Une sexagénaire frêle, à la voix douce, assignée à résidence dans une maison qui tombe en ruines. De l'extérieur, Aung San Suu Kyi a l'air inoffensive. Ce n'est cependant pas l'avis de la junte militaire, qui l'accuse d'ensorceler la population birmane et qui, pour cette raison, la surnomme «la sorcière de la démocratie».

L'histoire de la leader de l'opposition birmane, née à Rangoon en juin 1945, n'a pourtant rien d'un conte de fées.

Aung San Suu Kyi n'a que 2 ans quand son père, Aung San, est assassiné après avoir joué un rôle central dans la bataille pour arracher l'indépendance de la Birmanie à la Grande-Bretagne.

 

Élevée dans la capitale birmane, la jeune femme quitte son pays au milieu de l'adolescence pour accompagner sa mère, nommée ambassadrice en Inde. Elle y étudie les sciences politiques et se dit toujours inspirée aujourd'hui par la pensée de Gandhi, à qui elle est souvent comparée.

Dans les années 60, elle termine ses études à la prestigieuse université d'Oxford. C'est là qu'elle rencontre son mari, Michael Aris, avec qui elle a eu deux enfants.

Dans les années qui suivent, elle travaille au sein de plusieurs organismes internationaux, dont les Nations unies. Peu engagée dans la politique de son pays à l'époque, elle écrit néanmoins dans une lettre à son mari qu'elle n'hésiterait pas à tout mettre de côté si un jour le peuple birman l'appelait à l'aide.

Cet appel arrive en 1988. Rentrée au pays pour s'occuper de sa mère malade, Aung San Suu Kyi assiste alors à des soulèvements populaires contre la junte militaire. Elle se lance dans la mêlée. Elle vient tout juste d'être nommée à la tête de la Ligue nationale pour la démocratie quand une vague de répression militaire fait disparaître plus de 2000 personnes. Aung San Suu Kyi devient alors le visage de la résistance birmane.

Quelques mois plus tard, la militante politique est arrêtée pour la première fois et confinée entre quatre murs chez sa mère. Elle est toujours détenue quand, en 1990, elle obtient 82% des voix lors d'une élection. La junte ne lui concède jamais le pouvoir.

Depuis, celle qu'on appelle «la dame de Rangoon» a continué à se battre pacifiquement pour la démocratie, tantôt derrière les barreaux, tantôt en assignation à résidence. Libérée pendant de courtes périodes, elle a toujours refusé de quitter son pays, de peur de ne jamais pouvoir y retourner. Quand son mari est mort du cancer, en 1999, elle n'a pu être à son chevet. «Elle sait que sa présence est une police d'assurance pour la population birmane», explique Micheline Lévesque, de l'organisation Droits et démocratie, qui s'est à plusieurs reprises entretenue avec Aung San Suu Kyi. «Sans elle, la junte militaire en profiterait pour enterrer le mouvement en faveur de la démocratie.»