(Paris) Le monument le plus célèbre de France fermé un troisième jour de suite. La Tour Eiffel restera probablement inaccessible jusqu’à jeudi, la grève reconductible lancée lundi par les deux syndicats représentatifs du personnel semblant s’enliser.

« Il n’y a aucune chance que ça se débloque dans la nuit (de mardi à mercredi) », a affirmé mardi après-midi à l’AFP Stéphane Dieu, délégué syndical de la CGT, représentant majoritaire des quelque 360 salariés de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (Sete).

La direction de la Sete « refuse de négocier » et la Ville de Paris, son actionnaire ultra-majoritaire, « refuse même de nous recevoir », assure M. Dieu pour expliquer pourquoi les négociations ont tourné court mardi matin.

En pleines vacances scolaires d’hiver et à cinq mois des Jeux olympiques (26 juillet -11 août), le bras de fer entre les deux syndicats - CGT et FO - et la municipalité a pour objet le modèle économique de la Sete, en cours de réécriture avec un avenant au contrat de délégation de service public qui court jusqu’en 2030.

L’avenant doit être validé en mai au Conseil de Paris. Mais « si le propriétaire (la mairie) impose un modèle intenable, on montrera notre désapprobation en juillet » pendant les JO, prévient Stéphane Dieu.

Les deux syndicats avaient déjà déclenché une grève entraînant la fermeture de la Dame de Fer le 27 décembre, jour du centième anniversaire de la disparition de Gustave Eiffel.

La redevance en question

Ils reprochent à la mairie une « recherche de rentabilité à tout prix et à court terme » et lui demandent d’être « raisonnable au niveau de ses exigences financières afin d’assurer la pérennité du monument et de l’entreprise qui le gère ».

L’équilibre économique de la Tour Eiffel, qui a retrouvé en 2023 une fréquentation supérieure à ce qu’elle était avant la COVID-19, avec 6,3 millions de visiteurs, a été fragilisé par quelque 120 millions d’euros de manque à gagner lors des deux années de crise sanitaire (2020 et 2021).

Pour faire face, la Sete a bien été recapitalisée à hauteur de 60 millions d’euros en 2021. Mais aux pertes de recettes s’est ajoutée une facture supplémentaire équivalente – environ 130 millions d’euros – de surcoûts de travaux de rénovation, principalement liés à l’actuelle campagne de peinture, compliquée par la découverte de traces de plomb.

Selon la CGT, l’actuel contrat est biaisé par une « sur-évaluation des recettes basées sur des objectifs de fréquentation annuelle de 7,4 millions de visiteurs », soit « des niveaux de fréquentation jamais atteints ».

Pour rétablir l’équation, les variables d’ajustement sont le montant de la redevance que la Sete reverse à la mairie, le prix des entrées et le budget des travaux.

La piste envisagée d’augmenter les tarifs de 20 % ne soulève pas d’opposition. Mais les interprétations diffèrent quant à l’évolution de la redevance et l’enveloppe des travaux.

La CGT estime que la Ville exige dans l’avenant une « hausse exponentielle de sa redevance, de 8 à 50 millions d’euros par an », ce qui revient selon Stéphane Dieu à imposer un « modèle ultra-tendu où 40 % du chiffre d’affaires brut part directement en redevance ».

Mais la direction affirme que l’avenant fait baisser la redevance par rapport au contrat initial.

Quant aux travaux réalisés, « de nombreux points de corrosion sont visibles, symptômes d’une dégradation inquiétante du monument » vieux de 135 ans, s’inquiètent les syndicats, déplorant les « 100 millions d’euros investis pour une campagne de peinture partielle avec seulement 3 % du monument décapé ».

Les syndicats, qui réclament la création d’un « fonds de dotation spécial » pour les futurs travaux, accusent aussi la Sete et la mairie de repousser la modernisation des ascenseurs et du dispositif de scintillement.

La fermeture du symbole de Paris et de la France suscite la frustration de milliers de visiteurs, majoritairement étrangers (environ 80 % selon les statistiques de 2023).

Ils sont automatiquement remboursés, assure la Sete à l’AFP.