Les chevaux mustang espagnols ont disparu depuis longtemps de la surface de la Terre. À part à deux endroits, en Caroline du Nord. Nous nous sommes rendus à l'un d'eux, à Corolla, pour admirer ces magnifiques bêtes à l'état sauvage sur les plages des Outer Banks. Sans selle, sans harnais, sans cavalier.

Chevaux en toute liberté

«Est-ce qu'ils se baignent parfois dans la mer?», s'exclame un touriste en apercevant un premier troupeau de quatre chevaux sur la grève.

«Ce ne sont pas des chevaux de mer», répond du tac au tac Brad Downs. «Ils ont nagé vers le rivage il y a 500 ans, mais leur expérience en natation s'arrête là», ajoute le guide au sens de l'humour évident.

L'État de la Caroline du Nord est bordé par une longue bande de sable où des milliers de bateaux se sont échoués au fil des années, d'où son triste surnom de «cimetière de l'Atlantique». C'est comme ça que sont arrivés les premiers mustangs, vers la fin des années 1500 ou au début des années 1600, avec les bateaux de colons espagnols.

Jay Bender se rappelle très bien l'époque où l'on pouvait apercevoir des chevaux jusqu'au village de Duck, quelque 25 km au sud de Corolla. On les apercevait sur la plage, sur le bord de la route ou dans le potager des résidants locaux.

Dans les années 60, les parents de Jay Bender ont fondé une entreprise qui organisait des excursions de pêche, de chasse et de photographie à Corolla. Comme il n'y avait pas de route pour se rendre dans cette communauté la plus au nord des Outer Banks, il fallait absolument un 4x4 pour rouler sur la plage.

«Quand j'ai commencé à guider des groupes pour mes parents, on n'amenait pas les gens voir des chevaux. En fait, on en voyait partout dans le village de Duck. Quand on en croisait, il n'y avait rien d'extraordinaire», raconte Jay, maintenant responsable de Corolla Outback Adventures, avec sa mère de 83 ans.

En 1985, le gouvernement a toutefois aménagé une route pavée vers Corolla. Cette nouvelle voie a eu un impact sur le tourisme, mais aussi sur les chevaux. En cinq ans, 20 d'entre eux ont perdu la vie à la suite d'une collision avec une voiture.

Devant ce triste constat, une longue clôture a été érigée à la fin de la route, et les chevaux ont été amenés au nord de Corolla, sur une bande de sable longue de 12 miles.

Les chevaux confinés à l'extérieur du village sur une plage impossible à parcourir sans camionnette, les touristes se sont mis à réclamer des excursions pour voir les derniers mustangs espagnols sur Terre.

Vivre dans un harem 

Sur le terrain de 7544 acres, partagé par une réserve écologique et par quelques résidants qui aiment habiter loin de tout, une centaine de chevaux vivent comme bon leur semble... en harem.

«Les touristes s'attendent souvent à voir le clan réuni. Les chevaux se réunissent plutôt en petits groupes territoriaux. Ils sont souvent quatre ou cinq, parfois plus. En tout, il y a entre 15 et 20 harems composés d'un mâle et de plusieurs femelles», indique Brad Downs.

Le guide n'ose pas le dire, mais les chances de voir des chevaux sont assez élevées, surtout en été. Les chevaux s'abreuvent dans les étangs d'eau fraîche, ils s'alimentent d'herbes de dune, ils défèquent sur le terrain des résidants-ermites, ils protègent leurs poulains, ils transportent des aigrettes sur leur dos. En échange, les oiseaux mangent les mouches qui tournent autour de la cavalerie.

Les chevaux partagent aussi la longue plage avec un nombre étonnant de véhicules qui circulent comme dans le Far West.

Excursions, oui ou non? 

Le Fonds pour la conservation des chevaux sauvages de Corolla se rend quotidiennement sur le terrain pour tenir un décompte à jour des chevaux, pour suivre leurs déplacements et les changements dans les harems. Selon l'organisme, la circulation automobile sur la plage n'est pas un problème outre mesure.

«C'est sûr que ça peut stresser les animaux par moments, mais je pense qu'ils ont fini par s'y habituer. Je ne peux pas en être complètement sûre, mais j'ose quand même croire qu'ils préfèrent la saison basse», affirme Jo Langone, présidente-directrice générale du fonds.

Pour assurer le bien-être des bêtes, le comté de Currituck s'est doté de règles strictes. Il est interdit de s'approcher à moins de 50 pi des chevaux, dans la mesure du possible. Même si la circulation sur la plage est légale, un permis spécial est toutefois nécessaire pour s'y arrêter.

Aussi, le nombre de véhicules servant aux excursions touristiques a été restreint. Mais encore là, Jo Langone ne voit pas d'un mauvais oeil les organisateurs de tours guidés.

«Ces entreprises causent un peu plus de trafic, mais il y a un revers à la médaille en leur faveur. Sans eux, nous aurions sûrement encore plus de voitures sur la plage. Au lieu d'amener cinq, voire dix nouvelles voitures sur la route, tous ces passagers se réunissent dans un seul véhicule dit "touristique"», nuance-t-elle.

