La collusion coûte cher aux Villes, a affirmé l'entrepreneur André Durocher devant la commission Charbonneau. Selon lui, le truquage d'un appel d'offres peut faire doubler le coût des travaux, tandis que la libre concurrence peut réduire la facture de moitié.

> Sur Twitter: notre journaliste Pierre-André Normandin

En 2009, Excavations Panthère s'est intéressée à un contrat dans la rue Paul-Albert, à Blainville, mais s'est désistée après avoir constaté plusieurs irrégularités. Notamment, on lui imposait une pénalité de 5000$ par jour de retard dans l'exécution des travaux. Voisin du chantier, André Durocher a néanmoins continué à en suivre l'évolution.

La firme de génie avait évalué le contrat à 12 millions, mais la soumission la plus basse, celle de la firme Miabec, était de 13,3 millions. L'entreprise a toutefois été disqualifiée, si bien que le contrat a finalement été adjugé à Construction CJRB pour la somme de 16,4 millions. Aux dernières nouvelles, les imprévus avaient fait gonfler la facture à plus de 20 millions.

André Durocher a été surpris de voir que CJRB avait comme sous-traitants Miabec, qui avait fait l'offre la plus basse avant d'être disqualifiée, et Doncar, dont l'offre s'était classée troisième.

Des coûts en baisse

À l'inverse, André Durocher affirme que son refus de passer la main dans certains appels d'offres a considérablement fait baisser le coût des contrats.

En mai 2009, Montréal devait refaire une partie du boulevard Gouin. Le projet était «parfait» pour Excavations Panthère, selon son propriétaire. André Durocher envoie son père chercher les plans pour participer à l'appel d'offres. L'homme n'est pas encore revenu qu'un entrepreneur appelle: Gilbert Théorêt lui dit que le contrat lui est destiné et lui demandé de faire une soumission de complaisance à plus de 9 millions.

Mais les carnets de commande d'Excavations Panthère sont vides. Sans contrat, il risque de devoir remercier ses employés, ses paiements sur les équipements prennent du retard... Bref, la faillite le guette. André Durocher refuse de participer à la collusion. Son entêtement semble avoir fait économiser 1,5 million à la Ville de Montréal puisque Gilbert Théorêt a décroché le contrat pour près de 7,5 millions, bien moins que le prix qu'il aurait d'abord évoqué.





À la même époque, Mirabel aussi semble avoir beaucoup économisé grâce à l'entêtement de Durocher. Intéressé par un projet de piste cyclable évalué à 1,2 million par une firme de génie, le propriétaire d'Excavations Panthère reçoit un appel d'un concurrent. Guy Desjardins, de Desjardins Asphalte, veut qu'il lui laisse le contrat. Durocher refuse, même si on lui promet de lui confier des travaux en sous-traitance.

Asphalte Desjardins remporte finalement l'appel d'offres avec une soumission de 600 000$, la moitié de l'évaluation initiale. L'histoire ne dit pas si la firme de génie était de mèche pour gonfler le prix du projet.

Le témoignage d'André Durocher devrait se poursuivre toute la matinée. Il sera en partie frappé d'une ordonnance de non-publication puisqu'une enquête policière est en cours sur une violente agression dont a été victime son frère. Cette mésaventure serait liée à l'attribution des contrats dans le milieu de la construction.