Gisèle et Gérard Ouellet venaient à peine d'emménager à la Résidence du Havre. Le couple avait longuement hésité à quitter sa maison du village, mais à 90 ans passés, les tâches ménagères étaient devenues un fardeau pour lui. Le repos des deux nonagénaires aura été de courte durée. Incapables de se déplacer seuls, ils n'ont pas réussi à fuir le brasier.

«Au moins, ils étaient ensemble», souffle Marie-Claire Ouellet, leur belle-fille.

Ses beaux-parents, qui devaient célébrer bientôt leur 69e anniversaire de mariage, auront eu une vie dure. Lui était cultivateur, elle a donné naissance à 14 enfants, dont 13 sont toujours vivants. Ils ont passé toute leur vie dans la région, d'abord dans l'île Verte, à quelques kilomètres de la côte du Saint-Laurent, qui a donné son nom au village d'en face, puis sur la «terre ferme».

Ils connaissaient tout le monde; tout le monde les connaissait.

«Ils ont travaillé tellement fort», dit leur belle-fille.

Depuis peu, Gisèle peinait à faire la cuisine et à entretenir la maison. «Ses enfants s'occupaient beaucoup d'elle, mais ils lui ont proposé d'aller dans une résidence. C'était à son tour de se reposer.»

Les deux ont accepté et ils ont déménagé en novembre. M. Ouellet s'ennuyait un peu de la maison, mais sa femme adorait sa nouvelle vie. «Elle avait des amis, elle se faisait coiffer et pomponner. C'était un peu comme des vacances», dit Marie-Claire Ouellet.

«Et surtout, on les trouvait plus en sécurité là-bas que tout seuls à la maison. Surtout l'hiver.» C'était avant.

L'appel fatidique

Son conjoint et elle ont reçu l'appel fatidique à 2h du matin. «Quand mon mari est arrivé sur place, il y avait du feu partout et personne n'a pu lui dire si ses parents faisaient partie des rescapés. Il est allé voir à l'hôpital à Rivière-du-Loup. Ils n'étaient pas là.»

Philippe Ouellet est rentré chez lui. Il n'y avait rien à faire. Officiellement, son père et sa mère font partie des disparus. Mais la famille ne se fait pas d'idées. «Ils sont dans les décombres. Ils sont morts.»

La vieille dame n'a eu aucune chance. Opérée à la hanche en décembre, elle se déplaçait difficilement et avec un déambulateur. «Elle avait besoin d'aide pour se lever.» Son mari, qui marchait avec une canne, ne pouvait pas la soulever seul. «Ils n'ont pas pu se sauver.»

Au moins, dit leur belle-fille, ils sont morts ensemble, dans la même chambre.