Malgré 37 arrestations et des chefs d'accusation de fraude, de complot et même de gangstérisme, l'enquête policière à Laval, baptisée Honorer, est loin d'être terminée. Un troisième volet a été ouvert concernant la vente de terrains sous l'administration de l'ancien maire Gilles Vaillancourt, avec à la clé la trace de plusieurs dizaines de millions de dollars dissimulés à l'étranger, a appris La Presse.

Au coeur de l'enquête se trouvent des transactions immobilières réalisées à des fins industrielles, la vente de terrains à des promoteurs immobiliers, ainsi qu'à des individus. Selon les informations recueillies notamment auprès de sources policières, plusieurs éléments de ces ventes soulèvent des doutes en ce qui a trait entre autres aux changements de zonage qui y sont associés, à la complaisance de certains notaires ainsi qu'aux avantages pécuniaires qui auraient pu être retirés à intervenir dans certaines transactions en échange d'une baisse de prix, par exemple.

Des fonds à l'étranger

Les différents stratagèmes auraient généré plusieurs dizaines de millions de dollars. Les sommes évoquées par différentes sources proches du dossier laissent entrevoir la démesure du système mis en place à Laval.

L'implication du crime organisé dans les transactions immobilières, mais également dans le transfert de fonds outre-frontières fait partie des pistes suivies par les enquêteurs. Des avocats auraient également facilité le dépôt d'importantes sommes d'argent dans des banques de la Suisse, du Luxembourg, d'Aruba et des Îles Jersey.

À cet égard, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) travaillent en étroite collaboration. Comme l'avait mentionné le commissaire Robert Lafrenière de l'UPAC lors de l'arrestation de Gilles Vaillancourt en mai dernier, la police s'emploie à suivre «la route de l'argent» afin d'en récupérer le plus possible.

Enveloppes, ristournes et terrains

L'enquête Honorer a commencé en 2010. La distribution d'enveloppes à des candidats aux élections provinciales a été le déclencheur. Rapidement, les policiers de l'escouade Marteau de l'UPAC ont déblayé un autre terrain, soit celui de la manipulation des contrats municipaux, qui étaient répartis entre concurrents en échange de redevances de 2%.

Lors de la frappe policière de mai dernier, inédite par son ampleur, le «système Vaillancourt» a été présenté comme une organisation criminelle. Du coup, Gilles Vaillancourt en est la tête dirigeante présumée, appuyé en cela par l'ancien directeur général de la Ville, Claude Asselin, et l'ex-directeur du service d'ingénierie lavallois, Claude Deguise.

Le troisième volet de l'enquête concernant le secteur immobilier n'était pas connu jusqu'à présent. Lundi dernier, l'UPAC s'est rendue dans les bureaux de Laval Technopole. La démarche faisait suite à des articles de La Presse sur la mainmise de Gilles Vaillancourt sur les transactions immobilières menées par le bras économique de la Ville, Laval Technopole.

L'enquête policière pourrait entraîner d'autres arrestations, une possibilité que n'écartait pas l'UPAC il y a déjà plus de deux mois.

Pour l'instant, ce sont 37 personnes qui ont été arrêtées et accusées. Outre M. Vaillancourt et ses proches collaborateurs à la mairie, il y a des facilitateurs, soit des avocats et notaires comme Jean Bertrand, Pierre Lambert ou Jean Gauthier, ainsi que des ingénieurs et des entrepreneurs comme Tony Accurso, trois membres de la famille Mergl et Valmont Nadon. Tous les accusés devront comparaître en personne le 1er octobre devant la cour. C'est à ce moment que l'ensemble de la preuve leur sera transmis afin de se préparer au mégaprocès qui suivra.

De son côté, la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, communément appelée commission Charbonneau, a commencé à s'intéresser aux transactions immobilières à Laval durant ses audiences publiques de juin dernier. Ses travaux reprendront le 3 septembre.