Charlevoix est une terre d’aventures. C’est vrai pour l’été, c’est aussi vrai pour l’hiver. Et derrière ces expériences, il y a des gens passionnés. Récit d’une virée dans Charlevoix qui s’articule autour du traîneau à chiens, de la via ferrata et du canot à glace.

Faire partager le bonheur des chiens

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Roxane Lazzaroni, copropriétaire de Bosco Charlevoix

Les chiens ne cachent pas leur impatience. Ils jappent, sautillent, tirent sur les traîneaux qui, pour l’instant, sont bien ancrés.

« Alors, on y va ? », semblent-ils dire.

De toute évidence, les chiens de Bosco Charlevoix, à Saint-Siméon, sont heureux, en santé et prêts à dépenser leur énergie débordante.

Antoine Forest-Côté, un des copropriétaires de la petite entreprise, a placé Minnie Mouse et Jack à la tête de son attelage. Ça risque d’être intéressant : les deux comparses à quatre pattes sont encore en apprentissage. « Les commandes sont moins acquises, mais si on ne les fait pas s’exercer, ils ne vont pas apprendre. »

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Antoine Forest-Côté et Roxane Lazzaroni, copropriétaires 
de Bosco Charlevoix

Nous aussi sommes en apprentissage. Comme nous avons la possibilité de conduire les attelages, il nous faut apprendre les commandes à notre tour : « aller » pour le départ, « haw » pour la gauche, « gee » pour la droite, « doux » pour ralentir, « whoa » pour arrêter. Il faut aussi apprendre à faciliter la vie aux chiens dans les montées et à ralentir le traîneau dans les descentes.

« Alors, on y va ? », s’impatientent les chiens.

Dès le départ, les bêtes se calment et se concentrent sur la tâche.

Antoine et Roxane Lazzaroni, l’autre copropriétaire de Bosco Charlevoix, prennent d’abord les commandes des deux attelages pour nous donner le temps de nous habituer. C’est le mode « paysage » : on admire, en se gardant bien de laisser un bras hors du traîneau. Ici, les sentiers sont étroits et sinueux. On tourne ici, on vire là, on descend abruptement. Il y a beaucoup d’intersections, les commandes fusent : « Jack, Gee ! » Parfois, Jack se trompe et prend le mauvais sentier. Mais bon. Qui peut se vanter de toujours bien distinguer la droite de la gauche ?

  • Les chiens sont heureux de partir à l’aventure.

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    Les chiens sont heureux de partir à l’aventure.

  • Les sentiers sont étroits et sinueux.

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    Les sentiers sont étroits et sinueux.

  • On peut s’asseoir dans le traîneau ou conduire son propre attelage.

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    On peut s’asseoir dans le traîneau ou conduire son propre attelage.

  • Les sentiers traversent notamment une forêt très jeune.

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    Les sentiers traversent notamment une forêt très jeune.

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Roxane me propose de prendre place à l’arrière de son traîneau pour piloter l’attelage. J’espère que les deux chiens de tête, Quimek et Kokopelli (Quiqui et Koko pour les intimes), feront preuve d’indulgence à mon égard. Il faut utiliser le frein à bon escient, déplacer son poids d’un patin de traîneau à l’autre dans les virages. C’est moins facile qu’il n’y paraît. Dans un virage un peu sec, le traîneau passe près de se renverser, puis se rétablit. Ouf, l’honneur est sauf.

Nous finissons par retourner au parc à chiens. Antoine et Roxane libèrent les coéquipiers des deux attelages. Les chiens peuvent lâcher leur fou, socialiser. C’est le temps des caresses. Jack a perfectionné son numéro de charme : doucement, il se presse contre ma jambe, affectueux, colleux. Deux retraités se joignent aux réjouissances : Marley, à l’épais manteau, ne se lasse pas des caresses, puis Inuk, à la grosse voix basse, qui garde un peu plus ses distances.

Quant à Minnie Mouse, elle est partie comme une fusée. La petite demoiselle a sauté par-dessus la barrière qui ferme l’enclos pour courir vers la maison d’Antoine et de Roxane, dans l’espoir d’un gîte à l’intérieur pour la nuit. Avec sa petite bouille sympathique, elle va probablement l’obtenir.

