À la suite des attaques dont les soldats ont été la cible depuis lundi, les Forces armées ont adopté une mesure exceptionnelle: les militaires ne peuvent plus, jusqu'à nouvel ordre, porter leur uniforme dans les endroits publics lorsqu'ils ne sont pas en fonction.

En temps normal, les soldats peuvent porter leur uniforme hors des installations militaires les jours où ils travaillent, comme dans les restaurants ou les commerces. La nouvelle directive ne s'applique, pour le moment, qu'aux militaires qui travaillent au Québec. Ils sont autorisés à porter leur uniforme uniquement lors de leurs déplacements entre le travail et la maison.

«La décision a été prise pour assurer notre mieux-être et notre sécurité», indique le lieutenant de vaisseau Marco Chouinard, officier aux affaires publiques à la garnison de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Mais la directive est aussi critiquée par certains militaires, même après les événements survenus à Ottawa hier matin.

Sous le couvert de l'anonymat, des militaires nous ont dit craindre que cette mesure donne l'impression que les soldats canadiens «cèdent» devant la menace en évitant de s'afficher en public. Les Forces armées, souligne un militaire, «sont habituées d'être sur la ligne de feu et de faire face au danger».

Un autre soldat nous a confié que la directive, qui vise à «éviter le faible pourcentage de risque d'attaque», pourrait plutôt engendrer «un climat de peur» parmi les troupes.

Le colonel à la retraite Michel W. Drapeau dit comprendre à la fois les raisons qui ont motivé l'ordre donné par l'état-major et les militaires mécontents.

«La majorité des militaires, dont la personne qui vous parle, est fière de porter l'uniforme», dit l'homme, qui a passé 34 ans dans l'armée. «Cette décision est la bonne dans l'immédiat pour ne pas prendre de risque pendant qu'on analyse ce qui se passe», dit-il. «Mais je ne crois pas qu'il faille dire que dorénavant, les militaires ne porteront plus jamais l'uniforme à l'extérieur des installations militaires. Ça reviendrait à dire que les terroristes ont gagné.»

«On a un problème, et ce n'est pas en mettant tout le monde en civil qu'on va régler le problème. On va simplement le transposer», dit M. Drapeau, soulignant que les policiers sont aussi ciblés par les terroristes.

En Grande-Bretagne, de telles restrictions sur le port de l'uniforme militaire en public étaient en vigueur pendant les années 70 et 80 - l'Armée républicaine irlandaise (IRA) prenait alors les militaires pour cible.

En mai 2013, après l'assassinat d'un soldat à Londres, les militaires ont à nouveau reçu l'ordre d'éviter de porter leur uniforme dans les endroits publics. La décision avait soulevé la colère du premier ministre David Cameron, qui avait déclaré que «la meilleure façon de vaincre le terrorisme est que tout le monde continue à vivre sa vie normalement».

De nombreux soldats et vétérans britanniques avaient d'ailleurs défié la directive en publiant des photos d'eux-mêmes en uniforme en public, en signe de solidarité avec le soldat assassiné. La directive avait été levée rapidement.

- Avec la collaboration de Jasmin Lavoie

Cadets au repos

L'Organisation des cadets du Canada (qui rassemble des jeunes de 12 à 19 ans) a décidé de suspendre toutes les activités prévues pour 48 heures, le temps de réévaluer la situation. En Australie, au début du mois, le ministère de la Défense a demandé aux cadets d'être prudents avant de se promener en uniforme dans des endroits publics par crainte d'attaques terroristes à leur endroit. Certaines écoles fréquentées par des cadets de l'armée leur ont carrément interdit de porter leur uniforme à l'extérieur de l'école.