Tout a commencé, il y a un an, par le meurtre de l'aîné des fils du présumé mafioso Vito Rizzuto à Montréal - un coup d'éclat envoyant le message que personne n'est intouchable.

Ce meurtre a amorcé une année à sens unique de décimation au sein du clan Rizzuto, qui régnait autrefois sans partage sur le crime organisé.

Avec leur leader Vito Rizzuto derrière les barreaux aux États-Unis et un vide à la direction, le règne de 30 ans du clan sur le monde interlope à Montréal semble terminé.

Les meurtres à répétition de hauts dirigeants en 2010 - culminant avec l'exécution surprise du patriarche de 86 ans, Nicolo Rizzuto, dans sa maison - a décimé le groupe.

On ignore encore qui est derrière cette effusion de sang. Mais policiers et observateurs s'entendent sur un point: le pouvoir de la famille est - au mieux - précaire.

Officiellement, Denis Mainville, commandant en chef de la section anti-gang et de lutte au crime organisé à la police de Montréal, affirme simplement que le portrait de la mafia est déstabilisé et qu'un changement s'effectue. M. Mainville a indiqué que des gens liés à la mafia ont été avertis que leur vie est en danger, mais qu'ils ont ignoré l'avertissement de la police ou se sont armés jusqu'aux dents pour se protéger.

«Le score est de 4-0, et il ne reste plus beaucoup de temps au match», a toutefois affirmé une source policière d'expérience concernant la perte de pouvoir du clan Rizzuto. «Soit qu'il réussit un quelconque retour en force, ou alors c'est fini.»

Les motivations principales des responsables de l'effusion de sang sont faciles à déterminer: l'argent et le pouvoir. Montréal demeure l'eldorado de la mafia italienne au Canada.

Mais la soif de revanche est un autre élément qui n'est pas écartée par la police. Les Calabrais ont été rayés de la carte de la ville à la fin des années 1970 quand les Rizzuto se sont hissés au pouvoir. Les frères Violi - trois d'entre eux - ont été tués de manière brutale.

La possibilité d'une vendetta peut difficilement être ignorée, considérant la symétrie entre la série récente de meurtres et d'enlèvements et celle observée il y a 30 ans.

Les autorités policières avaient anticipé une année meurtrière après l'assassinat de Nicolo Rizzuto fils en décembre 2009.

Fin mai, on enlève le numéro trois de l'organisation Rizzuto, Paolo Renda, gendre de Vito et «consigliere» de la mafia montréalaise. Puis, à la fin juin, Agostino Cuntrera, un autre candidat potentiel pour combler le vide à la tête du clan, est assassiné, de même qu'un garde du corps, devant son commerce de distribution alimentaire à Saint-Léonard.

Finalement, le patriarche Nicolo Rizzuto est abattu d'une seule balle par un franc-tireur embusqué dans le bois derrière sa demeure cossue du nord de Montréal. Il a été tué devant sa famille dans ce que les autorités considèrent comme le signe le plus éloquent de la fin du règne Rizzuto.

Le commandant de la police de Montréal Clément Rose, à la tête de l'unité des crimes majeurs qui enquête sur les assassinats, a bon espoir qu'une personne liée à la mafia deviendrait informateur.

«Nous n'avons pas de boule de cristal», a dit en entrevue M. Rose, un policier d'expérience ayant travaillé au sein de l'unité de lutte contre les motards jusqu'à la fin des années 1990. «Quand vous vous rendez sur une scène (de crime) et qu'il n'y a plus grand chose, pas de vidéos, personne qui veut parler, on ne peut pas faire plus que ce qui nous est demandé.»

Une chose est sûre, tout ce grabuge n'est pas bon pour les «affaires».

«La mafia est plus dangereuse quand il n'y a pas de coups de feu, car cela signifie que son réseau de contacts et de relations est solide», fait valoir Antonio Nicaso, qui a beaucoup écrit sur la mafia. La violence laisse alors le pas au blanchiment d'argent, au trafic de drogue et aux investissements dans les entreprises légales.

«Quand il y a de la violence, c'est un signe qu'il y a un problème, et la violence attire les médias et la police», a-t-il souligné.

Selon M. Nicaso, si on veut déterminer les responsables, on doit envisager une combinaison de «vieux ennemis et de nouveaux rivaux», et entrevoir à quelles familles de criminels de New York profitent ces violences.

Et la montée du clan des Calabrais - installé en Ontario - n'est pas écartée.

«S'il est vrai que les Ndrangheta (factions calabraises) qui sont établis à Toronto s'en viennent au Québec, cela aura beaucoup de conséquences significatives, estime le criminaliste Stephen Schneider. Un seul groupe aurait un pouvoir majeur en Ontario et au Québec, et une base solide en Europe, car il constitue le plus important réseau de trafiquants de cocaïne en Europe présentement.»