L'ancien grand argentier du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Bibeau, a fixé en 2003 un objectif de financement de 100 000 $ par année à la firme de génie Cima+. Une cible que le président de l'entreprise et responsable des collectes de fonds pour le PLQ, Kazimir Olechnowicz, est parvenu à surpasser année après année jusqu'en 2009, au moment où les scandales sur le financement politique ont commencé à défrayer la manchette.

Entre 1998 et 2011, les employés de Cima+ et les membres de leur famille ont donné 1 132 304 $ au PLQ.

Un autre dirigeant chez Cima+, François Plourde, s'occupait de lever du financement pour le PQ. Durant la même période, le Parti québécois (PQ) a donc pu récolter 781 76 $ grâce à ses efforts. Entre 2002 et 2009, l'Action démocratique du Québec a reçu 244 590 $ en dons des employés de Cima+.

>>> Tableau: contributions politiques provinciales effectuées par des associés/employés de Cima+ et des personnes résidant aux même adresses (1998-2011)

Devant la commission Charbonneau, vendredi matin, Olechnowicz a expliqué qu'il existait une politique «d'encouragement» chez Cima+ pour que les associés donnent aux partis politiques. Les employés avaient le choix de donner au parti qu'il voulait. Une politique similaire existait pour encourager les employés à donner à Centraide, a précisé Olechnowicz.

«J'ai toujours eu le choix de dire non, mais pour avoir côtoyé beaucoup de politiciens et rencontré beaucoup de premiers ministres dans ma carrière, je les voyais se démener, je trouvais que c'était la moindre des choses», a-t-il déclaré.

Y aurait-il eu des conséquences s'il avait refusé de contribuer, a demandé l'avocat de la commission Me Paul Crépeau. «Je n'ai certainement pas voulu prendre ce risque. C'était comme une police d'assurance», a répondu Olechnowicz.

Le principal client de Cima+ est l'État québécois. Certaines années, Cima+ a fait 100 millions de chiffres d'affaires grâce à ses contrats avec Hydro-Québec. Bon an, mal an, les contrats que la firme obtient avec le ministère des Transports du Québec représentent 45 à 60 millions du chiffre d'affaires de Cima+.

Olechnowicz assure que les employés n'ont été remboursés pour leurs dons qu'à de très rares reprises, dans 2 % ou 3 % des cas, a-t-il dit. Afin d'atteindre son objectif, les épouses et les enfants des associés de Cima+ ont été mis à contribution.

Fausses factures

La Commission a aussi présenté une liste de fausses factures que Cima+ a effectuées afin de dégager de l'argent comptant, notamment afin de payer une ristourne de 2 % sur les contrats qu'elle a remporté à Laval. Cima+ a fait pour 3,1 millions de fausses factures entre 2001 et 2007, selon ce document. Le témoin a précisé que certains travaux avaient réellement été réalisés.

Visiblement surpris par la pièce déposée en preuve, Olechnowicz a admis qu'il avait été informé du fait que la compagnie dégageait de l'argent comptant. «Mais je n'étais pas au courant de la façon de faire», a-t-il dit.

Olechnowicz a aussi admis qu'il a été informé que Cima+ versait des pots-de-vin à Laval, mais il ne posait pas plus de questions.

Rencontre chez Guy Chevrette?

La commission a entendu un deuxième témoin avant d'ajourner ses travaux: Christian Fay, vice-président du groupe SMG, une entreprise de signalisation. Il est venu témoigner que l'organisateur politique Gilles Cloutier lui avait organisé une rencontre au domicile de l'ancien ministre des Transports, Guy Chevrette à Joliette en 2002 pour qu'il puisse lui parler d'un litige de son entreprise avec le MTQ, qui venait de résilier un contrat avec SMG.

Lors de son témoignage devant la commission, Chevrette avait qualifié Cloutier de menteur et de «mouche... qui n'est pas africaine.»

Lors de la réunion, où son ami Gilles Beaulieu est également présent, Chevrette lui dira qu'il va lui régler son problème dans les deux semaines suivantes. Il lui dit qu'il doit trouver une solution qui accommodera Cima+, également partie au litige. Chevrette démissionnera dix jours plus tard. L'affaire sera réglée devant les tribunaux pour 1,6 million.

En contre-interrogatoire, l'avocate du PQ, Me Estelle Tremblay, a demandé au témoin s'il savait que Chevrette n'avait plus de maison à Joliette depuis 1999.