De nombreuses voix se sont élevées vendredi aux États-Unis pour dénoncer la décision du président Donald Trump d'imposer des tarifs douaniers contre les exportations d'acier et d'aluminium en provenance du Canada, considéré par la majorité des démocrates et des républicains confondus comme le plus fidèle allié de l'Oncle Sam.

L'ancien ambassadeur des États-Unis au Canada sous l'administration de Barack Obama, Bruce Heyman, a donné le ton au concert de condamnations en présentant des excuses aux Canadiens pour cette décision « illégale » et aux conséquences économiques et politiques importantes au moment même où le gouvernement Trudeau confirmait qu'il contestera auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à l'instar de l'Union européenne, l'imposition de tarifs douaniers.

La Chambre de commerce des États-Unis, les grands médias influents comme le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal et même l'Aluminium Association des États-Unis n'ont pas hésité non plus à critiquer vertement cette décision du président Trump à une semaine de la tenue du Sommet du G7 à La Malbaie, dans la région de Charlevoix, dont le premier ministre Justin Trudeau sera l'hôte.

Dans une entrevue accordée au réseau CTV Newsnet, vendredi, Bruce Heyman ne cachait pas sa colère de voir un président américain s'attaquer ainsi à un pays ami et allié.

« Étant donné la façon dont Donald Trump s'est comporté jusqu'ici, je ne suis pas surpris qu'il ait fait cela. Mais je suis incroyablement déçu. Au nom de tous les Américains qui aiment et chérissent cette relation avec le Canada, je suis désolé. Ce n'est pas approprié et c'est probablement illégal. Ce n'est pas comme cela que l'on traite son meilleur ami », a dit l'ancien ambassadeur, qui s'exprimait de Chicago.

« J'espère que cela ne va pas mener à une escalade. Je crois que le premier ministre et la ministre des Affaires étrangères ont bien fait d'annoncer que les mesures de représailles du Canada allaient entrer en vigueur le 1er juillet. Cela va permettre de calmer le jeu et peut-être que l'on peut utiliser le Sommet du G7 pour avoir des discussions en coulisses pour réduire la température et peut-être trouver des solutions à cela et régler l'ALENA aussi », a-t-il ajouté.

«Un affront»

Jeudi, l'administration Trump a invoqué l'article 232 de la loi concernant la sécurité nationale pour justifier l'imposition de tarifs douaniers de 25 % sur les exportations canadiennes d'acier et de 10 % sur les exportations canadiennes d'aluminium. Le gouvernement Trudeau, qui a soutenu que cette décision constituait « un affront au partenariat de longue date en matière de sécurité entre le Canada et les États-Unis », a riposté en annonçant qu'il imposerait des mesures de représailles de la même ampleur qui prendront la forme de surtaxes ou d'autres mesures similaires sur les importations d'acier, d'aluminium et d'autres produits venant des États-Unis à compter du 1er juillet.

« En tant qu'allié clé des États-Unis au sein du NORAD et de l'OTAN, et en tant que principal acheteur d'acier américain, le Canada considère que les restrictions commerciales imposées par les États-Unis sur l'acier et l'aluminium canadiens sont totalement inacceptables. Ces droits de douane, imposés unilatéralement sous le prétexte qu'ils garantissent la sécurité nationale des États-Unis, ne respectent ni les obligations commerciales internationales américaines ni les règles de l'OMC », a déclaré vendredi la ministre Chrystia Freeland en confirmant la démarche du Canada devant l'OMC.

Selon le gouvernement Trudeau, le montant des tarifs et surtaxes pourrait atteindre jusqu'à 16,6 milliards sur une foule de produits américains, soit l'équivalent du montant total des exportations canadiennes d'acier et d'aluminium en 2017 vers les États-Unis. Ces tarifs demeureront en vigueur tant et aussi longtemps que l'administration Trump n'aura pas battu en retraite et aboli les tarifs américains.

« L'Amérique déclare la guerre à ses amis », titrait le New York Times dans l'éditorial de son numéro de vendredi. « Trump vient officiellement d'imposer des tarifs plus élevés aux alliés des États-Unis qu'à la Chine », soutient pour sa part le Washington Post.

Ces critiques n'ont pas empêché Donald Trump de continuer de s'en prendre au Canada vendredi, faisant un lien entre les tarifs douaniers, les négociations visant à moderniser l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et l'accès limité qu'ont les agriculteurs américains au marché canadien.

« Le Canada a très mal traité nos activités agricoles et nos agriculteurs pendant très longtemps. Très restrictif sur le commerce ! Ils doivent ouvrir leurs marchés et abattre leurs barrières commerciales ! Ils ont un excédent très important sur le commerce avec nous », a écrit Donald Trump sur son compte Twitter, vendredi en matinée.

Le gouvernement Trudeau a refusé jusqu'ici de céder quoi que ce soit sur la question de la gestion de l'offre dans le cadre des négociations de l'ALENA. Ce n'est toutefois pas la première fois que M. Trump dénonce ce régime.

M. Trump a aussi fait brièvement allusion au contentieux sur le bois d'oeuvre, qui pèse sur les relations commerciales américano-canadiennes depuis des années.

Plus tard vendredi, le président américain a suggéré qu'il envisageait deux accords commerciaux séparés avec le Canada et le Mexique, alors que la renégociation de l'ALENA entre les trois pays s'enlise.

« Je n'aurais pas d'objection à voir un accord séparé avec le Canada [...] et un autre avec le Mexique », a-t-il déclaré sur la pelouse de la Maison-Blanche. « Ce sont deux pays très différents », a-t-il poursuivi, ajoutant que le traité de l'ALENA était « un accord lamentable pour les États-Unis ». « Nous perdons beaucoup d'argent avec le Canada et nous perdons une fortune avec le Mexique », a-t-il ajouté.

- Avec l'Agence France-Presse