L'État devrait-il percevoir lui-même les contributions financières des particuliers pour les reverser ensuite aux partis politiques? La question est évoquée ces jours-ci, alors que les sources du financement des partis politiques municipaux et provinciaux sont questionnées. En entretien avec La Presse, le Directeur général des élections du Québec, Marcel Blanchet, accueille cette option avec intérêt, mais rappelle que c'est l'Assemblée nationale, donc les partis eux-mêmes, qui détient le pouvoir d'innover en la matière.

Q: M. Blanchet, y a-t-il des trous dans la loi en ce qui a trait au financement des partis politiques?

R: Dans un rapport rendu public en 2007, on a proposé des mesures pour contrôler le financement des campagnes à la chefferie. On a recommandé l'abolition des dons anonymes. Selon moi, c'est du financement clandestin et, nous dit-on, peut-être une partie importante du financement politique. On veut savoir qui finance les partis. Certaines entreprises, semble-t-il, donneraient de l'argent à leurs employés pour qu'ils puissent contribuer officiellement au financement d'un parti.

 

Q: Que proposez-vous pour y remédier?

R: Nous proposons une nouvelle façon. Le DGEQ émettrait lui-même l'équivalent des reçus d'impôts qu'on appelait auparavant des crédits à la démocratie. Cela remplacerait le type de contribution qu'on connaît actuellement. Le DGEQ aurait ainsi l'information adéquate sur ceux qui contribuent et pourrait éventuellement faire la preuve de ceux qui ne respectent pas la loi.

Q: Dans une démocratie dynamique, on doit s'assurer que les partis ont les moyens de fonctionner pour présenter leurs idées. Si les citoyens ne donnaient pas directement l'argent aux partis, mais plutôt au DGEQ, et que vous le redistribuiez par la suite à ces partis, ne résoudrait-on pas le problème qui existe actuellement?

R: C'est intéressant, mais tout le monde n'est pas pour la vertu. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de donateurs intéressés à contribuer anonymement car, finalement, les partis ne sauraient pas qui a contribué.

Q: Comme société, ne devrait-on pas d'abord et avant tout faire en sorte que le financement des partis soit assuré?

R: C'était une recommandation du juge Jean Moisan en 2006. À ma demande, il avait enquêté sur certaines déclarations faites dans le cadre de la commission Gomery. Il avait vérifié des contributions versées par une société à des partis politiques québécois. Il recommandait dans son rapport que les entreprises puissent financer des partis au moyen de contributions versées directement au DGEQ qui, lui, les redistribuerait, selon une règle à établir, entre les différents partis. Cette suggestion avait déjà été faite par mon prédécesseur, Pierre F. Côté. Mais les partis présents dans notre groupe de réflexion ont rejeté cette proposition et ont préféré s'en tenir à la règle actuelle.

Q: Mais n'est-ce pas au DGEQ ou au gouvernement de régler ce problème qui perdure depuis des années?

R: Au bout du compte, la loi doit être adoptée par le Parlement. Et le Parlement... ce sont les partis politiques qui sont là.

Q: Alors, se dirige-t-on vers une impasse?

R: Le comité consultatif composé des partis politiques et du DGEQ va faire des recommandations pour améliorer la loi électorale. Le ministre Claude Béchard est membre de ce comité et un projet de loi est en préparation.

Q: Cette année, avec toutes ces enquêtes et vérifications du DGEQ, avez-vous atteint un record d'activité?

R: Non. Ça avait aussi beaucoup brassé en 2005. Toutes les municipalités du Québec ne sont pas assujetties à des règles de financement. Seulement les 173 villes de 5000 habitants et plus le sont. Toutes les autres (942 villes) ne sont assujetties à aucune règle. Ça fait des années que je recommande qu'elles le soient.

Q: Pourquoi ne le sont-elles pas?

R: Il faudrait demander au milieu municipal, auprès duquel je fais régulièrement cette demande.

Q: De combien d'enquêteurs disposez-vous pour fonctionner?

R: On a cinq enquêteurs et cinq agents vérificateurs sur une équipe d'environ 200 personnes. Et un budget de 25 millions environ.

Q: Pensez-vous avoir les moyens d'accomplir votre mission et d'aller au fond des choses?

R: Oui, dans la mesure où l'on a une preuve suffisante. Avec les événements des derniers jours, des sources anonymes ont révélé un tas de choses, mais quand vient le temps de savoir qui sont ces sources, on n'est pas capables de le savoir. Les médias ne dévoilent pas leurs sources.

Q: Et ces sources n'entrent pas en contact vous?

R: C'est ce qu'on dit aux médias, dites à vos sources ne nous joindre pour qu'on puisse voir ce qu'il en est et vérifier ce qui est allégué.

Q: Le rôle du DGEQ est-il donc limité?

R: Malgré toutes les déclarations dans les médias, on a de la difficulté à intervenir. Mettre fin aux déviances est un objectif qu'il faut continuer de chercher à atteindre. La loi sur le financement des partis existe depuis 1977. Au départ, j'espère bien qu'elle était respectée mais, au fil des 30 dernières années, on comprend qu'il y en a qui ont trouvé de multiples moyens de la contourner. On est rendu à l'étape de voir comment on pourrait colmater les brèches. Tous les partis politiques qui participent au comité consultatif sont très ouverts à ça. Ce qui se passe actuellement, même si c'est bien malheureux, ça va nous permettre d'accélérer le processus pour assurer un meilleur contrôle du financement des partis politiques. Et on compte sur les citoyens qui vont avoir la gentillesse de venir nous voir pour dénoncer des situations.

Pour joindre notre journaliste: eric.clement@lapresse.ca