Et comme plusieurs personnes ont une image romancée des chevaux, ajoute-t-elle, les entreprises touristiques préviennent assurément certains incidents entre humains et bêtes sauvages.

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Les frais de ce reportage ont été payés par Visit North Carolina qui n'a eu aucun droit de regard sur son contenu.

Photo Bernard Brault, La Presse

À voir, à faire, à manger

Du nord au sud, les Outer Banks, c'est 320 km de dunes, de sites de baignade et de villages de pêcheurs. Voici les meilleures adresses de cette longue bande de sable que les touristes ont adoptée pour les plages et l'Histoire.

Pour se balader 

Manteo se trouve dans la petite île de Roanoke. C'est l'un des rares villages des Outer Banks où il est agréable de se promener en marchant. Les boutiques, restaurants et galeries d'art s'y succèdent. C'est aussi dans cette communauté qu'un quatuor d'amis produit le rhum artisanal Kill Devil. La distillerie fabrique de petits lots d'un rhum blanc et d'un rhum ambré qui a vieilli 18 mois dans un baril de chêne ayant servi au bourbon. Il faut par contre être âgé de 21 ans pour visiter les installations. Le rhum Kill Devil est servi dans de nombreux restaurants de la région. 

Distillerie Kill Devil 

510 Budleigh Street, Manteo

outerbanksdistilling.com

Pour du poisson frais 

O'Neals est un grossiste qui achète le stock des pêcheurs. L'entreprise familiale ne le publicise pas, mais elle tolère les badauds qui entrent dans son entrepôt pour voir les pêcheurs et leurs prises du jour. Au plus fort de la saison, une cinquantaine de bateaux accostent avec des crevettes, des crabes, des thons, des soles, des loups de mer, des maquereaux... O'Neals tient aussi une poissonnerie et un comptoir où l'on mange du poisson grillé ou pané, servi avec de la salade de chou, des frites ou de l'okra. 

O'Neals 

622 Harbor Road, Wanchese

onealsseaharvest.com

Pour un pique-nique 

TRIO, c'est un bar à vin qui sert des repas le midi et le soir, mais c'est aussi l'un des meilleurs endroits des Outer Banks pour ramasser une bouteille de vin, des fromages et des charcuteries pour un pique-nique. On y vend plusieurs bières locales et quelques vins nature. Au cours de l'été, deux des quatre propriétaires ouvriront un second restaurant The Village Table & Tavern, à Duck. Cet établissement promet de servir une cuisine «casual» de grande qualité.

TRIO Wine Beer & Cheese 

3708 North Croatan Highway, Kitty Hawk

triowinebeercheese.com

Pour l'Histoire 

C'est à Kitty Hawk qu'a eu lieu le premier vol d'avion, et les lieux de cet exploit ont à peine changé 115 ans plus tard... à part le sable qui a été remplacé par du gazon. À l'époque, les frères Wilbur et Orville Wright cherchaient un terrain venteux pour voler, sablonneux pour atterrir en douceur et isolé pour ne pas se faire voler leur technologie. C'est comme ça qu'ils ont «atterri» dans les Outer Banks. Le récit de cette histoire par les gardes-parcs est passionnant. On vous le dit! 

Mémorial des frères Wright 

1005 North Croatan Highway, Kill Devil Hills

www.nps.gov/wrbr

Photo Bernard Brault, La Presse

C'est agréable de se promener sur la rue principale de Manteo. Les restaurants, les boutiques et les galeries d'art s'y succèdent.

Pour la nature 

Les Outer Banks changent continuellement. La longue bande de sable se fait souffler par les vents et brasser par les marées. Les dunes sont donc toujours en mouvement. Avec le temps, la région a toutefois vu beaucoup de constructions et de végétation pousser. Pour voir à quoi ressemblaient les Outer Banks il y a 200 ans, il reste le parc Jockey's Ridge. Avec ses 426 acres de sable, il s'agit des plus vastes dunes naturelles de l'est des États-Unis. Il faut compter une dizaine de minutes de marche pour se rendre au sommet du vallon. De là-haut, on aperçoit la mer d'un côté et le lagon de l'autre. Plusieurs amateurs de deltaplane choisissent d'ailleurs cet endroit pour s'envoyer en l'air. 

Jockey's Ridge State Park 

300 West Carolista Drive, Nags Head

www.jockeysridgestatepark.com

Pour du luxe 

Le Sanderling Resort est sûrement l'un des plus beaux hôtels des Outer Banks, sinon LE plus beau. Ici, les employés ont votre séjour à coeur: on vous offre le café et le thé sur la grande terrasse avec vue sur la mer, on installe votre chaise longue sur la plage déserte et on vous propose l'apéro près du foyer extérieur. Tout est propice à la détente, à part, peut-être, le coût d'un séjour. En saison haute, les prix d'une nuitée avoisinent les 450 $US. En saison basse, on peut s'en sortir autour de 180 $US pour une chambre. 

