Mes incursions jusqu’à l’extrémité orientale de Montréal se comptent sur les doigts d’une main. La dernière remonte au tragique dernier passage de la baleine, aperçue à Pointe-aux-Trembles, en 2020. Ce fut l’occasion de découvrir des rives charmantes et, grâce à notre photographe Hugo-Sébastien, établi dans le coin, et au circuit monté par mon collègue Pierre-Marc Durivage, on fait de nouvelles découvertes, guidon de scooter en mains.
Disques et soleil
Après un looooong trajet dans la rue Sherbrooke, une première mise en bouche nous attend à la place du Village-de-Pointe-aux-Trembles, aire des plus agréables et conviviales, sur le bord du fleuve. On passe d’un deux-roues à l’autre, en atteignant le drôle de belvédère composé de deux disques superposés. Juste à côté, bancs et bacs à sable permettent aux locaux de flâner sous les rayons du soleil. On peut toiser les flots du fleuve ou, dans la direction opposée, l’élégant bâtiment de la Maison du citoyen. Renseignement pris, il s’agit d’un ancien couvent bellement rénové abritant désormais plusieurs services administratifs.
La face cachée de la pâtisserie
Après la mise en bouche visuelle, il est temps de se mettre concrètement quelque chose sous la dent. Soyons honnêtes, l’expression « désert alimentaire » est revenue sur les lèvres de plusieurs personnes croisées en chemin. Heureusement, Pierre-Marc nous a pointé un arrêt-ravitaillement à la boulangerie MariePain, rue Sherbrooke Est. De l’extérieur, ça ne paie pas de mine, coincé dans une petite zone commerciale un peu tristounette en bordure de route, mais la boutique cache bien son jeu, dévoilant tartes, pâtisseries, produits d’épicerie fine, douceurs au chocolat artisanales, sandwichs, etc. La qualité est là et, à en juger par la fréquentation, les résidants semblent bien au courant !
Les escaliers de la piété
Chargé de victuailles, on redémarre notre engin motorisé pour filer le long de Sherbrooke Est et bifurquer en direction du parc du Bois-de-la-Réparation, où niche le sanctuaire de la Réparation au Sacré-Cœur et de Saint Padre Pio. Par-delà l’imposante chapelle de la Réparation, on trouve un réseau de sentiers en forêt où il fait bon se ressourcer. Là, au moins deux curiosités attirent l’attention. La première est une reproduction de la grotte de Lourdes en pierre véritable – j’avais naguère visité l’originale, en voyage scolaire. La seconde est la chapelle de la Scala Santa, de style byzantin, signée par l’architecte Joseph-Arthur Godin en 1905. À l’intérieur, on y trouve un escalier en bois évoquant l’escalier éponyme de Rome, qu’il faut monter à genoux (chose faite, et ça fait mal). Statues et vitraux originaux en forme de fleurs ornent le tout, ce qui en fait un curieux endroit de recueillement.
Redémarrer pour des marais
Après cette bouchée de nature-culture, on en redemande. Ça tombe bien, puisqu’à quelques tours de roue seulement, on atteint l’entrée du vaste parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, s’étalant sur 261 hectares. Randonnée, observation des oiseaux, promenades du chien… paisible et dépaysant, surtout dans un contexte urbain (l’autoroute 40 n’est pas loin). Une passerelle récemment inaugurée permet d’enjamber les marais pour mieux scruter faune et flore, avant de s’enfoncer dans les bois. En passant, on se met une petite croix dans le carnet en vue de l’hiver, puisque ski de fond, raquette et vélo à pneus surdimensionnés y sont permis.
On s’arrête à la charrette
Visiter un secteur de la ville, c’est certes profiter des aménagements urbains, naturels et commerciaux du coin, mais c’est aussi rencontrer les personnages du quartier. Le scooter est d’ailleurs idéal pour faciliter la proximité ! On s’arrête ainsi à l’intersection Notre-Dame et 86e avenue au pied de la charrette rouge de Monsieur Léo, une véritable institution, qui roule sa bosse depuis plus de 30 ans, avec ses étals de fruits et légumes. Ces derniers proviennent des champs de Lavaltrie, L’Assomption et Saint-Gérard-Majella, complétés par des produits fournis par le Toit rouge de Repentigny. On attrape un casseau de fraises très odorantes et on se remet en selle, direction la plage !
Salut, ça baigne ?
Alors la voici, la fameuse plage de l’Est inaugurée il y a deux ans. Franchement, le cadre est très attirant, en face de l’île aux Asperges (où, d’après notre photographe, des bras de rivière forment un réseau que l’on peut sillonner en kayak). Étendue de petits galets, promenade bétonnée, double terrain de volley, rampe et jetée… l’envie d’attraper une serviette dans le coffre du scooter pour courir plonger dans le fleuve nous démange plus que jamais. Dommage que le projet tombe à l’eau : la baignade n’y est pas autorisée, pour cause de contamination (c’est une ancienne marina où des résidus de peinture seraient présents), mais aussi en raison de la présence du chevalier cuivré, un poisson menacé qui fréquente ces aires. On ignore si elle le sera un jour, mais pour l’instant, on se contente d’un bain de soleil dans un cadre très relaxant avec jeux d’eau à proximité. Crève-cœur, quand même !
Une glace, de grâce
Pierre-Marc me connaît bien, et il sait que tout circuit à scooter sans arrêt crème glacée sera considéré comme un fiasco. Il m’a donc indiqué la Crémerie Gelato, sur le boulevard Gouin, où m’attabler après avoir roulé au gré d’un ravissant tronçon longeant la rivière des Prairies. Le menu est classique, entre molles, dures, blitz, frappés et compositions décadentes, enrobées dans toutes sortes de trempages. Une belle façon de boucler ce circuit oriental, qui a réservé quelques surprises en chemin, et d’apprécier l’évolution de ce secteur souvent loin des yeux (pour les résidants des quartiers centraux et occidentaux), mais désormais plus proche du cœur.
Le mot de l’auteur du circuit
L’an dernier, j’ai envoyé Silvia Galipeau dans ce qu’on avait qualifié du Far-Est de l’île de Montréal. Cette année, c’est l’Extrême-Orient montréalais qui t’attend, Sylvain, jusqu’à la pointe de l’île ! C’est là-bas, au bout de Pointe-aux-Trembles, qu’on retrouve sans doute le plus bel aménagement de plage de l’île, bien qu’on ne puisse toujours pas s’y baigner. Mais le quartier regorge aussi de parcs gigantesques, qui courent d’un rivage à l’autre – on a justement demandé conseil à notre collègue photographe Hugo-Sébastien, fier résidant de « PAT ». D’ailleurs, avoue que les premiers kilomètres du boulevard Gouin te donnent l’impression d’être à des lieues de la ville.
Pierre-Marc Durivage