Des agents frontaliers canadiens fournissent des informations personnelles aux ambassades sur les immigrants réclamant l'asile au pays, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne auprès de diplomates étrangers.

Le directeur des affaires consulaires et politiques à l'ambassade de la République tchèque à Ottawa a ainsi confié avoir reçu plusieurs télécopies de l'Agence des services frontaliers du Canada lui fournissant le prénom, le nom et la date de naissance de citoyens tchèques réclamant le statut de réfugié au Canada.

Karel Hejc s'en est étonné et a écrit à l'agence. Bien que le diplomate assure que la République tchèque ne persécute pas ses citoyens, il a dit croire que de telles informations n'auraient pas dû se retrouver entre ses mains. Certains gouvernements étrangers pourraient être moins scrupuleux, selon M. Hejc.

Il semble que ce soit également le cas dans d'autres ambassades, même si aucun autre diplomate n'a voulu le confirmer.

«Je crois simplement, qu'en vertu de la Convention relative au statut des réfugiés, nous ne devrions pas fournir des renseignements personnels sur des demandeurs d'asile de la République tchèque», a-t-il confié.

M. Hejc et d'autres membres de l'ambassade ont rencontré jeudi des responsables du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Une porte-parole du ministère a indiqué que lorsqu'il s'agit de contacter une ambassade à propos de ses ressortissants, chaque cas est évalué à la pièce.

Karen Shadd a ajouté que les autorités ne donneraient jamais d'information à une ambassade sur un immigrant réclamant l'asile au pays, étant donné que souvent, ces gens sont en situation de danger dans leur pays d'origine.

Un avocat spécialisé dans les questions d'immigration s'est également inquiété de la situation. Lorne Waldman a souligné que les services frontaliers avaient le droit de vérifier l'identité de toute personne désirant entrer au pays. «Mais il doit y avoir des directives claires, et il n'y en a pas, à ce que je sache», a-t-il affirmé.

Tant l'Agence des services frontaliers du Canada que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ont soutenu que de telles directives existaient, mais n'ont pas voulu préciser pour des raisons de sécurité.

Me Waldman faisait partie de l'équipe d'avocats de Maher Arar, ce Canadien torturé dans une prison syrienne en vertu de fausses accusations de terrorisme. Il a dit croire que la discrétion laissée à l'Agence des services frontaliers sur les cas de demandes d'asile soulevait des craintes majeures au plan de la sécurité.

«Je suis au courant de cas où des enquêtes entreprises par le gouvernement canadien en Inde avaient eu comme conséquence la torture de certaines personnes, a révélé Me Waldman. S'il y a de tels risques, nous devrions trouver d'autres moyens de vérifier des informations.»