Après avoir vécu «une des années les plus difficiles de (sa) vie sur le plan personnel», Jean Charest est soulagé par le rapport Bastarache. Un rapport «précis, étoffé, très détaillé» qui prouve que «M. Bellemare a fait ses nominations (de juges) de façon volontaire» et que ses accusations n'étaient donc «pas fondées».

Le premier ministre rappelle que la commission Bastarache devient la deuxième institution «indépendante et impartiale» à réfuter les allégations de M. Bellemare. Le Directeur général des élections (DGE) avait aussi refusé de donner raison à M. Bellemare.

M. Charest a critiqué les partis d'opposition et les médias qui auraient selon lui traité des «accusations très graves comme si elles étaient des faits». «Les allégations et le traitement médiatique m'ont causé des torts considérables (...) qui vont mettre du temps à être réparés», s'est-il plaint. La même chose vaudrait pour le Parti libéral du Québec et le système québécois, injustement écorchés selon lui sur la place publique.

La commission Bastarache aura coûté environ 4,8 millions $. M. Charest concède que cela a «coûté cher» en fonds publics. «Le responsable de ça, c'est Marc Bellemare», a-t-il accusé.

MM. Charest et Bellemare se poursuivent mutuellement pour diffamation. M. Charest a assuré hier qu'il maintenait sa poursuite. Il indique vouloir être blanchi sur toute la ligne.

«Analyse diligente» des recommandations

M. Charest assure que son gouvernement «fera une analyse diligente» des 46 recommandations du rapport Bastarache sur le processus de nomination des juges. Il s'engage à «maintenir et protéger l'intégrité du système de justice».

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, se dit d'accord avec les trois objectifs derrière les recommandations du commissaire : augmenter la transparence ainsi que la participation du public dans le processus de nomination, et faire en sorte que les choix accordent une plus grande place aux femmes et des communautés culturelles.  

M. Fournier consultera bientôt le Barreau du Québec, la magistrature et d'autres experts pour voir comment ces recommandations pourraient être adoptées. Certaines «pourraient être mises de l'avant rapidement», a-t-il annoncé.



Un «désastre» pour Bellemare

Selon l'avocat du Parti libéral du Québec, André Dugas, le rapport Bastarache est un «désastre» pour la «crédibilité» de Marc Bellemare. Le commissaire Bastarache a utilisé les «plus hauts standards de preuve», dit Me Dugas. «Il a cru Franco Fava et Charles Rondeau, et il n'a pas cru Marc Bellemare», se réjouit-il.

«(Marc Bellemare) a jeté un pavé dans la mare et il en est sorti très mouillé», a conclu l'avocat du PLQ.

L'avocat personnel de Jean Charest, Me André Ryan, se montrait aussi satisfait. «Les faits sont rétablis, on doit s'en réjouir», a-t-il affirmé. Il relève que le commissaire Bastarache a «exigé un niveau de preuve extrêmement élevé compte tenu de la gravité des accusations et des conséquences entrainées sur les individus visés.»

Le recommandations bien reçues par le Barreau

Le Barreau du Québec accueille favorablement les recommandations du commissaire. «Toute recommandation susceptible de rendre le processus de nomination des juges plus rigoureux et efficace sera appuyée par le Barreau», a avancé Me Pierre Bourque, qui représentait le Barreau à la commission. Il ajoute que le gouvernement fédéral devrait aussi améliorer son processus de nomination. «Probablement que le fédéral devrait se réveiller et adopter des normes plus sévères. C'est ce que nous espérons tous.»

Le rapport comporte des mots «très durs» sur le processus de nomination, reconnaît Me Bourque. On y indique que le processus était perméable à des influences indues, sans remettre en question la compétence ou l'intégrité de la magistrature elle-même. Me Bourque n'y voit pas de contradiction. «Ce n'est pas parce que la porte était ouverte que quelqu'un est entré», image-t-il.

Marc Bellemare ne réagira pas aujourd'hui au rapport. Son avocat, Me Rénald Beaudry, a indiqué qu'il pourrait parler aux médias demain ou vendredi. Le commissaire Bastarache a refusé de donner une copie de son rapport à l'avance. M. Bellemare n'en avait donc pas encore pris connaissance cet après-midi.

L'ADQ très déçue

L'ADQ est très déçue par le rapport. Mais pas surprise. Elle laisse entendre que les dés étaient pipés à l'avance. «C'est M. Charest qui a choisi le juge et rédigé le mandat», raille son chef, Gérard Deltell.

M. Deltell «condamne» que le commissaire n'ait pas dénoncé l'influence de «grands argentiers» du PLQ, comme Franco Fava ou Charles Rondeau, sur le système de nominations. Ce système serait pourtant «contaminé par l'influence des grands financiers». «Les grands financiers eux-mêmes ont démontré qu'ils avaient un accès direct au cabinet du premier ministre et qu'ils étaient consultés pour les nominations», rappelle M. Deltell. Il donne l'exemple «scandaleux» du juge Michel Simard, qui s'était adressé à M. Rondeau pour promouvoir sa candidature au poste de juge en chef de la Cour du Québec.

L'ADQ regrette aussi que le commissaire Bastarache n'ait pas dénoncé clairement le rôle de Chantal Landry, surnommée «Madame post-it». Mme Landry notait l'allégeance partisane des candidats.

Marc Bellemare voulait d'abord témoigner devant une commission parlementaire. L'ADQ  aurait préféré elle aussi cette option. De plus, elle ne souscrit pas aux 46 recommandations du commissaire. Même si M. Deltell croit que des ingérences auraient eu lieu dans la nomination des juges, il ne propose pas de réformer ce processus. « Le problème, ce n'est pas le système. C'est Jean Charest», justifie M. Deltell.

Québec solidaire n'estime pas que la commission Bastarache a été un exercice futile. Françoise David est satisfaite des recommandations sur la nomination des juges. Il faut écouter ces recommandations et mettre le système de nominations à l'abri de possibles «pressions indues», pense-t-elle.  Le seul député de Québec solidaire, Amir Khadir, estime que rien dans le rapport ne permet à M. Charest de «pavoiser». Il rappelle que la majorité des Québécois réclament encore une enquête publique sur l'industrie de la construction et le financement des partis politiques.

Quant au Parti québécois, il réagira demain matin en conférence de presse à 10 h.

Photo: Archives Reuters

«(Marc Bellemare) a jeté un pavé dans la mare et il en est sorti très mouillé», a déclaré l'avovat du Parti libéral du Québec, Me André Dugas.