Les centaines de chauffeurs de taxi qui menaçaient de bloquer l'accès à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau ce matin pour protester contre le transport illégal et dénoncer le laxisme de Québec face au service UberX n'ont finalement pas mis leur plan à exécution. La manifestation s'est déroulée dans le calme.

Des centaines de voitures de taxi ont convergé vers l'aéroport vers 9h00 ce matin, pour un «blocus» organisé par le Regroupement des travailleurs autonomes des Métallos.

Un petit groupe mené par le chauffeur de taxi Hassan Kattoua, qui organise régulièrement des opérations anti-Uber au centre-ville, a brièvement envahi la route menant au débarcadère de l'aéroport. Mais sous la pression d'un représentant des Métallos, ces manifestants ont rapidement libéré le chemin. «On ne fera rien d'illégal», a insisté le chauffeur Stanley Bastien, tentant de raisonner ce groupe de chauffeurs plus radicaux.

Les manifestants ont ensuite marché sur le trottoir devant l'aéroport. La tension a monté d'un cran lorsque M. Kattoua a vu une dame descendre d'un véhicule. Persuadé qu'il s'agissait d'une voiture UberX, le petit groupe a tenté d'encercler la voiture. Le représentant des Métallos est encore intervenu pour demander aux manifestants de se disperser.

La manifestation a duré environ une heure. Le service de taxi à l'aéroport a été brièvement perturbé. Une cinquantaine de personnes ont dû attendre pendant près de 30 minutes dans la file d'attente qui s'est formée dans l'aire d'attente. «Je ne sais pas qui est le génie qui a pensé à cette stratégie, mais je ne vois pas comment ces chauffeurs peuvent marquer des points contre Uber en pénalisant leurs clients», a déploré Gary Glass, un voyageur arrivé de Toronto.

Sophie, une autre voyageuse arrivée de Toronto, coincée dans la file d'attente, a dit avoir tenté de commander une voiture UberX, mais le service était inaccessible. «C'est un peu contradictoire, ce blocus. Les chauffeurs de taxi se plaignent de se faire voler leur clientèle par Uber, mais ils nous laissent en plan sans solution de rechange. Je ne comprends pas leur stratégie.»

Le ministre des Transports, Jacques Daoust, a annoncé la tenue d'une commission parlementaire sur l'industrie du taxi au cours des prochaines semaines. Le gouvernement entend y discuter de la légalisation d'Uber, qui est devenue «inévitable» selon le ministre.

Le Regroupement des travailleurs autonomes des Métallos reproche au gouvernement de plier l'échine devant «une multinationale qui cherche à imposer sa loi», selon le porte-parole Benoit Jugand.

Les chauffeurs sont en colère devant l'ouverture démontrée par le gouvernement face à Uber. «Le gouvernement Couillard n'a pas de couilles, lance Habib, un chauffeur de taxi qui participe à la manifestation. Nous sommes 20 000 travailleurs qui vivons de l'industrie du taxi. Uber nous fait une concurrence illégale, mais tout le monde s'en fout. La population s'en fout. Le gouvernement s'en fout. Mais je vous jure que ça ne passera pas.»

Abdel, propriétaire de taxi depuis 28 ans et père de quatre enfants, dit travailler 18 heures par jour pour joindre les deux bouts. «Mon taxi, c'est mon fonds de pension. Juste en assurances, ça me coûte 4000$ par année. Le gouvernement ne peut pas laisser Uber nous voler comme ça».

L'aéroport avait été choisi comme lieu de la manifestation parce que les chauffeurs de taxi et de limousines paient 2,5 millions par année pour y avoir l'exclusivité des transports. «Par son inaction, Aéroports de Montréal laisse Uber voler les chauffeurs de taxi», affirme M. Jugand.

Dans un communiqué, Aéroports de Montréal soutient qu'elle a toujours respecté la réglementation. «L'application Uber n'est pas disponible dans l'aérogare Montréal-Trudeau, peut-on lire dans le communiqué. ADM travaille en concertation avec le Bureau du Taxi de Montréal dans ce dossier et la Sûreté aéroportuaire assure une vigilance régulière, particulièrement sur les débarcadères.» L'organisme rappelle que «le bassin des taxis de l'aéroport est réservé exclusivement aux détenteurs d'un permis de taxi ou limousine.»