Cet automne, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec présentera un nouveau plan d'action sur les saines habitudes de vie. Un chapitre complet sera consacré à l'offre alimentaire présentée aux visiteurs dans les hôpitaux. Aucune mesure touchant les repas servis aux patients n'est toutefois prévue, a appris La Presse.

De l'aveu même de la coordonnatrice du Plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie du MSSS, Lyne Mongeau, le plan «touchera principalement la nourriture servie à la cafétéria de l'hôpital», car «on ne peut pas se concentrer sur les patients».

«Ce n'est pas le job du Ministère de faire les cahiers de diète des patients, dit Mme Mongeau. Dans chaque hôpital, des diététistes veillent à ça.»

Les intervenants du milieu de la santé sont d'un tout autre avis. Plusieurs aimeraient que le MSSS se dote d'une politique alimentaire touchant les patients. Car actuellement, aucune directive n'est établie.

«Il n'y a pas de politique alimentaire pour les établissements de santé. Les grands hôpitaux ont des diététistes qui respectent les règles de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec (OPDQ). Mais il n'y a aucune règle générale à respecter», explique Denise Ouellet, professeure au département des sciences des aliments et de nutrition de l'Université Laval.

La plupart des hôpitaux visités par La Presse' au cours de l'été respectent les règles élémentaires d'une bonne alimentation. Cependant, seuls quelques établissements ont une politique locale d'alimentation.

Président de l'OPDQ, Michel Sanscartier croit qu'une politique nutritionnelle provinciale permettrait de «s'assurer que le minimum des apports nutritionnels des patients soit atteint».

Une politique alimentaire plus sévère pourrait également obliger tous les établissements de santé du Québec à engager un certain nombre de diététistes. «Un ratio idéal diététiste-patient pourrait également être établi en fonction du type d'établissement», ajoute M. Sanscartier.

Actuellement, le nombre de diététistes-patients varie grandement d'un établissement à l'autre. Une enquête non exhaustive de La Presse montre que certains hôpitaux de la grande région de Montréal ont une diététiste pour 32 lits (Charles-LeMoyne et CHUM) ou même une pour 20 lits (Centre universitaire de santé McGill). En comparaison, l'hôpital du Lakeshore n'a qu'une diététiste pour 95 lits et l'Hôpital général juif, une pour 71 lits.

Certains centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) «n'ont même pas de diététiste dans leurs murs car rien ne les force à en engager une», témoigne Mme Ouellet. Ces CHSLD préparent leurs repas en ayant le Guide alimentaire canadien comme seul repère.

«Le Guide alimentaire est très vaste. Un fish and chips, ça respecte le guide. Mais est-ce un repas équilibré? Non! Même chose pour la pizza», dit Mme Ouellet.

«Le Guide alimentaire n'est pas le bon outil. Il s'adresse à la population en santé. Pas aux gens âgés, dont environ 97% ont besoin d'une intervention nutritionnelle particulière», ajoute M. Sanscartier.

Cet automne, l'OPDQ rencontrera le gouvernement pour discuter de l'adoption possible d'une politique alimentaire provinciale qui touche les hôpitaux. «Nous allons discuter de nos préoccupations», annonce M. Sanscartier.

Assistance aux repas

Outre les budgets alloués aux repas et le ratio diététiste-patients, M. Sanscartier pourrait aborder le problème de l'assistance aux repas.

Chez les personnes âgées, le fait d'être accompagné ou non durant les repas influence directement la quantité de nourriture ingérée. «Dans un monde idéal, le temps accordé à l'assistance aux repas devrait être de 20 à 30 minutes par personne complètement dépendante, dit Mme Ouellet. Présentement, on leur accorde entre cinq et 10 minutes.»

Selon différentes enquêtes, plus de 75% des personnes âgées hébergées souffrent de dénutrition. La quantité de nourriture qu'ils ingèrent est donc primordiale.

Comme l'explique M. Sanscartier, plusieurs facteurs influe sur la quantité de nourriture qu'une personne ingère en un seul repas. «La couleur de l'assiette, l'atmosphère, le décorum et l'accompagnement jouent tous un rôle. Une politique alimentaire pourrait établir les meilleures pratiques dans ce domaine. Les CHSLD pourraient ensuite devoir respecter ces règles pour diminuer la dénutrition chez les aînés», explique M. Sanscartier. Pour plusieurs raisons, il nous faut une politique.»