Un ancien militaire yougoslave arrivé à Montréal il y a quelques années vient d'échouer à obtenir l'asile politique au Canada, car les autorités estiment avoir des raisons sérieuses de penser qu'il est complice d'opérations de « purification ethnique » menées contre la population croate dans les années 90.

L'identité du demandeur est protégée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), qui vient de statuer sur son sort. D'ascendance serbe, le demandeur est né en Croatie, à l'époque où la Serbie et la Croatie faisaient partie de la République fédérale de Yougoslavie. Il est entré dans l'armée en 1979.

En 1991, la Yougoslavie a sombré dans la guerre civile lorsque la Croatie a déclaré son indépendance. L'armée fédérale yougoslave et des groupes armés serbes ont affronté les séparatistes croates.

Le demandeur avait atteint le rang de sergent première classe dans l'armée fédérale. Spécialiste des tanks, il commandait un peloton de transports de troupes blindés et 30 hommes qui avaient été déployés en Croatie.

Devant la Commission de l'immigration, il a assuré ne jamais avoir participé à des exactions contre les civils et avoir plutôt joué un rôle pacificateur sur le terrain.

Plus de 22 ans après la fin des combats en Croatie, il dit toujours se sentir en danger, tant en Croatie qu'en Serbie : des Serbes s'en prendraient à lui parce qu'il est né en Croatie, et les Croates risqueraient de lui en vouloir s'ils savaient qu'il a combattu les séparatistes pendant la guerre.

CIBLES CIVILES

Mais un représentant du ministère de la Sécurité publique du Canada a plaidé devant la Commission qu'une preuve abondante existait quant à l'implication des forces fédérales et des groupes serbes dans des bombardements massifs visant des cibles civiles, des déplacements forcés de populations, des exécutions extrajudiciaires et la création de camps de concentration en Croatie au début des années 90.

La commissaire à l'immigration Jacqueline Shoepfer a déterminé que la preuve montrait clairement comment l'armée yougoslave s'était rendue coupable de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en Croatie à l'époque.

Selon elle, les forces fédérales yougoslaves ont « agi dans un dessein criminel commun dont le but était de contraindre la majorité de la population croate et le reste de la population non serbe à évacuer une partie du territoire de la Croatie afin de pouvoir l'intégrer au sein d'un nouvel État dominé par les Serbes ».

La commissaire à l'immigration note que le demandeur d'asile n'a pas saisi les occasions qui s'offraient à lui de démissionner ou déserter.

« Les actions du demandeur, qui consistaient à élargir et maintenir des zones spécifiques appelées zones tampons alors qu'il commandait un peloton de 30 hommes, permettaient [aux forces fédérales] de mettre en oeuvre, sur le terrain, leurs stratégies opérationnelles [...], notamment des opérations de purification ethnique dans les villes et villages croates. »

Elle conclut donc que la demande d'asile de l'ex-militaire doit être écartée, car il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur s'est rendu complice de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, selon la décision datée du 17 janvier et qui vient d'être publiée.

L'avocat du demandeur, Me Stéphane Handfield, a annoncé son intention de demander une révision de cette décision par la Cour fédérale, afin que son client puisse demeurer au pays.