Sanderling Resort 

1461 Duck Road, Duck

www.sanderling-resort.com

Pour une séance d'entraînement 

C'est difficile à imaginer, mais le phare du cap Hatteras a été déplacé sur 0,5 mile (0,8 km), en 1999. Les ingénieurs ont réussi à bouger la grande tour sur un chemin de fer. Le but était évidemment de préserver le plus haut phare en briques du monde des marées menaçantes. Aujourd'hui, il est possible de grimper les 257 marches ou l'équivalent des 12 étages du monument. De là-haut, on aperçoit l'ancien emplacement du phare et on découvre un paysage à couper le souffle. 

Parc national du cap Hatteras 

46 379 Lighthouse Road, Buxton

www.nps.gov/caha/index.htm

Pour un bon repas 

C'est un peu triste à dire (et à écrire), mais il y a peu de restaurants de fine cuisine dans les Outer Banks. L'un des endroits où l'on retrouve l'une des cuisines locales les plus raffinées est au restaurant du petit hôtel The Inn on Pamlico Sound. Le chef se sert dans un énorme potager de fruits et de légumes. Sur le menu, les ingrédients qui proviennent du jardin, des fermes avoisinantes ou de pêcheurs locaux sont indiqués. 

The Inn on Pamlico Sound 

49 684 North Carolina Highway 12, Buxton

innonpamlicosound.com

Pour une gâterie 

La mode des beignes est loin de s'atténuer aux États-Unis. À preuve, ce petit comptoir de beignes à Duck, Duck Donuts, prend de l'expansion à une rapidité impressionnante aux États-Unis. La marque compte maintenant des succursales dans une douzaine d'États. Dans les Outer Banks, on en recense six. On choisit parmi une dizaine de variétés de glaçage et 25 garnitures, puis les beignes sont préparés au fur et à mesure. Quand on les déguste, ils sont encore tièdes, moelleux... et complètement décadents. 

Duck Donuts 

1190 Duck Road, Duck

www.duckdonuts.com

Photo Bernard Brault, La Presse

Les marcheurs et les amateurs de deltaplane chérissent ces dunes.

Carnet de notes

Se rendre en auto

Il faut compter environ 15 heures pour se rendre dans les Outer Banks en voiture de la métropole. Certains braves font la route d'un seul coup, mais d'autres coupent le trajet en deux. À partir de Wilmington, dans l'État du Delaware, on peut rouler vers le Maryland pour passer tout près de Washington ou poursuivre sa route vers le sud pour traverser l'impressionnant pont-tunnel de Chesapeake Bay. Celui-ci mesure 37 km de long. Actuellement, pour atteindre les Outer Banks, cette longue bande de sable au large de la Caroline du Nord, il n'y a que deux ponts au nord. C'est peu. L'État songe toutefois à construire un nouveau viaduc. Mais d'ici à ce que cette nouvelle structure voie le jour, il risque de s'écouler quelques étés encore.

Se rendre en avion

L'aéroport international de Norfolk, en Virginie, est le plus près des Outer Banks (132 km). Sinon, on peut atterrir à Raleigh, en Caroline du Nord, mais l'aéroport est à 309 km des premières plages. Dans les deux cas, il n'y a pas de vols directs avec Montréal. Un billet aller-retour pour la mi-juillet coûte autour de 375 $ CAN.

Éviter la congestion routière

En été, c'est assez difficile d'éviter la congestion routière. Au nord et au sud des Outer Banks, la route n'a qu'une seule voie dans chaque direction. Les vacanciers roulent donc à la queue leu leu.

Détail important: la grande majorité des propriétaires louent leur résidence à partir du samedi. C'est donc assez pénible de se déplacer au début du week-end. Des touristes arrivent tandis que d'autres quittent la région, tous en même temps.

Si vous avez la possibilité d'arriver dans les Outer Banks une autre journée que le samedi, sautez sur l'occasion!

Se loger 

Il y a des hôtels dans les Outer Banks, mais le marché de la location de courte durée est beaucoup plus populaire. Selon l'Office de tourisme de la région, 90 % des vacanciers louent une maison lorsqu'ils visitent les Outer Banks. D'ailleurs, plusieurs résidences sont particulièrement grandes, avec 10 chambres à coucher et même plus. Mais il existe quand même quelques choix plus modestes pour les petites familles. Pour cet été, il n'est pas trop tard pour réserver si jamais l'envie vous prend de visiter la région.

Pour louer une maison: www.outerbanks.com/vacation-rentals.html

Les ouragans

La saison des ouragans s'étend du 1er juin au 30 novembre, et l'État de la Caroline du Nord n'est pas toujours épargné. Même s'il s'agit de situations exceptionnelles, il arrive que les services d'urgence évacuent tous les résidants et les touristes des Outer Banks. Dans ces cas, des refuges sont mis en place sur la terre ferme. Malheureusement, les hôteliers et les propriétaires qui louent leur maison ne remboursent pas leurs clients. Mieux vaut le savoir avant de partir.

Photo Bernard Brault, La Presse

Se rendre en auto