Alors que des experts et les autorités dénoncent les récents actes justiciers du collectif de pirates informatiques Anonymous, un des bénéficiaires de leur activisme est convaincu que justice n'aurait jamais pu être rendue pour la mort de sa fille sans leur participation.

Glen Canning, le père de Rehtaeh Parsons, a déclaré croire que les menaces d'Anonymous d'identifier publiquement les jeunes garçons qui ont prétendument cyberintimidé l'adolescente de la Nouvelle-Écosse, qui s'est par la suite suicidée, ont incité la police d'Halifax a rouvrir leur enquête, et éventuellement à porter des accusations.

M. Canning est persuadé que rien de tout cela ne serait arrivé si Anonymous ne s'était pas impliqué dans l'affaire.

Rehtaeh Parsons s'est suicidée en 2013, et ses proches soutiennent qu'elle ne pouvait plus supporter la cyberintimidation et les injures à la suite de la publication dans les médias sociaux des images de son viol, commis en novembre 2011.

M. Canning affirme que c'est une publication exaspérée de la mère de l'adolescente sur les réseaux sociaux qui a attiré l'attention d'Anonymous, une communauté peu structurée d'internautes activistes qui ciblent les gouvernements, les entreprises et les groupes religieux de la planète concernant les grands enjeux de justice sociale.

Le groupe a fait les manchettes le mois dernier quand l'un de ses membres présumés, James McIntyre, a été abattu par un agent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Dawson Creek, en Colombie-Britannique.

Anonymous a par la suite menacé de fermer des sites internet policiers et de rendre public un document secret sur les moyens de communication outre-mer du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Le site Internet national de la GRC et celui de Dawson Creek sont devenus inaccessibles peu après la menace. La GRC a par la suite expliqué qu'il s'agissait d'un problème de maintenance.

«Pourquoi passer par les tribunaux? Pourquoi passer par le système?, s'est questionné Glen Canning en entrevue téléphonique. Pourquoi être victimisés de nouveau quand [...] certaines personnes en ligne peuvent faire vraiment beaucoup plus que la police et les tribunaux pour nous procurer un sentiment de justice?»

Wayne MacKay, professeur de droit et expert en cyberintimidation de l'Université Dalhousie, à Halifax, croit qu'Anonymous a joué un rôle dans l'avancement de la cause de la justice, par exemple en stimulant les gouvernements à agir.

Aucun gouvernement ne concédera cependant publiquement avoir été influencé par les pressions du collectif de pirates informatiques, nuance-t-il.

Le professeur MacKay s'inquiète néanmoins du style d'activisme non orthodoxe d'Anonymous. «Même s'ils comblent une lacune de notre système de justice, est-ce que ça justifie d'enfreindre la loi?, se demande-t-il. Souvent, la réponse sera non.»

«Nous avons un système de justice structuré pour une raison et nous ne devrions pas nécessairement permettre une réaction de type justicier, même si nous estimons que le système de justice central fonctionne trop lentement», conclut-il.