(Cutler, Maine) Le Maine fera de nouveau le plein de touristes cet été, et les Québécois seront enfin du nombre après deux étés de privation. Mais rien ne condamne les visiteurs à jouer du coude sur les plages du sud de l’État. Vers l’est, la côte, beaucoup moins fréquentée, a encore des airs sauvages. Suggestions pour des vacances… reposantes.

Au bout du Maine comme au bout du monde

PHOTO SIMON CHABOT, LA PRESSE

Après une balade d’environ 2 km dans les terres publiques de Cutler, les marcheurs débouchent sur une partie de la côte du Maine laissée à l’état sauvage.

Beaucoup de Québécois vont retourner dans le Maine cet été. Ils renoueront avec les plages de sable fin, mais aussi les interminables bouchons sur la route 1. Or, avec les milliers de kilomètres de côte de l’État, il y a toujours moyen d’y trouver un peu de calme en bord de mer, en mettant le cap vers l’est.

Le sentier s’avance depuis bientôt 2 km dans une forêt dense au sol couvert de fleurs quand l’air prend soudain l’odeur salée de la mer. Quelques pas plus loin, l’horizon s’ouvre. À gauche comme à droite, de grands conifères jouent aux acrobates, parfois une racine en l’air, au sommet des falaises. Ici et là, de petites plages de galets se révèlent entre les parois rocheuses. Il y a bien un bateau de pêche au large pour rompre le silence, mais ni route ni maison à des milles à la ronde.

Oui, contre toute attente, la nature a gardé tous ses droits sur certaines parties de la côte du Maine, comme ici dans les terres publiques de Cutler.

Tout n’est pas sauvage dans ce coin de pays. Mais en roulant vers l’est sur la route 1, le paysage se métamorphose une fois passé l’embranchement vers Bar Harbor. Les minigolfs ont disparu et les motels se font rares, certains sont même à l’abandon. Les opulents manoirs, si nombreux à Camden, ont fait place à de modestes demeures de style colonial, avec leur revêtement de bois usé par le temps. Vers Lubec et Eastport, les deux (petites) villes les plus à l’est des États-Unis, beaucoup de maisons semblent même tout droit sorties d’une toile d’Edward Hopper, mélancolie comprise.

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Crépuscule sur Eastport, dans l’extrême est du Maine

L’est du Maine, baptisé Downeast, est un pays de pêcheurs. De homard surtout. Presque chaque anse qui se succède sur la côte abrite un petit port. Encombré de cages et de bouées. Et entouré d’une poignée de maisons. Dans les baies à marée basse, des ramasseurs de coques surgissent de la brume. Et sur les terres, les vastes champs de bleuets sauvages épousent longuement les collines.

Les visiteurs sont plus rares. La vie paraît plus rude.

« La pandémie a été difficile dans ce coin-ci de l’État », raconte Lisa Hanscom, qui exploite une ferme de bleuets et loue deux petites cabanes à Roque Bluffs. « Beaucoup de commerces ont fermé. »

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Un bateau de pêche mouille dans le port de Corea, à l’est du parc national Acadia.

Les attraits du Downeast ne manquent pourtant pas pour qui aime le grand air.

On peut y faire d’innombrables randonnées en bord de mer, comme à Cutler, mais aussi au pied du phare de West Quoddy Head, et dans de nombreuses réserves ou parcs d’État, notamment sur les rives de l’immense baie de Cobscook, où les ornithologues amateurs viennent observer autour de 300 espèces d’oiseaux.

22 millions

Le Maine a accueilli près de 22 millions de visiteurs qui y ont passé au moins une nuitée en 2019, dont 12 millions pendant la saison estivale.

Source : Maine Office of Tourism

Quelques entreprises proposent également des excursions en bateau, vers les îles du large, peuplées de phoques et de macareux, ou dans l’espoir d’apercevoir des baleines.

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La plage de Roque Bluffs fait partie d’un parc d’État.

La région compte enfin de multiples plages, souvent de galets comme à Jasper Beach, mais pas seulement. Le sable de la plage du parc d’État de Roque Bluffs n’a pas grand-chose à envier à celui des stations balnéaires du sud de l’État, même si l’eau n’y est assurément pas plus chaude.

Trouver le calme à Schoodic

Il faut rouler près de cinq heures pour atteindre Eastport depuis Ogunquit. Du sud, le Downeast n’est donc pas une destination pour une escapade de jour de pluie. La région avoisine en revanche le très populaire parc national d’Acadia, qui accueille plus de 2 millions de visiteurs par année.

Pour échapper ne serait-ce qu’une journée aux hordes de touristes qui s’y pressent pendant l’été, rien de plus simple que de franchir la baie Frenchman, par la route ou par traversier, jusqu’à un secteur moins connu du parc national : la péninsule Schoodic.

