« Nous ne ferons aucun commentaire à ce sujet. »

Telle a été la réponse envoyée à La Presse vendredi par le cabinet de Pascale Déry, ministre de l’Enseignement supérieur, au sujet du refus par le Conseil des ministres d’entériner la nomination de la chercheuse Denise Helly.

Vendredi, La Presse a révélé cette affaire de nomination bloquée par le gouvernement Legault et la crainte de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) qu’il puisse s’agir d’une atteinte à l’autonomie des universités.

Spécialisée dans les questions de droits des minorités, d’islamophobie et de discours haineux, Denise Helly est chercheuse à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Ses pairs l’ont choisie, tout comme leur collègue Sophie Duchesne, qui travaille sur des questions d’eau potable, pour siéger au conseil d’administration de l’INRS.

La nomination de Mme Duchesne a été entérinée par le gouvernement Legault le 29 novembre. Celle de Mme Helly a été rejetée par Québec, sans explication, alors que la chose est normalement une formalité, selon le FQPPU et l’INRS.

Réagissant par courriel vendredi, l’INRS a dit avoir indiqué au ministère de l’Enseignement supérieur « que de ne pas nommer une professeure désignée par son assemblée était inhabituel et contrevenait, selon lui, à l’autonomie universitaire. C’est un dossier qui est pris très au sérieux par l’établissement ».

En quête d’éclaircissements

L’INRS appartient au réseau de l’Université du Québec. Invité à réagir, son président, Alexandre Cloutier, a expliqué que « l’indépendance de la gestion de nos universités est un élément très important pour les établissements de l’Université du Québec. La constitution des conseils d’administration est une priorité. Nous sommes préoccupés par la situation et sommes déjà en lien avec l’équipe de la ministre Déry pour obtenir des éclaircissements ».

L’Université du Québec a ajouté qu’une rencontre allait avoir lieu à la fin de janvier avec l’équipe de la ministre.

En 2015, Mme Helly a organisé un colloque sur l’islamophobie auquel a participé Adil Charkaoui, un imam controversé.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’INRS

Denise Helly, professeure titulaire de l’INRS

En entrevue vendredi, elle a expliqué à La Presse qu’elle avait alors donné la parole « à toutes les associations musulmanes qui ont bien voulu venir ».

Adil Charkaoui, qui était à l’époque coordonnateur du Collectif québécois contre l’islamophobie, y a pris part.

En tant que chercheuse, « je vais voir tout le monde, car c’est ma job », lance-t-elle au téléphone, disant que ce serait non professionnel de sa part de ne pas chercher à parler à tous les acteurs de son champ d’études.

Des collègues viennent aussi de lui rappeler qu’un peu après, « une petite plaquette » lui a été remise par Charkaoui en reconnaissance de ses recherches, comme il l’a fait pour quelques autres universitaires.

Elle a donc vu Adil Charkaoui dans ces années-là, « mais ce n’est ni mon chum ni mon copain », lance en riant l’octogénaire, disant ne plus l’avoir revu depuis lors.

De toute manière, à son avis, sa nomination bloquée par Québec n’a rien à voir avec cela.

Elle pense plutôt, à la réflexion, que ce sont probablement ses positions très critiques et publiques contre la charte des valeurs et contre la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) qui sont en cause.