Avec sa loi d'exception, le gouvernement Charest veut faire du Québec un État policier, a tonné hier soir en conférence de presse le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin. Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE, y voit un «abus de pouvoir», un geste «ignoble». «Le Québec sombre dans une dérive autoritaire!», a-t-il lancé.

La FECQ et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) entendent contester devant les tribunaux le projet de loi 78.

Jusque-là considéré comme le plus modéré des leaders étudiants, le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, a considérablement changé de ton depuis l'annonce du recours à une loi d'exception. «Cette loi vise à tuer à terme les associations étudiantes, mais aussi à faire taire l'expression d'une population», a-t-il dit. «Le gouvernement du Québec se sert d'une crise qu'il a lui-même provoquée pour transformer tout mouvement social d'expression citoyenne en crime. Il transforme un État qui a une tradition d'ouverture en État policier.»

Selon lui, le projet de loi impose une «limitation excessive du droit de manifester». «Cette loi contrevient aux chartes québécoise et canadienne des droits. On invite l'ensemble de la communauté juridique à se pencher sur cette loi. Elle ne vise pas seulement les étudiants, mais toute la population», a-t-il ajouté.

«Déclaration de guerre»

La FEUQ a évoqué une «action en nullité» devant les tribunaux pour invalider la loi qui doit être adoptée aujourd'hui à l'Assemblée nationale. «Nous contesterons aussi cette loi», car elle «brime la liberté d'association», a indiqué Martine Desjardins, sa présidente. «Le gouvernement fait une déclaration de guerre au mouvement étudiant! C'est pire que la hausse des droits de scolarité.»

Selon elle, le gouvernement envoie le message aux étudiants que «tout ce qu'ils ont créé comme mouvement social depuis 14 semaines sera désormais criminel».

Quelques heures plus tôt, Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin avaient lancé au gouvernement un «ultime appel à la négociation» en compagnie d'un «carré vert», Laurent Proulx, et d'un «carré blanc», Robert Michaud. Or, maintenant, ils ne veulent plus négocier avec le gouvernement dans de telles conditions. «On ne peut pas, avec une menace aussi importante, entreprendre un processus de discussion», a souligné Léo Bureau-Blouin.

Particulièrement courroucé, Gabriel Nadeau-Dubois a accusé le gouvernement de violer des libertés fondamentales comme la liberté d'expression et d'association. «On ouvre la porte au délit d'opinion», a-t-il lancé. Il y voit une «dérive autoritaire». Il reproche au gouvernement d'utiliser le bâillon, une mesure parlementaire exceptionnelle, pour écourter les débats sur ce projet de loi. «Je ne sais plus quels mots trouver pour exprimer ma colère», a-t-il lâché.

Les membres de la CLASSE pourraient-ils désobéir massivement à la nouvelle loi 78? «On verra», s'est-il borné à dire. La question risque d'être débattue à la prochaine assemblée des membres, a-t-il ajouté.

La CLASSE ne croit pas que le gouvernement ait l'intention de négocier, mais elle pourrait le faire si elle est invitée. «On n'exclut pas de s'asseoir avec la ministre», a dit Gabriel Nadeau-Dubois.

Les professeurs inquiets

La loi d'exception risque d'enflammer encore davantage les campus, craignent quant à eux les professeurs d'université. Cette loi exacerbe les craintes de détérioration du conflit social et de détournement des enjeux principaux, a affirmé Max Roy, président de la Fédération québécoise des professeurs d'université. Les présidents d'une dizaine de syndicats de professeurs d'université, représentant quelque 5000 membres, se sont réunis pour produire une déclaration commune critiquant le gouvernement et se dissociant des administrations et de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

- Avec Pascale Breton