Pour la FTQ-Construction, une enquête publique sur la corruption et le crime organisé dans le secteur de la construction serait un simulacre de procès destiné à satisfaire l'opinion publique. Vaut mieux laisser travailler les policiers, a soutenu cet avant-midi Richard Goyette, le directeur général de ce syndicat, mis sur la sellette au cours des derniers mois.

M. Goyette qui témoignait devant une commission parlementaire sur le projet de loi 73 qui vise à lutter contre «la criminalité dans l'industrie de la construction» a soutenu que dans le passé, la Commission Cliche et celle sur le projet de la Gaspésia n'avaient rien donné de concret. Trente ans plus tard, on attend encore l'application des recommandations du juge Cliche, a soutenu le syndicaliste.

Et «la Gaspésia a été une commission farfelue, on n'a pas pu faire entendre la FTQ-Construction. Les commissions d'enquête, c'est parfois pour s'amuser, pour faire un show et agir de façon déjà concertée», a accusé M. Goyette.

Pour Jean Sexton, commissaire à la Gaspésia qui assistait aussi à la commission parlementaire, les déclarations de M. Goyette sur cette enquête sont «tout à fait caricaturales». «M. Sexton a droit à ses opinions. Mais cela ne rend pas ses déclarations plus intelligentes !», de répliquer M. Goyette.

En commission parlementaire, M. Goyette a eu du fil à retordre pour expliquer pourquoi son syndicat était désormais le seul à appuyer le gouvernement dans sa volonté de ne pas tenir de commission d'enquête. Il a malmené le ministre du Travail, Sam Hamad. Selon lui, il est abusif de parler de projet de loi destiné à combattre le crime organisé, avec une série d'augmentations d'amendes dans les relations de travail en construction. Le gouvernement cherche avant tout à faire baisser la pression en donnant l'impression qu'il a posé des gestes, estime M. Goyette.

D'entrée de jeu à la commission parlementaire, le ministre Hamad a rappelé que le gouvernement avait posé des gestes pour freiner les malversations dans l'industrie. Les antécédents criminels des délégués de chantiers seront vérifiés -ceux des surintendants patronaux pourraient s'ajouter, a-t-il reconnu durant les échanges.

Pour Sylvie Roy de l'ADQ et François Rebello du PQ, la prise de position récente du syndicat des agents de la SQ ne donne aucune autre possibilité au gouvernement -on ne peut pas dire que les policiers doivent faire leur travail quand eux-mêmes réclament l'intervention d'une commission indépendante.

«Laissons d'abord travailler les policiers. Si cela devait aller à l'échec, on verra», a soutenu M. Goyette.

La FTQ-Construction se voit déjà comme le «bouc émissaire» d'une telle commission d'enquête. Pour M. Goyette, la loi sur les commissions d'enquête est «une procédure inquisitive». «On ne peut pas faire entendre les témoins qu'on veut... on ne peut pas déposer la preuve et les expertises qu'on veut. C'est un cirque !», a-t-il lancé.

La loi sur les commissions d'enquête devrait être revue avant qu'on puisse donner le feu vert à un tel exercice. Jean Sexton partage ce point de vue, d'autant plus que depuis le printemps, les problèmes constatés dans la construction semblent s'être étendus à l'attribution de contrat, à la collusion, et même au financement des partis politiques. «On commence où ?», demande le professeur de Laval.

M. Goyette est le successeur de Jocelyn Dupuis qui avait défrayé les manchettes pour des comptes de dépenses de plus de 120 000 $ en six mois. La direction de la FTQ avait promis que ces cotisations des salariés allaient être récupérées. Selon M. Goyette, il n'y a pas lieu de transmettre le dossier à la police. «C'est une question interne entre la FTQ et M. Dupuis», a-t-il soutenu. L'ancien directeur de la FTQ-Construction a quitté récemment le Québec pour passer l'hiver dans le Sud indiquent des sources dans l'industrie.