  • Roxane Lazzaroni ne ménage pas les caresses après la sortie.

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    Roxane Lazzaroni ne ménage pas les caresses après la sortie.

  • Marley, à la retraite mais toujours avide de caresses

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    Marley, à la retraite mais toujours avide de caresses

  • Prêt pour une ballade !

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    Prêt pour une ballade !

  • Kokopelli et Quimek ont bien hâte de s’élancer.

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    Kokopelli et Quimek ont bien hâte de s’élancer.

  • Bosco, qui a donné son nom à la petite entreprise

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    Bosco, qui a donné son nom à la petite entreprise

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L’amour des chiens

Tout a commencé avec Bosco, un bon gros toutou au pelage gris clair, le premier chien d’Antoine Forest-Côté et de Roxane Lazzaroni. Le jeune couple a accepté un emploi de guides de traîneau à chiens pour avoir la chance de garder Bosco auprès de lui toute la journée.

Puis, le couple a voulu faire les choses à sa façon et a eu la chance de mettre la main sur un beau grand terrain. Roxane et Antoine ont érigé une yourte, bâti une maison et tracé des kilomètres de sentier. Ils ont recueilli des chiens, souvent adultes, qu’il a fallu socialiser avec patience. Le couple en possède maintenant 25 et ne tient pas à augmenter ce nombre. « On veut guider à petite échelle, explique Antoine. On veut offrir une belle qualité de vie à nos chiens. »

Consultez le site de Bosco Charlevoix

Vertige hivernal

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Un pont couvert de neige, de quoi susciter une petite crainte

Derrière la petite auberge rustique, d’impressionnantes falaises s’élèvent vers un ciel d’un bleu profond. Ce sont les Palissades de Charlevoix, site d’une des premières via ferrata d’Amérique du Nord. Celle-ci est accessible l’hiver, mais avec la neige, le degré de difficulté (et d’excitation) grimpe d’un cran.

Le gestionnaire du Parc d’aventure en montagne les Palissades de Charlevoix, François-Guy Thivierge, nous offre deux parcours différents : un circuit jusqu’au milieu des Palissades, esthétique et aérien. Et un autre dans la partie supérieure des Palissades, qui demande plus de temps, plus d’efforts, mais qui promet des vues spectaculaires. Idéalement, il faudrait faire les deux. Nous n’avons qu’une journée, nous choisissons les sommets.

L’aventure commence à la porte même de l’auberge, dans un décor de forêt et de poudreuse. Nous chaussons des raquettes pour nous attaquer à la première étape du circuit, une longue montée vers le sommet en empruntant un étroit sentier. L’arrivée au sommet constitue une belle récompense pour cet effort. En nous voyant, un petit écureuil roux se réfugie au sommet d’un conifère alors qu’un pic-bois continue à picosser sans nous porter la moindre attention.

  • Il faut prévoir une belle approche en raquettes ou en ski pour faire la portion supérieure de la via ferrata.

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    Il faut prévoir une belle approche en raquettes ou en ski pour faire la portion supérieure de la via ferrata.

  • Le paysage est majestueux tout au long de la randonnée.

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    Le paysage est majestueux tout au long de la randonnée.

  • La longue montée vers le sommet dans un sentier étroit.

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    La longue montée vers le sommet dans un sentier étroit.

  • Un belvédère permet d’admirer la vue au sommet des Palissades.

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    Un belvédère permet d’admirer la vue au sommet des Palissades.

  • L’arrivée au sommet constitue une belle récompense pour l’effort accompli.

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    L’arrivée au sommet constitue une belle récompense pour l’effort accompli.

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D’ici, on peut admirer le lac à Jean et la rivière Noire au fond de la vallée. On peut aussi entrapercevoir le fleuve Saint-Laurent, entre les montagnes.

Encore un peu de marche dans la poudreuse et on peut enlever les raquettes, les fixer sur le sac à dos et emprunter une section de via ferrata. Avec la neige, il n’est pas facile de trouver les barreaux et les tablettes de roche pour y mettre le pied. Le fait de se mousquetonner à la ligne de vie avec de grosses mitaines demande aussi un certain effort (et un brin de patience).