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La vue sur l’île des Monts-Déserts depuis la pointe Schoodic, dans le parc national Acadia, un bel endroit pour un pique-nique

Une route panoramique y longe la côte sur une vingtaine de kilomètres, une distance idéale à parcourir à vélo (mais qui se fait aussi très bien en voiture). On peut y admirer les sommets de l’île des Monts-Déserts, à l’ouest, notamment depuis les grandes pierres qui plongent doucement dans la mer à la pointe Schoodic, un endroit parfait pour casser la croûte. Et le chemin est très plat, pas comme celui qui mène au mont Cadillac du côté de Bar Harbor !

Bon à savoir tout de même si vous avez envie d’un défi : contrairement aux automobilistes, inutile de réserver son passage quand on monte à vélo jusqu’au point le plus élevé du parc Acadia. Attendez-vous à pédaler – il faut grimper près de 420 m pour atteindre le sommet du mont Cadillac –, mais vous pourrez faire des pauses dans des aires placées devant de spectaculaires points de vue.

5 %

Dans le Maine, 1 visiteur sur 20 venait du Québec en 2019, selon une étude commandée par l’Office du tourisme de l’État.

Source : Maine Office of Tourism

Dans les collines de Camden

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Vue sur Camden depuis le sommet du mont Battie, dans le parc d’État des Camden Hills

Un vacancier en mal de quiétude trouvera aussi son bonheur à quelques minutes à peine du chic Camden et de ses excellentes tables (le pad thaï du Long Grain est sublime). Le parc d’État des Camden Hills commence aux limites de la ville.

Ce serait bête de manquer le magnifique panorama au sommet du mont Battie, qui se gravit en un quart d’heure à peine sur une piste très escarpée, ou par la route. Une fois en haut, les visiteurs ont accès à une vingtaine d’autres sentiers peu fréquentés.

Pour une baignade en eaux douces (et plus chaudes), rendez-vous à la plage du lac Megunticook, en bas du parc et à la sortie de la ville. Si la marche et la baignade vous ont creusé l’appétit, continuez sur la route 52 jusqu’au magasin général de Lincolnville Center, qui cuit sa pizza dans un grand four à bois.

Beaucoup de bouts du monde

La côte du Maine fait plus de 5500 km, grâce notamment à de multiples estuaires. Explorer les pointes et les îles qui les bordent est une autre belle façon d’échapper à la cohue estivale. Et de tomber sur de belles découvertes, comme le comptoir de la ferme d’élevage d’huîtres de Glidden Point, au sud de Damariscotta.

Impossible de trouver des huîtres plus fraîches qu’ici ; elles sortent de la rivière aux eaux saumâtres le matin même. À moins de 2 $ pièce, c’est l’occasion d’un petit festin dont on peut profiter sur une agréable terrasse en nature, avec une bonne bouteille de vin ou de bière, en vente sur place.

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Les huîtres de Glidden Point sont servies sur glace, avec citron et mignonnettes, au comptoir de la ferme d’élevage.

« L’ostréiculture est un métier très exigeant, raconte Michael, le guide qui fait visiter les installations. Il faut sans cesse retourner les cages, puis déplacer les huîtres dans différents sites sur la rivière. Les 2,5 millions de larves grosses comme un grain de riz que l’on achète chaque année ne nous donneront que 500 000 huîtres, après deux ou trois ans de culture. »

L’avantage de la géographie du Maine, c’est que chaque pointe qui se lance dans la mer procure un petit sentiment de bout du monde.

C’est le cas même à Harpswell, une municipalité formée d’étroites bandes de terre et d’îles en partie reliées par des ponts, qui fait pourtant partie de la « région métropolitaine » de Portland.

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Sentier côtier dans l’île Bailey, dans la baie de Casco, non loin de Portland

Ici, la mer est partout où se pose le regard. Au bout de l’île Bailey, les vagues se jettent sur les récifs avec fracas. Entre les jolis chalets et les grandes demeures, les rues tranquilles mènent à de courts sentiers côtiers, comme celui des Giant’s Stairs, une formation rocheuse bien nommée : on dirait bel et bien des escaliers pour géants qui sortent de l’eau.

D’autres sentiers épousent les berges de l’île voisine d’Orr, dans le secteur de Devil’s Back, et un peu plus au nord, la Cliff Trail mène au sommet de hautes falaises. Une poignée d’autres réserves, certaines avec des lieux de baignade, ponctuent le territoire de la municipalité qui s’explore très bien sur deux roues.

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Le territoire de la municipalité de Harpswell est formé d’étroites bandes de terre et d’îles en partie reliées par des ponts.

