L'heure est grave pour l'industrie montréalaise du tourisme. La métropole prévoit accueillir 50 000 voyageurs américains de moins que l'an dernier, une diminution qui s'ajoute aux pertes constantes enregistrées depuis sept ans.

«En quatre ans, nous avons perdu 20% de nos touristes en provenance des États-Unis», résume le président-directeur général de Tourisme Montréal, Charles Lapointe.

En juin seulement, 20 000 personnes de moins que l'an dernier ont traversé la frontière aux postes de Lacolle, Saint-Armand et Stanstead, selon les données de l'Agence des services frontaliers du Canada. Cela représente une réduction de l'achalandage d'environ 10%.

La métropole serait victime cette année de l'état moribond de l'économie américaine, du coût de l'essence, de la confusion entourant la nécessité d'avoir un passeport pour passer les frontières et du 400e anniversaire de Québec.

«De nombreuses personnes qui auraient été tentées de venir à Montréal ont plutôt choisi Québec», explique le président de l'Association de l'industrie touristique du Canada (AITC) Randy Williams. «De tous les marchés, Québec est le seul endroit où les choses vont bien.»

Pour tenter de freiner la chute, Tourisme Montréal a investi 20 millions en 2008 dans de nouvelles stratégies de marketing. L'organisme a notamment procédé à l'achat d'espaces publicitaires dans des magazines comme Vogue, GQ et Vanity Fair. «C'est évident que ça ne corrigera pas la courbe, mais on parviendra peut-être à l'atténuer un peu», espère M. Lapointe.

«C'est grave, parce que ce sont 50 000 personnes qui n'iront pas manger dans les restaurants et acheter dans les commerces du Vieux-Montréal et du centre-ville, mais nous sommes déterminés à remédier à la situation».

Au bord du précipice

La situation dans l'ensemble du Canada est plus sombre encore qu'à Montréal. Déjà durement touché par la défection des voyageurs américains depuis 2001, le secteur du tourisme au pays pourrait faire face cette année à son plus difficile épisode en plus de 35 ans.

«Depuis sept ans, les choses vont de mal en pis», explique le président de l'AITC, Randy Williams. «En termes clairs, l'industrie canadienne du tourisme est au bord du précipice.»

Seule exception au tableau : la ville de Québec, qui célèbre cette année les 400 ans de sa fondation. «Dans toutes les autres grandes villes, on enregistre une chute considérable du nombre de touristes en provenance des États-Unis depuis 2001. Cette année à Québec avec le 400e, on l'a stoppée. C'est déjà un tour de force», affirme le porte-parole de l'Office du tourisme de Québec, Daniel Gagnon.

L'organisme prévoit pour 2008 une hausse de la fréquentation hôtelière d'environ 12 %, ce qui est « énorme » compte tenu de la situation, selon M. Gagnon.

Ce sont surtout les touristes américains qui effectuent des voyages de moins de 24 heures au Canada qui ont déserté le pays. En sept ans, une baisse de 68,3% du nombre de voyages d'un jour faits au Canada par des Américains a été enregistrée.

«On a blâmé beaucoup de choses comme le 11 septembre, la pneumonie atypique (SRAS), la confusion entourant le passeport, la parité du dollar et tout plein de trucs, remarque M. Williams. La réalité, c'est qu'on n'arrive pas à renverser la tendance.»

Malgré l'absence des Américains, tous les autres marchés sont en croissance, avance M. Williams. L'industrie canadienne connaîtrait une légère croissance de 2%. «Mais quand on se compare, on se désole. Le reste de la planète connaît une croissance de 6 ou 7%.»