Après la mort de ses enfants, Isabelle Gaston a pensé à se suicider. Dans l'idée de préparer ses papiers, elle a appelé Guy Turcotte à l'Institut Philippe-Pinel, le 17 mai 2009, pour savoir ce qu'il voulait et obtenir une certaine réponse à ce qui s'était passé. L'attitude de Guy Turcotte au bout du fil lui a enlevé l'envie de se donner la mort.

«Il m'a sauvé la vie. J'avais de la colère. Je me suis dit: il n'aura pas ma peau», a relaté fermement Isabelle Gaston, hier, alors qu'elle témoignait au procès de son ex-mari, accusé d'avoir tué avec préméditation leurs deux enfants, le 20 février 2009.

C'est avec des trémolos dans la voix qu'Isabelle Gaston a amorcé son témoignage, hier, au second procès de Guy Turcotte.

Récit d'une rencontre

Toute vêtue de noir, se tenant très droite à la barre, Mme Gaston regardait le jury à gauche et faisait pratiquement dos à Guy Turcotte, assis dans le box des témoins, à droite. Elle a livré son récit en moins d'une heure et demie, au cours de l'interrogatoire principal mené par le procureur de la Couronne René Verret. Celui-ci voulait savoir comment elle avait connu Guy Turcotte, comment s'était déroulée leur relation, quelles ont été les circonstances de leur séparation...

Ils se sont connus en 1999 alors qu'ils étudiaient tous deux en médecine à Québec. Quelques mois plus tard, ils faisaient vie commune. Ils se sont séparés en 2001, mais sont revenus ensemble par la suite. Ils se sont mariés en 2003 et se sont installés à Prévost, dans les Laurentides. Il était cardiologue, elle finissait ses études pour être urgentologue. Ils ont eu deux enfants: Olivier, né en 2003, et Anne-Sophie, née en 2005. Leur relation était faite de hauts et de bas, a-t-elle expliqué. Il a été question de séparation, notamment en 2007. M. Turcotte était effondré. «Je n'y arriverai pas sans toi», a-t-il dit. Mme Gaston a pris cela pour une preuve d'amour, et le couple est resté ensemble.

En 2008, toutefois, ça allait de moins en moins bien, ce qui a amené un certain détachement, a poursuivi Mme Gaston. Ils fréquentaient souvent un autre couple, entraîneurs dans un gymnase. Elle est tombée amoureuse de Martin Huot, l'homme de ce couple. La femme du couple en a informé Guy Turcotte.

M. Turcotte a quitté la maison familiale le 26 janvier 2009 et s'est installé dans une maison louée à Piedmont. La garde partagée des enfants n'a pas causé de problèmes, selon Mme Gaston. Par contre, M. Turcotte se pointait à l'improviste à son ancien domicile, et il devenait furieux quand il y trouvait Martin Huot, ce qui serait arrivé deux fois, selon le récit de Mme Gaston. Elle a fini par faire changer les serrures, à l'insu de M. Turcotte.

Le soir fatidique

Le 20 février 2009, Mme Gaston devait partir avec des amies dans Charlevoix pour faire du ski. Elle a parlé avec Guy Turcotte, car il voulait passer à son ancien domicile pour prendre des raquettes. Mme Gaston a été contrainte de lui dire qu'elle avait fait changer les serrures.

«Tu n'as pas le droit, c'est ma maison. Tu veux la guerre, tu vas l'avoir», a réagi M. Turcotte.

Isabelle Gaston est partie inquiète, le 20 février 2009. «J'avais tellement peur, en conduisant, j'ai annulé le compte conjoint et ma carte de crédit. Je me suis sentie menacée là-dedans. Je l'ai rappelé, ç'a raccroché, je l'ai rappelé, ç'a raccroché», a-t-elle dit. Elle a appelé six fois pour parler à M. Turcotte. Le jury sait qu'Olivier et Anne-Sophie ont été tués par leur père ce soir-là.

Guy Turcotte a pleuré à chaudes larmes à certains moments du témoignage de son ex-femme. Il a souvent gardé la tête baissée, mais à d'autres moments, il a vivement réagi aux propos de Mme Gaston.

Ç'a été le cas lorsque Mme Gaston a relaté l'entretien qu'ils avaient eu au téléphone le 17 mai 2009, alors qu'il était détenu à l'Institut Philippe-Pinel. Elle a expliqué qu'il se préoccupait de la valeur de revente de leur maison, et qu'il lui avait confié que s'il ne s'était pas tué, c'était pour ne pas qu'elle ait l'argent des assurances et la maison.

«C'est pas vrai», a articulé de façon muette Guy Turcotte dans le box.

Le procès se poursuit aujourd'hui, avec la suite du contre-interrogatoire de Mme Gaston.

Il est à noter que le procès a commencé seulement en après-midi, hier, parce qu'un des jurés a dû aller à l'hôpital en matinée pour une blessure à une main.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Guy Turcotte, à son arrivée au palais de justice, le lundi 28 septembre.