Dans la foulée des allégations d'inconduites sexuelles à son endroit, l'animateur et producteur Éric Salvail a admis ses torts, reconnu sa responsabilité et annoncé qu'il prenait une pause professionnelle, lors de laquelle il consultera « des spécialistes en la matière ».

« Un peu comme un alcoolique peut consulter pour ne plus avoir de consommation déviante et pour comprendre celle-ci autant que ses conséquences », a-t-il précisé dans un long message publié sur Facebook au lendemain de la publication d'un article détaillant divers comportements de harcèlement ou d'inconduite.

Ces révélations ont été les premières d'une série de dénonciations qui ont aussi éclaboussé le président du Groupe Juste pour rire, Gilbert Rozon, l'animateur Gilles Parent et l'éditeur Michel Brûlé. Du lot, jusqu'à maintenant, Éric Salvail est toutefois le seul à avoir annoncé vouloir consulter un spécialiste.

Les thérapies, si elles sont faites de bonne foi et avec la bonne motivation, peuvent pourtant réussir à modifier les comportements, soulignent des sexologues spécialisés dans les problèmes de délinquance sexuelle.

Il est difficile de placer dans une même case tous les délinquants sexuels, mais le sexologue et psychothérapeute Yves Paradis souligne qu'un point commun souvent remarqué est le manque de maîtrise de soi, une difficulté à anticiper les conséquences négatives de ses gestes et une tendance à percevoir l'autre un peu comme un objet.

Un thérapeute qui rencontrera un individu présentant des comportements de déviance sexuelle commencera par dresser un portrait global de l'individu dans ses différentes sphères de vie, puis entreprendra un programme de sensibilisation pour commencer à éduquer le client, qui pourra se positionner par rapport à ses délits sexuels.

« Après, on va évaluer sur le plan clinique, voir s'il peut bénéficier ou non du processus thérapeutique standard, c'est-à-dire vraiment travailler les choses en profondeur », explique M. Paradis, qui dirige également le Centre d'intervention en délinquance sexuelle de Laval.

Une approche de groupe ou individuelle peut être privilégiée.

On parle évidemment d'un long cheminement, qui peut s'échelonner sur plus d'une année, quoique la durée de la thérapie dépendra de l'individu, souligne le sexologue et psychologie Marc Ravart, qui se spécialise dans les troubles du comportement sexuel.

« Il y en a pour qui ça va bien et ils retirent des leçons très vite. Ils sont ouverts à des directives pour ne plus que ça se répète. Il y en a d'autres [qui ont] des problèmes de personnalité où c'est très ancré en eux, le sentiment de ''tout m'est dû et je me permets''. Il y en a qui se disent dans leur tête que si l'autre ne refuse pas, elle doit vouloir. »

Toucher le fond du baril

Dans des cas comme ceux des personnalités qui ont vu leurs gestes dévoilés au grand jour, la thérapie pourrait cependant ne pas être un choix véritable et n'être utilisée que pour sauver ce qu'il reste des apparences. Selon Yves Paradis, c'est à ce moment l'un des rôles du thérapeute d'évaluer quelle est la motivation réelle du client.

Mais le fait qu'un individu puisse avoir attendu de s'être fait prendre avant de chercher de l'aide ne signifie pas pour autant que les efforts pour changer ne sont pas sincères.

« Il y en a qui doivent frapper le fond du baril. Comme la personne alcoolique qui se fait arrêter pour alcool au volant et [qui avait besoin de ça] pour reconnaître qu'il y avait un problème. Dans bien des cas, c'est semblable. Ces hommes doivent se faire arrêter, et c'est cette claque au visage là qui va les allumer sur la gravité de ce qu'ils ont fait », nuance Marc Ravart.

Plusieurs ont applaudi le fait que les dénonciations ont eu un effet d'entraînement et poussé de nombreuses victimes qui gardaient le silence à dénoncer. Mais les victimes ne sont pas les seules à être inspirées par cette vague. Les cas dévoilés dans les médias peuvent également amener d'autres individus à réévaluer leurs comportements, et peut-être même à aller chercher de l'aide pour les modifier.

Yves Paradis se souvient qu'à l'époque où la chanteuse Nathalie Simard avait dénoncé les agressions subies par son gérant Guy Cloutier, il avait reçu des appels de « monsieurs un peu en panique, qui voulaient consulter ».

M. Paradis craint toutefois que les organismes qui offrent des traitements aux agresseurs ne soient pas en mesure de fournir de l'aide à tous ceux qui en demanderont, faute de fonds.

« J'étais très heureux qu'on puisse débourser un million de dollars pour aider les victimes. Nous, dans notre travail, on fait de l'intervention, on fait du traitement avec ces clients-là, mais dans le fond je dis toujours qu'on travaille pour les victimes aussi. Il y a comme une disproportion entre les subventions qu'on reçoit pour qu'on puisse traiter de façon convenable ces individus, [comparativement à] tout le financement global pour le phénomène des agressions sexuelles », indique-t-il.

« C'est intéressant de travailler sur l'ensemble du phénomène si on veut être efficace. »