Nous descendons le long de la falaise, avec la vallée sous les pieds, jusqu’à ce qu’un pont à l’allure précaire apparaisse. En fait, le pont est d’une très grande solidité, mais l’espacement irrégulier des marches de bois lui donne un petit air népalais un peu inquiétant. En dessous, il y a des dizaines et des dizaines de mètres de vide. Il faut simplement se concentrer sur chaque pas. Bien mousquetonnée à la ligne de vie, il ne peut rien arriver. On peut même s’arrêter en plein milieu pour admirer la vallée d’un côté, les grandes murailles de pierre de l’autre.

Il reste une autre étape excitante : un rappel de 70 m, bien vertical. En rappel, c’est toujours le premier mouvement, le fait de déplacer son corps vers l’arrière, qui est le plus angoissant. Puis, on se rend compte qu’il s’agit simplement de bien s’asseoir dans le harnais et de marcher à reculons sur la paroi.

  • Préparation à un long rappel

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    Préparation à un long rappel

  • En hiver, la via ferrata présente des défis supplémentaires.

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    En hiver, la via ferrata présente des défis supplémentaires.

  • Il s’agit simplement de bien s’asseoir dans le harnais et de marcher à reculons sur la paroi.

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    Il s’agit simplement de bien s’asseoir dans le harnais et de marcher à reculons sur la paroi.

  • À la fin d’un long rappel de 70 mètres

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    À la fin d’un long rappel de 70 mètres

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Nous atterrissons dans de la neige épaisse. Il reste encore une bonne descente à faire sur une pente relativement abrupte pour atteindre le fond de la vallée. Cela pourrait se faire à ski. Nous choisissons une méthode tout aussi efficace et plus rigolote : descendre sur le derrière dans la poudreuse.

En chemin, nous remarquons les traces d’une petite bête mystérieuse, puis un trou dans la neige, entre des rochers. Une tanière. Nous laissons le petit animal à son sommeil : son identité demeurera un secret.

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François-Guy Thivierge, gestionnaire du Parc d’aventure 
en montagne les Palissades de Charlevoix

L’amour des montagnes

François-Guy Thivierge est un incontournable dans le monde de l’escalade dans la région de Québec. Il a eu la passion de la montagne lorsqu’il était tout jeune. Il est l’un des rares Québécois à avoir gravi les sommets des sept continents, dont le mont Everest. Mais surtout, c’est un véritable entrepreneur. Il a ouvert le premier centre d’escalade intérieure au Québec, le Roc Gyms, en 1993. Puis, les projets ont déboulé : les écoles d’escalade de roche et de glace, la gestion de via ferrata, etc. Il a pris ce virage entrepreneurial parce qu’il voulait bien vivre de sa passion.

« Au cours des années, nous avons initié et motivé plus d’un million de personnes à faire de l’escalade », se réjouit-il.

Consultez le site du parc des Palissades de Charlevoix

Jouer sur les glaces

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Autrefois, le canot à glace permettait de relier les îles du Saint-Laurent à la terre ferme en hiver, lorsque les goélettes devaient faire relâche.

L’hiver, c’est plutôt tranquille à L’Isle-aux-Coudres. La plupart des restaurants et des hébergements ferment pour la saison. Mais il y a de l’action du côté de l’Espace patrimoine canot à glace Les Traverseux, dans le sud de l’île. C’est à la fois un café, un musée, une boutique, une école et une base pour une véritable aventure de canot à glace sur le fleuve.

Le tout commence par une nuitée de l’autre côté de la rue, aux Espaces 1535 (anciennement l’hôtel-motel Les Voitures d’eau), suivie d’un petit-déjeuner gargantuesque au café de l’Espace patrimoine : des tonnes de délicieuses calories et protéines qui nous permettront d’affronter sans crainte le froid et le vent.

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L’Espace patrimoine est notamment un musée dédié au canot à glace.

Puis, Guy Lapointe, cofondateur des Traverseux, nous fait visiter la section muséale du petit bâtiment de bois qui abrite l’Espace patrimoine. C’est le légendaire capitaine Eloi Perron qui a bâti autrefois ce lieu à partir de pièces de goélette pour en faire un Musée des voitures d’eau.

