La guerre en Ukraine, avec son lot d’inquiétudes et ses effets sur le prix du pétrole, jette une ombre sur l’industrie du voyage, qui semblait enfin prendre de l'élan après un énième coup de frein provoqué en décembre par le variant Omicron.

Les compagnies de croisières ont été les premières à réagir à l’invasion russe en Ukraine à la fin du mois de février, en revoyant sans tarder leurs itinéraires dans la mer Baltique, en Europe. « Elles ne vont plus à Saint-Pétersbourg, en Russie, une ville magnifique qui est une escale majeure pour ce genre de croisières », raconte Guy Bergeron, propriétaire de l’agence Croisières pour tous.

« Nous avions un départ de groupe prévu en juin qui a été annulé à cause de la situation, ajoute M. Bergeron. Sans escale à Saint-Pétersbourg, une croisière sur la Baltique, ça ne vaut pas la peine. »

Le conflit en Ukraine, qui monopolise les écrans depuis la fin-février, donne « mauvaise presse » à toute l’Europe, croit Guy Bergeron. Pour beaucoup de voyageurs, cette guerre « met un frein » à leurs projets de vacances sur le Vieux Continent, même si la plupart d’entre eux pensaient se rendre en Europe de l’Ouest, à des centaines de kilomètres de la frontière ukrainienne.

« Les gens se questionnent pour savoir si c’est le bon moment pour aller en Europe, observe aussi Nicolas Ryan, porte-parole de CAA-Québec, qui possède une importante agence de voyages. Ils préfèrent attendre un petit peu avant de faire une réservation complète pour voir si le conflit va se déplacer dans un autre pays, par exemple. »

Dans un rapport publié en début de semaine, l’application de voyages Hopper signale que « les recherches de vols aller-retour des États-Unis vers l’Europe ont baissé en moyenne de 9 % par rapport aux niveaux prévus. Ce phénomène n’est pas saisonnier et n’est pas observé pour les vols vers d’autres régions. »

Pour l’instant, Air Transat n’a toutefois pas observé d’impact négatif sur ses réservations en Europe, a fait savoir jeudi Annick Guérard, présidente et cheffe de la direction du transporteur, à l’occasion de la présentation des résultats pour le premier trimestre de l’année. Depuis l’annonce des allègements des restrictions aux voyages, à la mi-février, les réservations sont en hausse, a expliqué Mme Guérard.

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Corfou, en Grèce. Le conflit en Ukraine donne « mauvaise presse » à toute l’Europe, croit Guy Bergeron, de l’agence Croisières pour tous.

Le prix du pétrole, qui a atteint des niveaux presque records depuis le début de la guerre, inquiète davantage Air Transat, qui pourrait devoir ajuster ses tarifs au cours des prochaines semaines.

« Les transporteurs aériens calculent les prix de leurs billets en fonction d’un certain nombre de facteurs autres que le coût du carburant : la concurrence, la demande, les éléments de commercialisation et le type de trafic desservi par une liaison donnée », explique pour sa part, par écrit, Pascale Déry, directrice, relations avec les médias chez Air Canada. Les fluctuations de prix, constantes, ne peuvent être attribuées à une cause particulière, ajoute-t-elle.

De son côté, Hopper constate une augmentation de 16 % du prix des billets entre les États-Unis et l’Europe entre la première semaine de février et de mars. Or, « en 2019, les tarifs aériens vers l’Europe sont restés au même niveau sur cette période », explique l’entreprise. Dans son rapport, l’économiste Adit Damodaran précise néanmoins : « la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’a pas d’impact immédiat sur les prix du kérosène. »

Pour les vols à destination de l’Asie, un autre facteur pourrait toutefois provoquer des augmentations de prix : l’espace aérien russe, biélorusse et ukrainien étant fermé, des transporteurs n’auront d’autres choix que d’allonger certains trajets, et refileront la facture aux consommateurs.

Une grande soif de voyages

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« Ça fait deux ans que des voyageurs mettent de côté 100 $ par paye, leur banque commence à être pas mal pleine. Ils vont peut-être enfin aller faire le safari en Afrique du Sud auquel ils rêvent depuis toujours… », raconte Nicolas Ryan, porte-parole de CAA-Québec.

Si la situation en Ukraine semble freiner l’enthousiasme de certains voyageurs pour l’Europe, l’appétit pour des séjours à l’étranger ne se dément pas après de longs mois de pandémie… quitte à mettre le cap sur d’autres destinations.

« Quand tu te rapproches d’un incident, il y a une inquiétude qui se crée, remarque Nicolas Ryan, de CAA-Québec. Peut-être que quelqu’un qui pensait aller en Espagne va préférer aller au Mexique, au Costa Rica, au Pérou ou au Brésil, par exemple. »

Les Antilles et l’Amérique centrale semblent en effet profiter de la situation, selon Hopper, qui voit les réservations pour ces destinations croître depuis la mi-février.

« Ce qu’on voit beaucoup aussi, c’est les fameux voyages « bucket list », conclut M. Ryan. Ça fait deux ans que des voyageurs mettent de côté 100 $ par paye, leur banque commence à être pas mal pleine. Ils vont peut-être enfin aller faire le safari en Afrique du Sud auquel ils rêvent depuis toujours… »