(Québec) Les partis d’opposition y sont allés mardi d’une charge à fond de train contre le gouvernement Legault qu’ils accusent de « cacher des choses » et de tenter de faire « diversion » pour éviter de prendre « ses responsabilités » dans la gestion controversée des CHSLD pendant la première vague de la pandémie.

Selon l’opposition à Québec, les révélations faites devant l’enquête publique du coroner sur les décès en CHSLD au printemps 2020 ravivent la nécessité de tenir une enquête publique sur la gestion plus large de la pandémie par le gouvernement Legault.

La sous-ministre adjointe Natalie Rosebush a notamment affirmé devant la coroner que les conclusions des rapports de visite de vigie en CHSLD pendant la première vague étaient surtout communiquées verbalement et que des versions antérieures des constats étaient alors « écrasées » dans le système informatique.

Or, Radio-Canada a révélé mardi qu’un formulaire pour recueillir des informations concernant les ressources humaines et matérielles manquantes avait été fourni aux inspecteurs, mais que ces données seraient aujourd’hui introuvables. La semaine dernière, le cabinet de la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, a bien assuré qu’« aucun rapport n’a été détruit ».

Ce que le premier ministre François Legault a martelé au Salon bleu, mardi. La Protectrice du citoyen, qui a dévoilé mardi son rapport spécial sur la gestion de la pandémie dans les CHSLD, a assuré avoir eu accès à tous les rapports jugés nécessaires.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Dominique Anglade

La cheffe libérale Dominique Anglade a qualifié les révélations « d’opération de camouflage » du gouvernement Legault. « Clairement, le gouvernement veut nous cacher des choses parce qu’on nous a dit qu’il n’y avait pas de rapports qui avaient existé. Ensuite, on nous a dit qu’ils n’avaient pas été faits. Et on apprend que non seulement ils existent, mais qu’ils ont été transmis », a déploré Mme Anglade.

Le directeur de cabinet du premier ministre, Martin Koskinen, a dénoncé ces accusations sur Twitter. « Mon propos sera attaqué de toute part, mais c’est très mal connaître @francoislegault et son cabinet d’imaginer que nous cachons des informations suite à une tempête (pandémie) parfaite. La première vague nous hante toujours. Nous n’oublierons jamais », a-t-il écrit.

Les élus faisaient relâche la semaine dernière alors que l’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda et la sous-ministre adjointe Rosebush ont notamment défilé devant la coroner Géhane Kamel.

Les travaux parlementaires reprennent ce mardi à l’Assemblée nationale, au même moment où la protectrice du citoyen dépose son rapport spécial sur la gestion de la crise sanitaire dans les CHSLD au Québec. Son rapport d’étape, déposé en décembre 2020, avait été dévastateur.

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Gabriel Nadeau-Dubois

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a parlé d’un retour au Parlement « dans une ambiance […] franchement lourde » alors que « les Québécois sont dans la noirceur totale » au sujet de ce qui s’est passé dans les CHSLD.

« Le fond de la question, c’est quoi ? C’est que l’État québécois a échoué à sa responsabilité de protéger les vies des aînés qui étaient dans nos CHSLD. Ça, ça veut dire que l’État québécois a une dette morale à l’égard des aînés et de leurs familles, une dette qui impose de faire la lumière sur ce qui s’est passé », a-t-il critiqué.

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Paul St-Pierre Plamondon

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a accusé le gouvernement Legault de « mentir » sur l’existence de rapport rédigé sur la situation dans les CHSLD.

« Je rappelle que mentir sur l’existence de documents et détruire de la preuve pour faire de l’obstruction, de l’entrave au travail d’un coroner ou de l’entrave à des poursuites civiles ou des poursuites criminelles qui pourraient découler des faits qui sont en possession du gouvernement, c’est très grave », a pesté le chef péquiste en mêlée de presse.

Une enquête publique réclamée

À l’unisson, les partis d’opposition ont réclamé mardi le déclenchement d’une enquête publique et indépendante sur la gestion de la pandémie au Québec. « C’est l’occasion pour François Legault de sauver la confiance envers le système d’hébergement des aînés au Québec », a lancé M. Nadeau-Dubois.

Les formations ont rappelé que plus de 5000 aînés sont morts lors de la première vague de la pandémie. « Clairement, c’est dans la rage que [les familles endeuillées] doivent se trouver parce qu’il n’y a aucune réponse de plus. Au contraire, personne n’y comprend rien », a exprimé avec émotion la députée libérale Monique Sauvé, qui accompagnait Mme Anglade.

Le Parti québécois demande que l’enquête publique se penche au moins sur les trois premières vagues de la pandémie. Québec solidaire voudrait une enquête du « style de la commission Charbonneau » avec un « mandat large » qui ne toucherait pas seulement la gestion en matière de santé.

Les libéraux réclament par ailleurs que le premier ministre François Legault soit d’abord entendu lors de l’enquête publique de la coroner. « Ça remonte forcément jusqu’au bureau du premier ministre. C’est lui qui prenait les décisions. C’est de l’information qui n’est pas disponible aujourd’hui. Clairement, il y a quelqu’un qui ne nous dit pas la vérité », a ajouté Mme Anglade.

Les partis déplorent que le gouvernement tente maintenant de « faire diversion » en tenant son importante annonce sur la vaccination des enfants de 5 à 11 ans le jour même où la protectrice du citoyen dépose son rapport spécial sur la gestion de la crise sanitaire dans les CHSLD au Québec.

Ils ont aussi critiqué l’annonce en grande pompe la semaine dernière de la création d’un comité sur l’avenir du hockey, pendant laquelle M. Legault a indiqué que le ministre des Finances, Eric Girard, avait été désigné pour piloter le retour éventuel des Nordiques dans la Capitale-Nationale.

Les libéraux ont accusé M. Legault d’être « passé maître dans l’art de la distraction ». Québec solidaire a affirmé que « l’opération sur les Nordiques […] tombe bien en plein milieu d’une enquête du coroner », ajoutant que tout cela avait les « allures d’une opération de diversion ».

« La diversion quand on regarde dans le dictionnaire, c’est un geste de manipulation, c’est un stratagème », a pesté le chef Paul St-Pierre Plamondon.