(Montréal) Les femmes immigrantes se trouvent davantage poussées à occuper un emploi en dessous de leur niveau de scolarité que le reste de la population active au Québec, les amenant souvent dans des milieux de travail plus précaires, selon un organisme féministe.

L’une des responsables de ce qui est considéré comme de la « déqualification » est la non-reconnaissance de leurs diplômes et des acquis obtenus à l’étranger, pointe l’Action travail des femmes (ATF).

L’organisme a présenté mardi matin les conclusions du projet « Contrer les effets systémiques de la non-reconnaissance des diplômes étrangers sur les femmes immigrantes », qui a débuté en 2021.

Le taux de « déqualification » chez les immigrantes s’élevait à environ 45 % en 2019, contre un peu moins du tiers en moyenne pour l’ensemble de la population, selon des données du ministère québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. Pour l’ensemble des immigrants, ce taux atteignait 44,2 %.

« La déqualification, c’est occuper un emploi nécessitant des qualifications moindres que celles qu’on possède. Donc, être diplômée d’un certain niveau, puis occuper un emploi qui aurait nécessité moins de formation », a expliqué Nina Goualier, agente de recherche chez ATF.

En conséquence, ces personnes sont confrontées à un salaire inférieur et un appauvrissement, a-t-elle affirmé lors de l’évènement bilan à Montréal.

« Le salaire médian des femmes immigrantes représente 82 % de celui des femmes non-immigrantes, 80 % des hommes immigrants et 62 % des hommes non-immigrants », a indiqué la doctorante en sociologie de l’Université de Montréal.

« On voit donc là que les inégalités liées au sexe et au statut d’immigration s’entremêlent, renforcées par la non-reconnaissance des diplômes, et vont participer à la discrimination systémique des femmes immigrantes sur le marché du travail », a-t-elle analysé.

L’ATF préfère d’ailleurs parler de « déqualification » au lieu de « surqualification », soit le terme utilisé par les organismes gouvernementaux. Le mot « déqualification » met davantage de l’avant le fait que la situation perdure dans le temps et qu’elle a des impacts socio-économiques, a mentionné Émilie Aki-Mbot, membre du comité exécutif d’ATF.

Le lieu des études semble influencer la probabilité de vivre de la « déqualification ». Les données présentées par l’ATF font état d’une probabilité prédite de 3,8 % pour les diplômés du Canada, tandis qu’elle grimpe à 20,4 % chez les diplômés d’Asie du Sud-Est, 10,9 % chez ceux de l’Europe de l’Est et à 8,6 % auprès des personnes d’Afrique subsaharienne.

Le portrait de l’ATF sur les femmes immigrantes au Québec révèle également qu’elles sont davantage diplômées que les personnes non immigrantes. De plus, elles se « rediplôment » dans une grande proportion, alors que parmi celles ayant un baccalauréat, 34 % s’inscrivent à l’université et 39 % au cégep, a exposé Mme Goualier.

Elles représentent toutefois le groupe avec les taux d’emploi et d’activité les plus faibles, car elles sont plus susceptibles de poursuivre des études, d’après l’organisme qui s’est principalement basé sur des données de Statistique Canada dans le cadre du projet.

Recommandations

Pour remédier à cette problématique de manque de reconnaissance des diplômes chez les femmes immigrantes, l’ATF et les autres organismes partenaires du projet proposent de nombreuses recommandations.

Elles visent notamment les universités à qui il est reproché d’exercer une « forme de discrimination systémique à l’égard du groupe des personnes immigrantes » en ne proposant pas de « véritable processus » de reconnaissance des acquis et des compétences. Elles sont invitées à établir un tel mécanisme et d’appliquer la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue.

Les recommandations concernent aussi différents ministères et des programmes de requalification et de formation du gouvernement provincial. Les organismes demandent la mise en œuvre d’un programme d’aide financière pour la reconnaissance des acquis et des compétences détaché des besoins du marché du travail.

Malgré la fin du projet, ses instigateurs promettent de garder un œil sur la mise en œuvre des recommandations et mener des actions pour contrer les effets de la non-reconnaissance des diplômes étrangers sur les femmes immigrantes.

L’initiative a obtenu un financement fédéral du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.