La famille de Raif Badawi craint le pire: elle a appris dimanche que le blogueur saoudien pourrait désormais faire face à la peine de mort par décapitation.

Au téléphone, Raif Badawi et sa femme, Ensaf Haidar, se sont confirmés mutuellement avoir reçu la même nouvelle. La Cour suprême de l'Arabie saoudite aurait recommandé qu'on accuse le blogueur d'apostasie - abandon de la religion -, un crime puni par la décapitation en public.

«On ne sait pas pourquoi l'accusation a changé. On ne sait pas non plus si M. Badawi va devoir subir un autre procès ou si on changera simplement la peine», a laissé tomber en entrevue Mireille Elchacar, coordonnatrice du groupe de Sherbrooke d'Amnistie internationale.

Dans la ville estrienne où la famille du blogueur s'est réfugiée, le doute alimente la peur. «Sa femme est complètement découragée. Après toute cette campagne, tous les efforts, elle se dit que ça ne se peut pas qu'il y ait un tel recul», a commenté Mme Elchacar. «On est extrêmement inquiets.»

Ni Raif Badawi ni Ensaf Haidar n'ont reçu d'explication pour ce revirement de situation. «Tout est possible avec le système de justice saoudienne», s'est désolée Mireille Elchacar. «C'est un fonctionnement assez opaque. Quand la peine est passée de 600 à 1000 coups de fouet, par exemple, on n'avait pas eu de preuves supplémentaires.»

Raif Badawi a d'abord été accusé d'apostasie en 2012. Cette accusation, qui revient à reprocher à une personne d'avoir renoncé à sa religion, a ensuite été retirée, parce que non adéquate au cas de M. Badawi. La Cour criminelle a donc poursuivi le blogueur pour insulte à l'islam et atteinte à la réputation. À ce jour, Raif Badawi fait face à une peine de 10 ans de prison accompagnée d'une sanction de 1000 coups de fouet.

Harper invité à en faire plus

Devant la possibilité d'un nouveau châtiment, Mireille Elchacar a appelé le gouvernement canadien à combiner ses efforts à ceux d'Amnistie internationale. «Nous sommes contents que le gouvernement Harper ait enfin dénoncé la situation, mais nous lui demandons d'intensifier les démarches diplomatiques», a-t-elle déclaré. «Nous souhaitons aussi qu'il nous informe de ses démarches, afin que l'on ait une stratégie concertée.»

Selon la porte-parole, le Canada a une obligation morale d'agir, car il est signataire de la convention contre la torture des Nations unies. D'autant plus que la situation deviendra «urgente» si la nouvelle nature des accusations s'avère.

«Nous observons une recrudescence de cas de peines de mort. Les décapitations sont assez fréquentes sur la place publique en Arabie saoudite», a-t-elle affirmé.

Le ministère des Affaires étrangères du Canada n'a pas été en mesure de commenter l'affaire, dimanche.