Deux personnes se seraient suicidées et des cas d'extorsion ont été recensés dans la foulée du dévoilement d'informations confidentielles provenant du site de rencontres extraconjugales Ashley Madison, a indiqué lundi la police de Toronto, qui n'a pas manqué de rappeler que des milliers de familles à travers le monde ont été ébranlées par la brèche informatique.

Les autorités ont refusé d'en dire plus sur les deux cas de suicide tant que les enquêtes policières en cours ne seront pas complétées. Mais des médias américains ont rapporté qu'un capitaine de police à San Antonio au Texas aurait commis l'irréparable après que son adresse courriel eut été associée au piratage du site.

En point de presse à Toronto, les autorités ont indiqué qu'une enquête policière internationale, à laquelle collaborent le département américain de la Sécurité intérieure et la police fédérale américaine, le FBI, a été lancée pour identifier et arrêter les pirates informatiques qui ont orchestré l'attaque.

«Ça n'a rien de drôle, c'est la réalité et ça nous affecte tous, a déclaré le surintendant de la police de Toronto, Bryce Evans, devant les médias. L'impact social de cette brèche... on parle de familles, d'enfants, d'épouses, de maris. Tout cela va avoir un impact sur le cours de leurs vies.»

M. Evans a ajouté que les responsables de la cyberattaque doivent savoir que leurs actions sont maintenant scrutées à la loupe et que leurs gestes ne resteront pas impunis.

«C'est le temps de vous réveiller, a-t-il dit en s'adressant directement aux pirates informatiques. Nous avons lancé une enquête sérieuse et nous avons invité tous nos collaborateurs à y participer.»

La police de Toronto a également lancé un appel à d'autres pirates informatiques pour qu'ils aident les autorités «puisqu'ils savent que [les pirates informatiques de] l'Impact Team a dépassé les bornes».

Le site internet Ashley Madison - dont le slogan est «La vie est courte. Tentez l'aventure.» («Life is short. Have an affair.») - facilite la mise en relation de personnes souhaitant avoir des relations extraconjugales.

Le site a été la cible d'une cyberattaque il y a un mois. Des pirates informatiques se sont emparés des données confidentielles des quelque 39 millions de membres de l'agence et ont menacé de les rendre publiques si le site n'était pas immédiatement fermé.

Puisque la société mère d'Ashley Madison, Avid Life Media, basée à Toronto, a refusé d'obtempérer, les données personnelles de millions d'utilisateurs du site à travers le monde ont été dévoilées la semaine dernière.

Selon les autorités, il s'agit de l'une des plus grandes brèches informatiques de l'histoire.

Une analyse de La Presse Canadienne a révélé que des centaines d'adresses courriel enregistrées sur le site appartiennent à des fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux à travers le Canada. Plusieurs agents de la Gendarmerie royale du Canada et des militaires auraient également fréquenté le site.

La police de Toronto a mentionné que les gestes posés par les pirates informatiques ont des conséquences sociales et économiques extrêmement néfastes.

«Les gestes posés par l'Impact Team vont avoir des impacts sociaux et économiques à long terme», estime M. Evans. «Et ils ont déjà engendré une série de nouveaux crimes.»

La police soutient en effet que des criminels ont utilisé le dévoilement de la liste des clients de l'agence pour faire chanter des utilisateurs du site Ashley Madison. Toute personne victime d'extorsion doit rapidement contacter les autorités policières, a précisé M. Evans.

Avid Life Media coopère avec les forces de l'ordre et offre une récompense de 500 000 $ pour toute information permettant d'identifier les cybercriminels qui ont orchestré l'attaque informatique.

De son côté, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a ouvert une enquête sur cette vaste affaire de piratage, puisque Avid Life Media est établie au Canada.

Parallèlement à l'enquête policière, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada mènera sa propre enquête conjointement avec son homologue australien et d'autres agences semblables à l'étranger, puisque le site comptait des clients un peu partout dans le monde.

Le commissariat canadien a déjà entamé des discussions avec l'entreprise pour déterminer comment une telle violation des données à caractère personnel a pu être possible, et ce qui est fait depuis pour colmater la fuite et renforcer la sécurité.

En raison des dispositions du droit relatif à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le commissaire ne commentera pas davantage cette affaire.