Le principal service québécois d'aide aux proches de personnes prises entre les griffes de sectes est débordé d'appels liés à la fin du monde, que les Mayas ont prétendument annoncée pour le 21 décembre.

«Depuis les 32 dernières années à Info-Secte, j'entends parler de prédictions sur l'imminence de la fin du monde», affirme Mike Kropveld, président de l'organisme, dans son dernier bulletin d'information. «Cette fois-ci, c'est encore plus effrayant.»

M. Kropveld assure que «c'est la première fois» que les appels sont aussi nombreux, notamment de la part de parents qui s'inquiètent pour des membres de leur famille.

Des professeurs ont aussi joint M. Kropveld afin de pouvoir répondre efficacement aux questionnements de certains élèves. «Ils sont conscients que ça inquiète certains de leurs élèves», a-t-il expliqué.

Un moyen de fidélisation

«La fin du monde, c'est un sujet qui existe dans les croyances de plusieurs mouvements, mais ils n'ont pas nécessairement de date précise», relate le président d'Info-Secte. Tout le battage autour de la date du 21 décembre fournit un moment précis à ceux qui croient à son imminence.

Mike Kropveld explique que la popularité de cette croyance tient notamment à son utilité pour les gourous en tout genre. Il s'agirait d'un excellent moyen de fidéliser des adeptes en leur inspirant un «sens d'urgence».

«Si je vous dis que dans 200 ans, il y aura la fin du monde, est-ce que ça va vous préoccuper? Et si je vous dis que ça va arriver bientôt et que vous avez une chance d'être protégé? a-t-il dit. Ça encourage les gens à appartenir [à une secte] pour être sauvés.»

Des gens vulnérables

Serge Larivée, professeur en psychoéducation de l'Université de Montréal, souligne d'ailleurs que les membres de sectes sont toujours plus disposés à croire à ce type de fabulations. «Ce sont habituellement des gens qui sont faibles, qui vivent des choses difficiles, qui ont besoin d'être entourés, affirme le professeur en entrevue téléphonique. C'est toujours plus facile de croire que de réfléchir.»

De plus, pour les gourous, il s'agit d'un bon moyen de faire des profits.

«Il peut y avoir des séminaires, des voyages» offerts aux membres de sectes pour se préparer, a pu constater Mike Kropveld au cours de ses enquêtes. Et si la fin du monde est de toute façon inévitable et rapprochée, à quoi peut bien servir l'argent? «Ils vont dire que c'est mieux de l'investir dans quelque chose» qui peut aider à sauver des individus, explique l'expert du mouvement sectaire.

Dès aujourd'hui, l'atterrissage pourrait être douloureux pour tous ceux qui ont cru que leur dernière heure était venue.

Selon M. Larivée, ils pourraient bien se retrouver en situation de «dissonance cognitive». C'est ce qui se produit quand le cerveau entre en contradiction profonde avec lui-même.

«Il n'y aura pas de fin du monde. Et ce qui est intéressant, c'est de voir comment vont réagir les gens qui y ont cru, affirme le professeur. Le cerveau a besoin de cohérence pour fonctionner.»

Il prévoit que ces individus trouveront mille et une raisons pour expliquer que rien ne s'est produit.

«On a prié très fort et Dieu nous a sauvés» ou encore «ce n'était pas la fin du monde matériel et on est maintenant dans une nouvelle ère plus spirituelle» risquent de se retrouver parmi les excuses les plus populaires, selon lui.

«Quand le cerveau est pris en flagrante contradiction, il doit retomber sur ses pattes.»