L’Espace patrimoine actuel met plutôt l’accent sur la tradition du canot à glace. Autrefois, il s’agissait d’un moyen de transport qui permettait de relier les îles du Saint-Laurent à la terre ferme en hiver, lorsque les goélettes devaient faire relâche.

C’est enfin le moment d’enfiler l’équipement que nous tendent Guy Lapointe et sa complice, Anie Harvey : des chaussettes et des bottillons en néoprène, des jambières de mousse, une grosse salopette, une veste chaude, un gilet de sauvetage, des mitaines. Et des crampons artisanaux. Deux autres canotiers, Gilbert Dufour et Gino Dufour, se joignent à nous pour l’aventure.

Il fait très beau, pas trop froid, mais il vente. Énormément. Et le vent a poussé les glaces près des côtes : il ne sera pas facile de rejoindre l’eau libre, là-bas. Pour l’instant, nos guides nous expliquent les diverses manœuvres à effectuer, à commencer par la trottinette : on laisse un pied dans le canot et on pousse sur la glace avec l’autre (d’où la grande utilité des crampons). Il y a aussi la rame, lorsque le canot est en eau libre. Et il y a la transition, alors qu’on passe de la glace à l’eau, et vice-versa. Il faut placer la rame au fond du canot ou la retirer en essayant de ne pas assommer son prochain. Il faut aussi savoir pivoter d’une position à l’autre sans s’enfoncer un crampon dans le mollet.

  • La trottinette : un pied dans le canot, l’autre sur la glace.

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    La trottinette : un pied dans le canot, l’autre sur la glace.

  • Une petite pratique de la technique de canot à glace avant de partir.

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    Une petite pratique de la technique de canot à glace avant de partir.

  • L’aventure peut commencer.

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    L’aventure peut commencer.

  • On pousse le canot vers le large.

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    On pousse le canot vers le large.

  • On s’apprête à faire une section sur l’eau libre.

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    On s’apprête à faire une section sur l’eau libre.

  • La transition entre la glace et l’eau : il faut repositionner la rame.

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    La transition entre la glace et l’eau : il faut repositionner la rame.

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Nous partons à l’aventure sur des glaces étonnamment changeantes : parfois recouvertes de neige, parfois lisses, parfois fissurées, parfois superposées en petits monticules, parfois recouvertes d’un peu d’eau. De temps en temps, une mince couche de glace se brise sous le pied, qui se mouille (d’où la grande utilité du néoprène). Mais il faut continuer à trottiner, à propulser le canot à bonne vitesse.

Nous avons quand même le temps de contempler le paysage de L’Isle-aux-Coudres, d’admirer la vieille église de Saint-Louis au-delà du tapis de glace.

On voit aussi les traces d’un renard qui a fait une longue marche de santé près de l’eau. Effectivement, il y a des sections d’eau libre, ce qui nous donne l’occasion de vérifier nos habiletés de rameurs. Ou l’absence d’habiletés, c’est selon. Nous n’irons pas compétitionner de sitôt au Carnaval de Québec…

Le vent qui se renforce nous joue des tours : il est difficile de garder le cap. Nous prenons donc la direction de la rive, même s’il est difficile de savoir, avec toute cette neige, où finit la glace et où commence la terre ferme. On finira bien par trouver, il y a un bon chocolat chaud qui nous attend à l’Espace patrimoine.

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Guy Lapointe, cofondateur des Traverseux

L’amour des glaces

C’est en 1990 qu’Anie Harvey est tombée amoureuse d’un canotier de 29 ans, Guy Lapointe. Elle s’est mise à le suivre lors des compétitions de canot à glace puis elle s’est mise à rêver d’une course à L’Isle-aux-Coudres. La première édition de la Grande Traversée a eu lieu dès 1991, ce qui donne une idée de l’énergie de la jeune femme. Guy Lapointe compétitionne encore, mais a délaissé la catégorie Élite pour la catégorie Sportive. Il préfère maintenant former la relève. « Je suis un porteur de tradition », déclare-t-il.

La création de l’Espace patrimoine canot à glace, propulsée par l’énergie d’Anie Harvey, suit la même logique : célébrer la tradition du canot à glace.

Consultez le site de l’Espace patrimoine canot à glace