Plus de 60% des médecins spécialistes du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) croient que le nouveau CHUM ne sera pas prêt avant 2017. Et 54% n'ont carrément plus confiance dans le projet. Pourquoi? Parce que le «produit final n'est pas approprié» selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), qui a tiré à boulets rouges, hier, sur le futur CHUM. Les médecins craignent notamment que la promesse de construire l'hôpital en un seul site ne soit pas tenue.

«Le dossier du CHUM a été maintenu dans l'obscurité la plus hermétique au cours des dernières années. On commence tout juste à avoir de l'information et les éléments qu'on apprend nous inquiètent», a affirmé le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette.

Le mois dernier, la firme Ipsos Descaries a sondé les médecins spécialistes du CHUM pour connaître leurs craintes par rapport au projet de futur hôpital universitaire.

Le sondage montre entre autres que les spécialistes craignent que le nouveau CHUM ne soit pas construit sur un site unique. Au départ, les activités du CHUM devaient être concentrées sur le site de l'actuel hôpital Saint-Luc. L'hôpital Notre-Dame devait être transformé en hôpital de quartier. «Mais on a appris que certaines activités universitaires pourraient être maintenues à Notre-Dame. Les médecins ne veulent pas ça», dit le Dr Barrette.

Le président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CHUM, le Dr Pierre Aslanian, est du même avis. «On soupçonne qu'on demandera à certains médecins du CHUM d'aller donner un coup de main à Notre-Dame. La pratique sur deux sites est un irritant majeur pour les médecins et les patients», dit-il.

Le président du conseil d'administration du CHUM, Me Patrick Molinari, assure qu'il n'en est rien. «Nous n'obligerons pas les médecins à travailler sur deux sites», dit-il.

Mais les craintes des spécialistes vont plus loin. Ils prévoient que le nouveau CHUM ne sera pas assez gros. «Au moins 95% de nos membres veulent que le futur hôpital ait plus de 700 lits. Or le projet en prévoit 700», note le Dr Barrette. Me Molinari, assure que la taille du futur CHUM est appropriée. «L'hôpital sera optimal pour les 20 prochaines années selon nos projections», dit-il.

La FMSQ réplique que la pérennité du CHUM n'est pas assurée. «Le CHUM doit pouvoir grossir, une chose qui ne sera pas possible au centre-ville de Montréal, où il manque de terrain», dit le Dr Barrette. Me Molinari croit au contraire que si jamais le CHUM doit grossir, il sera possible d'exproprier d'autres terrains au centre-ville. «Combien ça coûtera? Beaucoup plus que si on avait déjà le terrain», soutient le Dr Barrette.

Même s'il se défend de vouloir faire renaître le débat sur la localisation du futur CHUM, le Dr Barrette reconnaît que des sites comme la gare de triage d'Outremont seraient plus avantageux. Dans le sondage Ipsos Descaries, 58% des répondants croient que le site choisi pour le futur CHUM, le 100, Saint-Denis, n'est pas approprié, et 47% croient qu'Outremont serait le meilleur emplacement.

Me Molinari n'est pas de cet avis. «Au moment où on est rendu, avec tout l'argent et le travail qui a été fait, on ne peut pas me convaincre que si on change de localisation, il n'y aura pas des tonnes de délais et de coûts supplémentaires», dit Me Molinari.

Selon le Dr Barrette, un «manque d'enthousiasme» entoure le projet du CHUM et il est temps que le gouvernement «prenne une pause» pour «peaufiner le dossier du CHUM».

La sortie de la FMSQ n'a pas tardé à faire des vagues, hier. Le porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Bernard Drainville, croit le nouveau ministre de la Santé, Yves Bolduc, doit prouver une fois pour toutes que son gouvernement a fait le bon choix en décidant d'installer le futur CHUM au centre-ville de Montréal.

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Éric Caire, a soutenu que le ministre de la Santé doit agir rapidement. «Toutes les organisations et les groupes les uns après les autres tournent le dos au projet», dit-il.

Le ministre Bolduc s'est contenté de dire par voie de communiqué qu'il rencontrera le président de la FMSQ sous peu.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard