque année par la gare de triage de Woippy. De nombreux citoyens ont exprimé des craintes.

« En cas d'accident ou d'explosion, ça peut créer une catastrophe parce que certains produits chimiques ont une zone létale de 2,6 km", a souligné Thomas Riboulet, fondateur du Groupe BLE, un groupe de réflexion indépendant de Lorraine.

Ironiquement, la montée de l'inquiétude récente des citoyens découle de la bonne volonté de l'État français. Après l'explosion d'un stock de nitrite d'ammonium à l'usine AZF de Toulouse en 2001, qui a fait 31 morts et plus de 2500 blessés, le gouvernement a revu toutes ses procédures entourant les matières dangereuses.

Plus d'une décennie plus tard, les préfets de plusieurs villes riveraines des gares de triage ont annoncé la création de vastes périmètres de sécurité où les nouvelles constructions seront interdites. Autour de Drancy-Le Bourget, quelque 400 hectares ont été inclus dans cette zone.

Or, les citoyens qui y vivent déjà ne bénéficieront d'aucune mesure de protection supplémentaire contre les convois potentiellement explosifs. »On indique aux populations: vous habitez à côté d'un site dangereux, mais on ne change pas l'emplacement du triage", déplore le militant Alain Ramos.

En plus de craindre pour leur vie, les résidants appréhendent une forte baisse de la valeur de leurs maisons. Les municipalités, elles, se verront privées d'importants revenus futurs, puisqu'aucun nouvel immeuble ne pourra s'ajouter au parc existant.