Au Québec, entraîner une équipe et arbitrer un match sont encore majoritairement des affaires d’hommes, démontre le plus récent rapport sur les filles et les femmes dans le sport. Il existe encore une différence marquée entre les sports « de gars » et les sports « de filles » : d’un côté, le hockey et le baseball, de l’autre, la gymnastique et le patinage artistique.

Professeure au département d’éducation physique de l’Université Laval, Guylaine Demers fait de la recherche sur les femmes dans le sport depuis 30 ans. Son dernier rapport montre que chez plusieurs fédérations sportives québécoises, ce sont « majoritairement des gars qui font leurs sports, des hommes qui coachent et qui sont des officiels ».

Ainsi, chez les athlètes, la crosse, le hockey et le tir « réussissent difficilement » à attirer 10 % de membres féminins. Le baseball, le surf des neiges, le golf, le tir à l’arc, le judo, le softball et le football (entre autres) comptent moins de 30 % de participantes.

Quant au cheerleading, à la ringuette, à la gymnastique, au patinage et à la natation artistiques, ils affichent des taux de participation des hommes qui vont de 2 à 25 % seulement.

C’est donc dire qu’il y a encore des sports de « gars » et des sports de « filles », lit-on dans le plus récent rapport du Laboratoire de recherche pour la progression des femmes dans les sports au Québec (Lab PROFEMS), que dirige Guylaine Demers.

« Ce n’est certainement pas pour dire que les filles ne sont pas assez bonnes pour faire un sport, ou dire que des gars ne seraient pas assez bons pour faire de la gymnastique. On est encore genrés dans nos sports au Québec », explique la directrice du Lab PROFEMS. Il n’y a qu’à regarder les chiffres, dit-elle.

Du « surplace » chez les entraîneuses

Près des trois quarts des arbitres au Québec sont des hommes. Le rapport cite une recherche qui indique que les femmes qui occupent ce poste « vivent souvent des agressions basées sur le genre et qu’elles doivent naviguer à travers un lot de stéréotypes, ce qui nuit non seulement à leur entrée dans le métier, mais également à leur rétention ».

Les femmes sont également minoritaires chez les entraîneurs : en 2019-2020, les trois quarts de ces postes étaient occupés par des hommes.

« C’est ce qui me déprime encore », dit Guylaine Demers, qui cite son premier projet de recherche sur le sujet, en 1996, qui avait démontré des pourcentages semblables.

PHOTO FOURNIE PAR GUYLAINE DEMERS

Guylaine Demers, professeure au département d’éducation physique de l’Université Laval et directrice du Laboratoire de recherche pour la progression des femmes+ dans les sports au Québec (Lab PROFEMS).

Il y a une barre à 25 % [de femmes entraîneuses] qui ne se franchit pas. On fait du surplace.

Guylaine Demers

Mais si les hommes athlètes sont plus nombreux, n’est-il pas dans l’ordre des choses qu’ils le soient aussi davantage à devenir entraîneurs ?

Non, dit Guylaine Demers. « Nos athlètes féminines sont aussi performantes que les athlètes masculins. Aux derniers Jeux olympiques, pour un nombre équivalent d’athlètes, les femmes rapportent beaucoup plus de médailles que les hommes », poursuit-elle. Le bassin où aller recruter est vaste.

Plusieurs initiatives ont été mises en place au fil des années pour favoriser l’accession des femmes aux postes d’entraîneur, notamment des formations et du mentorat. Mais former ne suffit pas.

Il y a une résistance dans le monde du coaching qui est difficile à combattre. Ce n’est pas de la discrimination ouverte.

Guylaine Demers, professeure au département d’éducation physique de l’Université Laval

Pas un club sportif ne dira ouvertement qu’il ne veut pas de femmes, illustre-t-elle.

« On est tout le temps dans le : “j’ai affiché le poste et il n’y a pas de femmes” », illustre Mme Demers, qui observe que perdure encore une vision du « coach très autoritaire ».

« Ce n’est pas parce que le leadership est différent qu’il est inférieur », poursuit la professeure, qui sent tout de même un vent de changement dans les fédérations sportives.

Optimisme

« Il y a une nouvelle génération qui est sincèrement engagée pour avoir plus de femmes et de filles en sports. Ce n’était pas le cas il y a 20 ans. Quand on allait auprès des fédérations pour offrir nos services, on était le caillou dans le soulier : ‟qu’est-ce qu’elles veulent, les bonnes femmes ?” », se souvient la professeure de l’Université Laval.

Les fédérations vont maintenant d’elles-mêmes vers des organismes qui promeuvent la participation des femmes dans le sport, comme Égale Action, pour les aider à comprendre des situations inéquitables.

« J’ai l’impression que dans cinq ans, les chiffres vont avoir changé de façon importante dans les postes d’entraîneurs, d’officiels », prévoit la chercheuse.

Le rapport 2023 sur les filles et les femmes dans le sport du Lab PROFEMS fait état de données « encourageantes » sur la place des femmes dans les postes de pouvoir au sein des fédérations sportives québécoises.

« De plus en plus de fédérations s’approchent de la zone paritaire, ce fameux 40-60 » dans les postes de direction générale, dit Guylaine Demers.

« Il y a un mouvement par rapport à ces postes importants, mais on n’y est pas encore. Les derniers pourcentages sont les plus difficiles à aller chercher. On est parties de tellement loin. En 1999, il y avait peut-être 10 % de femmes directrices générales », rappelle la professeure.

L’arrivée en scène de la nouvelle équipe de hockey féminin de Montréal apporte aussi un souffle nouveau dans le monde du sport, note Guylaine Demers.

« La force du sport professionnel, c’est sa visibilité », dit la professeure. Des femmes sur la glace, des femmes qui coachent, des femmes directrices générales, sans compter les femmes qui commentent les matchs.

« Cette ligue est un tournant majeur pour le sport féminin », estime-t-elle.