La loi devrait explicitement interdire à quiconque de se moquer de la religion, a soutenu jeudi un des leaders de la communauté musulmane du Québec, Salam Elmenyawi.

En commission parlementaire qui étudie le projet de loi 59 sur le discours haineux, le président du Conseil musulman de Montréal a tenu des propos qui ont fait sourciller les partis d'opposition, estimant que M. Elmenyawi cherchait en fait à brimer la liberté d'expression au Québec.

Il a plaidé pour que Québec adopte la ligne dure avec son projet de loi 59, affirmant qu'il pouvait tolérer qu'on l'insulte, lui, mais jamais qu'on insulte sa religion.

Le mémoire présenté par le Conseil musulman de Montréal exhorte Québec à inclure notamment dans son projet de loi «la prévention de la dérision et le dénigrement de toute religion et de ses personnalités».

Car la liberté d'expression ne devrait pas inclure le droit de tourner en dérision une religion, a insisté M. Elmenyawi, qui ne s'exprimait qu'en anglais. Ses propos étaient traduits en français par un interprète.

La députée caquiste de Montarville, Nathalie Roy, lui a fait remarquer que son discours allait totalement à l'encontre des Chartes des droits, québécoise et canadienne, qui garantissent à toute personne le droit de s'exprimer librement.

«Vous allez loin, a commenté Mme Roy. Si on ne peut pas se moquer, si on ne peut pas rire d'une religion, quelle qu'elle soit, ça va à l'encontre de notre liberté d'expression. Ca va très, très loin ce que vous demandez.»

Le leader musulman en a rajouté, en faisant valoir que lorsqu'on tourne en dérision l'islam, «vous vous moquez de moi, vous vous moquez de ma femme, vous vous moquez du prophète, de la mère du prophète».

Et il a dit que si une personne ose insulter la mère du prophète, «c'est comme si on insultait ma mère, ça me touche, moi, personnellement».

«Vous pouvez m'insulter, moi, mais n'insultez pas ma religion!», a lancé le leader musulman aux élus réunis dans le Salon rouge de l'Assemblée nationale.

Avec le projet de loi 59, Québec veut s'attaquer aux discours haineux ou incitant à la violence, de même que prévenir les crimes dits d'honneur et les mariages forcés de jeunes filles âgées de 16 ou 17 ans.

Le projet de loi consent également davantage de pouvoir d'enquête à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), lorsqu'elle jugera qu'un groupe ou une communauté peut faire l'objet d'un discours haineux.

Québec vise donc à protéger légalement la communauté musulmane, notamment, contre d'éventuelles attaques, mais le président du Conseil musulman de Montréal juge que le projet de loi devrait être encore plus répressif.

La députée péquiste Agnès Maltais est revenue quant à elle sur le fait que M. Elmenyawi avait dénoncé la motion votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en vue de contrer l'implantation au Québec de tribunaux dit islamiques, en 2005.

L'initiative provenait de l'ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin, qui cherchait ainsi à protéger les femmes musulmanes contre la charia, la loi islamique.

Jeudi, M. Elmenyawi a justifié son rejet de la motion en disant qu'il cherchait à éviter «la stigmatisation de la communauté musulmane» par l'Assemblée nationale, qui n'a pas agi de la même façon avec d'autres religions.

«Ma foi, ma religion, vous la dénigrez ainsi dans l'Assemblée nationale», a-t-il plaidé.