À la veille de la Semaine québécoise des familles, La Presse vous raconte une soirée pas tout à fait comme les autres pour des ados pas si différents des autres.

Un samedi soir du mois dernier, marqué de plusieurs traits dans bien des calendriers. Pour cause: c'est LA soirée annuelle du Papillon Rock Café, une fête pour ados.

 

Il est 19h. Les premiers fêtards sont déjà arrivés. Personne ne s'est encore aventuré sur la piste de danse. Mais il y a de l'ambiance: ça bavarde ici, ça rigole là. Un début de soirée bien ordinaire, quoi.

Non, pas ordinaire. Car ces jeunes ne sont pas tout à fait comme les autres: la plupart ont du mal à s'exprimer; plusieurs communiquent à l'aide de tableaux installés sur des plateaux; tous, ou presque, sont en fauteuil roulant; certains le déplacent à l'aide d'une manette située à la portée de la main; quant à ceux qui n'ont pas la maîtrise de leurs mains, ils font avancer leur fauteuil à l'aide d'une manette au niveau du menton.

Mais même si le visiteur non averti pourrait être surpris (apitoyé?) par le tableau, manifestement, l'ambiance est à la fête. Les jeunes sont là pour s'amuser, point. Plusieurs se sont d'ailleurs habillés chic pour la soirée: ici, une jeune fille s'est fait peindre les ongles en mauve, là, un garçon a enfilé une belle chemise propre. Les souliers brillants, hauts sans manches et autres décollés sont de mise.

Émilie Forest, 13 ans, arrive en applaudissant, le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Son sourire ne la quittera pas de la soirée. Et ses applaudissements retentiront souvent. Car malgré sa paralysie cérébrale, elle a «parlé» de la soirée toute la journée, confie sa mère, Sophie Grenier, en la déposant avant de filer souper avec son amoureux. «Émilie aime beaucoup ses amis. Pour dire «amis», elle fait des becs. Et aujourd'hui, elle a fait des becs toute la journée.»

«C'est un moment de liberté et d'amusement que je n'ai pas autrement», confie à son tour Julie de l'Étoile Lapointe, 20 ans, souriante et chic comme une reine.

C'est d'ailleurs précisément l'objectif de la soirée. Offrir à ces jeunes une vraie activité sociale, en toute légèreté. «Nous, si on veut sortir, on sort, explique Chantale Théroux, directrice des relations communautaires de la Société pour les enfants handicapés du Québec et instigatrice du projet. Mais pour eux, c'est toujours plus compliqué: il faut réserver le transport adapté 48 heures à l'avance, et souvent, ils ont besoin d'un parent.» Bref, les choses sont rarement spontanées.

Sauf ici. Une fois dans l'année, grâce au Papillon Rock Café, tout est conçu pour ces jeunes. Au besoin, leur transport est assuré. Surtout: les parents ne sont pas invités. «On voulait leur permettre de vivre ce que tout ado peut vivre», résume Chantale Théroux. Bref, un minimum d'intimité.

Les jeunes peuvent donc inviter leurs amis, handicapés ou non. C'est le cas de Guillaume Boisvert Goyette, 14 ans, qui arrive dans son fauteuil, poussé par Marianne Laplante, 17 ans, une amie. «Je trouve que c'est une bonne idée de faire ça pour eux, dit la jeune fille. Ils se sentent valorisés. Ils se sentent comme tout le monde.» Elle passera d'ailleurs toute la soirée à danser avec le garçon en le tenant par les mains pour faire tourner et tourner encore son fauteuil.

C'est aussi la technique utilisée par plusieurs responsables de la Société, présents pour animer la soirée. Certains choisiront de prendre carrément les jeunes dans leurs bras pour les faire danser. «Ce sont des beaux moments pour eux, confie Catherine Gaudreault, une responsable de la résidence Papillon, le centre de répit de la Société. Parce que, au-delà de la musique, ce qui est bon pour eux, c'est de sortir de leur fauteuil.» Une chose plutôt rare dans le quotidien de leurs journées. Et à les voir ainsi s'abandonner et rire aux éclats, c'est clair: ils aiment ça.