Malgré la hausse du prix de l’essence, le Maine s’attend à un été très occupé. Encore plus que l’an dernier où, dans l’ensemble de l’État, les visiteurs étaient déjà 2,4 % plus nombreux qu’avant la pandémie. Ça fait beaucoup de parasols en vue sur la plage.

Le concert dissonant des jeux d’arcade et des manèges ou les restaurants qui débordent font aussi partie du charme des vacances à la mer. Surtout après en avoir été privé pendant deux étés. Mais la côte du Maine, pleine de contrastes, compte bien d’autres trésors à découvrir. Il suffit souvent de faire un pas de côté pour y accéder. Et pour passer un moment en tête à tête avec l’océan.

Dormir à bon prix

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Le pavillon Surfside du Driftwood Inn, à Bailey Island, donne directement sur la mer.

Le Maine n’est pas la destination la moins chère, mais on y trouve néanmoins quelques propositions d’hébergement abordables, parfois idéalement situées. Voici celles que nous avons dénichées. Avec leurs bons, et moins bons, côtés.

Bailey Island : chambre avec vue au Driftwood Inn

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L’une des chambres avec vue sur la mer du Driftwood Inn

Le Driftwood Inn occupe trois acres de terrain, presque au bout de Bailey Island, à Harpswell, depuis plus de 100 ans. On y trouve quelques petits chalets et des chambres réparties dans trois jolis pavillons de bardeaux de cèdre. Beaucoup de chambres donnent sur la mer. Il y a aussi de belles terrasses pour profiter de la vue sur les récifs. Et une piscine d’eau de mer. Lors de notre passage, le pavillon Surfside était vide. Des conditions idéales pour s’endormir au son des vagues, car avec six chambres qui peuvent accueillir jusqu’à neuf clients, c’est sans doute d’autres bruits qui nous auraient accompagnés dans le sommeil s’il avait été bondé, comme c’est le cas au cœur de l’été.

À partir de 105 $ US la nuit

Consultez le site du Driftwood Inn (en anglais)

Northport : le joli Merrybell Motel

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Le Merrybell Motel ne compte que sept chambres.

Ce mignon motel de sept chambres est situé à une quinzaine de minutes de Camden, et pas trop loin de la petite plage de Lincolnville. Zulilah et Fraser, qui habitent dans une maison adjacente au motel avec leurs enfants, ont racheté l’établissement il y a environ sept ans. « Il était en très bon état, explique Fraser, mais on l’améliore chaque année. » Les rhododendrons en fleur égaient l’endroit. Les chambres sont petites, mais bien aménagées, avec une petite machine à café et un four micro-ondes. Le WiFi est hyper efficace. Les lits sont confortables. Un petit hic : le motel est situé très près de la route 1, où la bruyante circulation s’apaise tout de même la nuit venue.

À partir de 110 $ US en juillet et en août

Consultez le site du Merrybell Motel (en anglais)

Roque Bluffs : une cabane à la ferme Welch

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Les petits chalets de la ferme Welch, à Roque Bluffs, sont rustiques mais confortables.

Les propriétaires de la ferme Welch, dans le Downeast, ont posé deux petits chalets de bois dans un coin de leur grande terre, où poussent des millions de plants de bleuets sauvages. On pourrait les qualifier de cabanes, en fait, qui ont des airs de camps de chasse. En un mot, c’est rustique. Mais pratique, avec un coin cuisine. Les lits sont aussi douillets. Deux sentiers mènent jusqu’à une colline ou une petite anse où admirer le coucher de soleil sur la baie Englishman. Le parc d’État de Roque Bluffs, pour randonner ou se prélasser sur une plage de sable fin, est à deux minutes de voiture.

À partir de 100 $ CAN la nuit (+ frais Airbnb)

Consultez le site de la ferme Welch (en anglais)

Dennysville : dans une yourte sur la baie de Cobscook

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La yourte est située au milieu d’un pré fleuri.

Il faut traverser à pied un pré fleuri de boutons d’or sur quelques dizaines de mètres pour arriver à la yourte plantée derrière un bosquet d’arbustes, à un jet de pierre de la baie Cobscook et de ses impressionnantes marées. On y trouve un grand lit et une petite table avec deux chaises. Tout près : un rond de feu et une toilette sèche. C’est assez minimaliste, plus près du camping que du glamping. Mais l’endroit est très calme. Malheureusement, la rive de la baie, accidentée, ne permet pas de s’y poser vraiment. Pour une nuit, ça ira, mais on n’a pas nécessairement envie de s’éterniser ici.

À partir de 77 $ CAN la nuit (+ frais Airbnb)

Consultez la fiche de la yourte