Depuis le 22 juin, La Presse suit la famille Trudeau-Dulude, de Noyan, dont la maison a été fortement endommagée par les inondations historiques qui ont touché la Montérégie au printemps. La famille n'a toujours pas réintégré son domicile. Elle a toutefois reçu du gouvernement, le 1er septembre, un chèque de 18 000$ pour lancer les travaux de reconstruction. Mais cette aide financière ne règle pas tous les problèmes...

Les trois enfants de la famille Trudeau-Dulude, âgés de 7, 15 et 17 ans, ont tous repris l'école il y a quelques jours. Sous peu, l'heure des devoirs promet d'être chaotique dans la petite roulotte qu'ils occupent dans un camping de Noyan, à quelques rues de leur maison, qui est toujours inhabitable. «On n'en peut plus», souffle le père, François Trudeau.

Le gouvernement a finalement accepté de rembourser 80% des coûts de la rénovation de leur maison. Ils ont reçu un chèque de 18 000$, qui s'ajoute aux 8000$ reçus en juillet pour entreprendre les travaux d'urgence. «Le reste nous sera versé quand on enverra nos factures. On doit soulever la maison et refaire les fondations au complet. Je devrai payer environ 25 000$ de ma poche, mais je ne peux pas!», déplore le père de famille.

M. Trudeau et sa famille ont dû quitter leur maison au début du mois de mai, au plus fort des inondations. Quand ils ont pu constater les dégâts, plusieurs semaines plus tard, la moisissure avait envahi le sous-sol. La maison est inhabitable depuis.

M. Trudeau, qui travaillait tous les jours de 8h à 18h comme mécanicien pour faire vivre sa famille, a dû mettre son emploi de côté pour entreprendre les travaux d'urgence. Il espérait être en mesure de réintégrer sa maison avant la rentrée scolaire. «Je n'avais pas le choix d'arrêter de travailler pour faire les travaux. Ma femme ne pouvait pas m'aider», explique-t-il.

Sa femme, Sylvia Dulude, est en effet en arrêt de travail depuis plusieurs mois parce qu'elle s'est coupée avec une scie à l'usine où elle travaillait. Depuis, elle a eu trois opérations et souffre d'un violent choc post-traumatique.

Puisque aucun des deux ne travaille, il leur est impossible d'emprunter les 25 000$ qu'il leur manque. «C'est ridicule. Avant les inondations, on arrivait. Mais là, tout dérape», note M. Trudeau.

Irene en rajoute

La tempête tropicale Irene, qui s'est abattue sur le Québec le 18 août, a encore compliqué la vie des Trudeau-Dulude. «Notre roulotte a pris l'eau et on a dû déménager dans une autre», raconte M. Trudeau.

Le toit de leur maison s'est aussi mis à couler. «Ça coulait dans la cuisine, mais les assurances refusent de payer. Elles disent que les fondations de notre maison ne sont plus correctes à cause des inondations et qu'on n'est plus couvert à cause de ça. Ça n'arrête pas. On paye encore le prix des inondations.»

Avant de savoir combien il recevrait du gouvernement, M. Trudeau avait demandé à des entrepreneurs de la région des estimations pour les travaux de rénovation. «Mais tous sont pris jusqu'au mois de février. Donc, même si j'avais l'argent pour tout faire, rien ne sera réglé avant longtemps. Mais on ne peut pas non plus prendre trop de temps parce que le gouvernement nous dit que, si on n'a pas fini les travaux avant le 26 août 2012, il ne payera plus. Ça presse!»

Plus il regarde sa situation, et plus M. Trudeau est découragé. «Tout est compliqué! On n'a plus d'eau potable, ni à la roulotte, ni à la maison. Je dois aller en chercher tous les jours à Lacolle. On doit faire le lavage au IGA du coin. Tout est compliqué. Rien ne veut se régler.»

Selon le ministère de la Sécurité publique, 75 ménages sont toujours évacués en Montérégie. Le porte-parole Mario Vaillancourt explique que, dans le décret gouvernemental adopté durant l'été, un article prévoit un recours pour les familles incapables de payer les travaux de reconstruction. «Les gens en situation financière précaire peuvent voir leur participation annulée après analyse du ministre», dit-il.

Une analyse fort souhaitée par la famille Trudeau-Dulude...

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REJET DU DÉCRET

Le décret ministériel qui autorise la reconstruction en zone inondable pour les sinistrés de la Montérégie ne fait pas le bonheur des maires des municipalités touchées. Des négociations sont en cours entre les municipalités et le ministère de la Sécurité publique afin de modifier le décret. Les maires souhaitent notamment que les chalets situés en zone inondable, et non pas seulement les maisons principales, puissent être reconstruits. «On ne veut pas de discrimination. Mais c'est pas mal le seul point qui accroche», explique Sylvain Latour, chef de cabinet du maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Gilles Dolbec.

Lors d'une séance extraordinaire du conseil municipal de Noyan, le 6 septembre, les dirigeants de la municipalité ont manifesté leur opposition au décret. Ils expliquent que 35% des bâtiments situés en zone inondable sont des chalets et que ne pas permettre leur reconstruction est une erreur. Les dirigeants écrivent dans leur résolution qu'il est «déplorable» de devoir déployer tant d'énergie pour résoudre ce problème après avoir subi «tous ces événements».